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sur 2407 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le Lys dans la vallée est le roman de la contention, de l'inhibition et de la frustration.

Dès les premières mesures.

L'enfance et l'adolescence tristes de Félix -le mal nommé- s'étiolent dans la froideur et l'indifférence maternelles: la première frustration est celle de l'amour premier, celui qui ouvre la porte à tous les autres, l'amour maternel.

Aussi quand il rencontre, à un bal, Blanche de Mortsauf, femme (mal) mariée, timide, et provinciale, leur découverte mutuelle se fait d'extraordinaire façon: un « parfum de femme » vient d'abord toucher les sens du jeune Félix, lové sur une banquette, comme un enfant que sa mère y aurait oublié. Ragaillardi par cette fragrance sensuelle, Félix se retourne : ce ne sont ni des yeux ni un visage qui donnent une forme à l’objet de son trouble , mais un dos, des épaules, un décolleté plantureux dans lequel son regard gourmand plonge et au ..sein duquel il enfouit bientôt son visage éperdu, sans un mot! Surprise, bouleversée, attendrie, madame de Mortsauf ne sait comment accueillir –et repousser - cet assaut : est-ce celui d'un jeune homme débordé par ses sens ou celui d'un enfant perdu? C'est en femme, en reine offensée, qu'elle réagit en s'écriant "Monsieur?" donnant ainsi à Félix le statut d'homme qu'il désirait violemment, mais la mère en elle choisit l’enfant, et la femme est touchée au plus profond..

Ce "raptus" amoureux donnera le ton à tout leur amour: fringale violente et mutisme torturé, audace et rétention, sensualité et maternage...

Félix et Blanche sont amenés à se revoir, à se désirer, à s'interdire tout autre licence, comme si toute leur libido s’était donné libre cours une fois pour toutes dans cette première rencontre, dos à dos..

Blanche est mariée à un homme cruel et peu aimable, elle est mère aussi, et bardée de devoirs conjugaux, familiaux, religieux…

Félix laisse alors sa sensualité s'exprimer avec une miss anglaise fort décomplexée. Blanche en souffre, dévorée d'une jalousie sans nom qui la ronge et la détruit. Félix commence sa vie quand elle l’achève mais il sera toujours marqué au fer par son premier amour, si incomplet fût-il, amour inoubliable, pur comme le lys de cette vallée de Touraine dont Blanche était le plus beau fleuron.

C’est un livre que j’ai lu trop tôt pour l’apprécier : le romantisme échevelé de cet amour chaste et tourmenté a très vite agacé l’adolescente que j’étais. Il me fallait des audaces plus stendhaliennes –Mathilde de la Môle coupant ses cheveux, Julien saisissant la main de Madame de Rênal sur le coup de dix heures, Madame de Rênal tirant sur Julien : voilà ce qui me faisait vibrer ! Les atermoiements et scrupules de Blanche, les transports muets de Félix avaient le don de m’énerver..

Puis un professeur exceptionnel, Gérard Gengembre, spécialiste de Balzac, et auteur d’une excellente monographie , m’a fait relire, découvrir et adorer ce livre complexe.

Je lui ai depuis trouvé des audaces, insoupçonnées à la première lecture- la scène de première rencontre, atypique et insensée, aurait dû me mettre la puce à l’oreille pourtant.

La maladie de Blanche dit assez clairement, pour un roman réputé puritain et romantique, les dégâts, sur le corps, des désirs insatisfaits. Le désir féminin y est exploré avec une rare pénétration…mais le tout est délicatement masqué par un emballage romantique de bon ton.

L’immaturité affective et sexuelle de Félix, privé de mère et qui se cherche autant une maman qu’une maîtresse, fait penser à celle de Jean-Jacques (Rousseau), autre enfant sans mère, qui trouva dans Madame de Warens une douce association des deux, la mère et l’amante, accomplit sous son patronage une éducation sentimentale accélérée et fit souffrir terriblement celle qu’il appelait « Maman » avec toutes ses fredaines de petit animal gourmand …

Le roman est aussi, on le sait, une transposition de la vie de Balzac, petit garçon doté d’une mère mondaine et peu attentive, qui chercha des mères de substitution dans toutes ses compagnes, à commencer par Laure de Berny , son premier amour, et eut même à la fin de sa trop courte vie, une amante épistolaire , Eve Hanska, ce qui est le comble de l’amour platonique et du goût exacerbé pour la distance -Eve était polonaise- et pour la lenteur -les postes du XIXème siècle n’avaient pas l’instantanéité de Facebook ou des courriels d’aujourd’hui… distance et lenteur qu’il considérait sûrement comme des aphrodisiaques puissants comme le montrent leurs lettres torrides et leur mariage…alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés !

Un livre plein comme un œuf de signes et de sens ..pas si « liliaques » ni élégiaques que cela !
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Félix, à cinq ans, « s'envolait dans une étoile ». À cette étoile, il pouvait confier ses secrets, ses blessures d'enfant mal aimé, subissant la froideur d'une mère, le manque d'affection de ses frères et soeurs et les privations répétées. Etre aimant et sensible, il se réfugie dans les études.
Jusqu'au jour où cette étoile, il va la rencontrer à un bal. C'est le début de son idylle avec Me de Mortsauf.
Parti se reposer à la campagne, dans une vallée où coule l'Indre, il va revoir cette femme céleste, pénétrant son âme de rêveur, faisant de son rêve une réalité.
Son étoile va devenir « le lys de la vallée ». Femme- eau, amour inaccessible, pur et chaste. Me de Mortsauf est une femme plus âgée que lui, mariée et mère de deux enfants.
Entre son mari tyrannique et ses enfants fragiles, elle ne vit que de souffrance et d'amertume.
À la fois femme forte et fragile, elle ne peut assouvir sa passion pour le jeune Félix. Elle ne peut que lui apporter sa tendresse maternelle et ses conseils pour faire de lui un homme du monde. Elle aspire à une relation sincère, profonde et spirituelle.
Félix est un jeune homme encore naïf, frustré par cette relation qui le dévore. Il a envie de s'élancer vers le monde, de découvrir ses mystères.
Rencontrant alors une femme- feu, il va se brûler les ailes. Aucune femme ne pourra rivaliser avec son lys de la vallée, pour laquelle il composait des « poèmes de fleurs » et avec laquelle son âme s'était tellement emmêlée, que personne ne pourrait défaire ce lien.
Dans un dernier sursaut, la passion va triompher, mais trop tard hélas et de façon si éphémère. Si le jeune Félix avait su cueillir ce lys de la vallée avant qu'il ne se fane, la passion aurait peut –être gagné le combat sur la vertu. La nature est éphémère, il ne faut pas la faire attendre.
Lequel des deux personnages est le plus malheureux ? Celui qui se meure de jalousie et d'abandon en regrettant de ne pas avoir osé vivre, comme si la souffrance était un devoir, une vertu. Ou celui qui portera à jamais le remords de ses maladresses de jeune homme ignorant et impatient, le poids de la culpabilité.
J'ai surtout aimé, dans ce roman les descriptions poétiques de la nature, libre et sublime, et la puissance des métaphores florales. L'opposition entre la nature qui invite à l'amour et la passion, et la société qui y met des barrières, des contraintes, des interdits, tels que le mariage, la vertu, la religion.




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Qu'est-ce qui nous incite à lire un livre et nous accrocher, en abandonner un autre ?
(Petite question vaine et sans importance que je me suis posée après cette lecture, précédée d'une autre, abandonnée)

Tombé il y a deux semaines sur un exemplaire jauni de celui-ci dans une boîte à livres, des effluves de jeunesse se sont paradoxalement éveillées en moi. de bons souvenirs de lecture post-bac, j'aimais de temps en temps me plonger dans la prose balzacienne en compagnie du cousin Pons, du père Goriot, d'Eugénie Grandet et d'autres. Je l'ai de suite commencé, dans une sorte de frénésie teintée de nostalgie. Bon, voilà. de là à dire qu'il m'a passionné nécessiterait d'occulter les efforts de concentration qu'il m'a demandé pour pouvoir suivre les sentiments emberlificotés dans l'amour platonique entre le narrateur Félix, et la comtesse Henriette de Mortsauf. Pour tout dire, j'ai même failli abandonner à la première partie, connaissant à l'avance les grandes lignes de la suite. Mais je me suis accroché, c'est quand même un classique, et j'ai finalement mieux goûté les sentiments comme les émotions, les descriptions de la Touraine, les façons de la cour dans la deuxième partie et la montée à Paris de notre héros, avant la dernière et sa plongée dans le vertige des sens. Sans parler du final – ha ha clap clap Honoré, qui nous sort du romantisme exacerbé par une morsure d'ironie.Tout a déjà été dit, notamment sur les porosités avec la vie amoureuse De Balzac. On pourra néanmoins lire ce roman en s'amusant de la prose d'une époque, dans une narration sourcilleuse de détails lyriques pouvant s'étirer à l'infini dans les circonstances (et les relatives) d'une simple parole. Exemple :
« – Madame a raison, dis-je en prenant la parole d'une voix émue qui vibra dans ces deux coeurs où je jetai mes espérances à jamais perdues et que je calmai par l'expression de la plus haute de toutes les douleurs dont le cri sourd éteignit cette querelle comme, quand le lion rugit, tout se tait. [...] ».
Formidable phrase à quoter (à se demander si Balzac n'a pas fait un pari avec ses potes) : quatre pronoms relatifs simples y sont présents ( qui que où dont... Mais où est donc passé quoi ?), il ne manque qu'un relatif composé à mon goût (par exemple un duquel, ça aurait été la cerise sur le gâteau à la saveur duquel j'eusse défailli)

Mais revenons à ma question sans intérêt. Dernièrement, j'ai abandonné un roman contemporain, très court et à l'opposé de celui-ci sur l'échelle de l'exaltation des sentiments et du style, « L'amour » de François Bégaudeau. Passé plus ou moins à côté, j'ai surtout eu vite marre de ce roman malgré sa brièveté, marre d'une description factuelle de la vie des « amoureux », à travers les objets, l'organisation pragmatique de leur vie de couple. Un mauvais roman ? Je n'en sais rien, mais ses 90 pages m'ont paru ennuyeuses, et surtout peu intéressantes. En mettant Bégaudeau à côté De Balzac, il me semble qu'on n'est pas loin de deux pôles extrêmes sur la manière de raconter l'amour à travers les siècles. L'une sociologique à l'excès (même si paraît-il l'émotion surgit au final), l'autre idéologique à l'extrême. L'une ciselée à l'antre de la modernité, l'autre travaillée à la sueur de la bougie et du café. Sans être réfractaire aux nouveautés (je lis plus de néo-romans que d'anciens), je vote pourtant pour le plus ancien. Quant à savoir pourquoi exactement, il me faudrait pour en être certain pouvoir démêler les aléas de la motivation ou les fluctuations de l'envie dans une période peu propice pour moi aux lectures facilement concentrées, mais mon petit doigt me parle néanmoins de simple plaisir de lecteur, peut-être un brin maso à vouloir déchiffrer une écriture entremêlée dans l'écheveau des âmes et des sens d'un classique du 19ème, quand le sentiment de perdre son temps fait vite son apparition avec le moderne, couru d'avance sur les chemins soporifiques d'une sociologie plate, réduit à peau de chagrin avec son style documentaire.
Bref, vive Balzac et les classiques (de temps en temps).
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Du "Lys dans la vallée", je ne gardais que le vague souvenir d'un cours de français ennuyeux au possible et je m'étais promis de redonner un jour une chance non seulement à ce roman, mais à Honoré de Balzac tout simplement. En effet, ce dernier ne compte vraiment pas parmi mes auteurs classiques de prédilection mais il faut croire que la persévérance paie un jour puisque non seulement j'ai tenu ma promesse de lire "Le lys dans la vallée" qui glorifie l'amour romantique dans la pure tradition, mais encore j'y ai pris plaisir.

Bon, soyons honnête, un plaisir qui a nécessité pour éclore une bonne dose de patience car entre les descriptions touffues et surabondantes et les états d'âme étirés à l'envi des deux protagonistes, le lecteur actuel éprouvera peut-être comme moi quelque peine à concentrer son attention et son intérêt. Mais le jeu en vaut la chandelle, comme on a coutume de dire, et c'est un très beau récit que nous livre ici Balzac.

L'amour du jeune et innocent Félix pour la belle Henriette, plus âgée que lui de plusieurs années, mariée et mère de deux enfants souffreteux, est touchant comme peut l'être l'histoire d'un amour pur... qui peine à le rester. Ainsi va le monde.

La relation à trois avec le comte, mari de Henriette, est intéressante d'un point de vue psychologique et sentimental. Enfin, j'avais redouté de davantage souffrir du style De Balzac mais je pense m'en être finalement plutôt bien sortie.

"Le lys dans la vallée" est un roman à découvrir, ne serait-ce que pour son double dénouement que j'applaudis, entre drame et pamphlet féministe !


Challenge MULTI-DÉFIS 2019
Challenge NOTRE-DAME de PARIS
Challenge XIXème siècle 2019
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Félix de Vandenesse, un jeune aristocrate, a vécu une enfance et une adolescence des plus difficiles: né après un frère, qui a pris toute l'affection dont était capable la mère, et une soeur, il n'y a plus de place à prendre dans le coeur maternel. Aussi, passe-t-il son temps entre rêveries et sarcasmes, entre désir d'être aimé et les tristes pensions où la famille l'envoie étudier.

Une morne existence scande ses jours gris jusqu'au jour où, lors d'un bal, donné en l'honneur du duc d'Angoulême, à Tours, il rencontre une femme qui le subjugue au point de lui faire perdre toute mesure: il lui baise avec passion les épaules... ce qui fait rougir et fuir la belle dame. Qui est cette céleste inconnue? Un concours de circonstance heureux, amène Félix à séjourner à Frapesle, chez les Chessel, amis de sa mère, où il rencontre enfin celle qui l'enchante depuis le fameux bal.
Commence alors une douce, longue et romantique histoire d'amour platonique, entre Félix, à peine sorti de l'adolescence, et Henriette de Mortsauf. Chaque jour voit grandir l'attachement, quasi maternel, de ces deux êtres malmenés par la vie: Félix, englué dans une enfance solitaire et triste, et Henriette, mariée très jeune à un homme déjà vieux, mère de deux enfants souffreteux, épouse d'un hypocondriaque persécuteur et égoïste. La vallée de l'Indre devient le cadre idyllique d'un amour éthéré au creux duquel deux amants vertueux épousent leurs souffrances, leurs peurs et leurs espérances: les vergers, les bois et les landes offrent mille et un bouquets au fil des saisons, messagers délicats d'un lien amoureux des plus purs (d'ailleurs, Mme de Mortsauf ne tient-elle pas à considérer Félix comme son enfant, afin de pouvoir l'aimer sans offenser son serment d'épouse!), le parc et les allées somptueuses ombragées, les lieux de tendres confidences et de mains maintes fois baisées avec passion. Cependant, la belle harmonie s'avère n'être pas éternelle...

'ai aimé la construction intéressante du roman: une longue lettre de Félix à une femme qu'il aime, Nathalie de Manerville, dont la réponse est d'une savoureuse ironie, Balzac montre qu'il a un grand humour et peu d'illusions sur la nature humaine.


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J'ai lu pour la première fois Balzac à l'issue de l'été 2012, avec le Lys dans la vallée. On n'oublie jamais sa première fois.

Ce fut un début de saison maussade et frais. Je me souviens de l'arrivée des beaux jours en août, quand j'ouvris le Lys dans la vallée. C'est confortablement installée dans un jardin à l'ombre de la chaleur, que j'ai savouré mon premier Balzac. Les rayons du soleil glissant à travers les branches du cerisier pour illuminer davantage les mots qui s'offraient à moi.

C'est toujours avec une légère appréhension que j'aborde un monument de la Littérature Classique. Balzac m'intimide. Je me sens gauche et maladroite devant son oeuvre tout en appréciant la montée d'adrénaline qui m'agite.

Il y a un an, une amie m'a demandé pourquoi j'aimais Balzac. Pour lui répondre, j'ai pensé au Lys dans la vallée, symbole de la pureté. Je me suis revue, le corps chaud dans l'attente d'un courant d'air frais. J'observe mon souvenir. Celui d'une lectrice impressionnée par la prouesse littéraire à l'érotisme discret et distingué.

Le Lys, emblème de l'innocence et de la virginité, est une fleur estivale des plus majestueuses... La Comtesse Blanche Henriette de Mortsauf.

"Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais pu vouloir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie."

Ces épaules je les devine encore.
La grande porte du réalisme et du romantisme s'ouvrait à moi. Quand lire est une passion.

C'est avec un appétit féroce que j'ai dévoré l'histoire d'un homme ardemment épris du Lys dans la vallée. Felix de Vandenesse qui, fougueux, dépose ses lèvres d'un baiser enflammé sur une épaule inconnue. le voilà humilié d'avoir offusqué une créature absolue.

Un adorateur éperdu et transi
Une maîtresse orgueilleuse et jouisseuse
Un époux obscur, irascible et égoïste
Une beauté vertueuse, délicate et cristalline
Un Amour impossible
Le Lys dans la vallée
La Comédie Humaine

Balzac à travers les siècles. Pour l'éternité.

Lu en août 2012.
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J'avais lu le lys dans la vallée adolescente, mais je n'en avais absolument aucun souvenir ! Ma préférence allait alors à Flaubert ou Zola, que je lisais avec un réel plaisir, quand Balzac relevait plus de l'obligation culturelle (bac de français oblige). C'est donc avec un oeil neuf que j'ai redécouvert presque vingt ans après ce formidable roman, publié en 1835 et 1836, dans la série des "Etudes de moeurs". Ce dernier appartient aux "Scènes de la vie de province", qui évoquent "l'âge des passions, des calculs, des intérêts et de l'ambition". Balzac écrivit le lys dans la vallée à 36 ans, en se basant sur sa propre expérience, à savoir son amour de jeunesse pour Mme de Berny, dont l'intrigue et le personnage de Mme de Mortsauf sont largement inspirés. le récit prend la forme d'une longue confession, Félix s'adressant à sa maîtresse, la comtesse Natalie de Manerville, à qui il raconte son enfance malheureuse, avant d'évoquer dans les moindres détails sa passion pour la délicate Henriette. le roman se termine sur la brève réponse de la fameuse Natalie, qui offre une superbe conclusion au récit. J'ai aimé cette construction originale.

L'oeuvre a déjà été copieusement disséquée par ailleurs, et je ne souhaite pas me livrer à un exercice trop scolaire d'analyse de texte. Je me contenterai donc d'évoquer mon ressenti. le lys dans la vallée est un très beau roman sur la passion amoureuse, sur la frustration générée par un amour purement platonique et intellectuel, que Balzac oppose à l'amour sensuel. Ce conflit permanent est au coeur du récit, qui analyse avec beaucoup de justesse les comportements de Félix et de Mme de Mortsauf, embarqués malgré eux dans une idylle impossible. Balzac excelle à disséquer le sentiment amoureux, et l'on est frappé par la pertinence de ses observations.

On retrouve également la marque de fabrique de l'auteur, sous la forme de quelques passages purement descriptifs, certes magnifiques, mais souvent très trop longs. le paysage et la nature occupent une place de choix, magnifiés par le regard amoureux de Félix. La campagne sensuelle et voluptueuse que découvre le jeune homme est inspirée du château de Saché, où vécut Balzac. Ce dernier en retranscrit parfaitement l'ambiance bucolique, au travers de quelques évocations champêtres au caractère hautement poétique (j'ai été sensible aux nombreuses métaphores fruitières et florales utilisées par l'auteur, qui donnent une vision particulièrement attirante de cette vallée gorgée de soleil).

"La renaissance de madame de Mortsauf fut naturelle, comme les effets du mois de mai sur les prairies, comme ceux du soleil et de l'onde sur les fleurs abattues."

La force du roman réside, on l'a dit, dans l'étude de caractères pleine de finesse à laquelle se livre Balzac, lequel nous réserve quelques scènes d'une puissance rare (je pense bien sûr à la dernière rencontre de Félix et d'Henriette, moment sublimement tragique). On peut ne pas adhérer au propos, très ancré dans son époque, mais la prose de l'auteur n'en demeure pas moins d'une force saisissante : c'est beau, et je reconnais m'être totalement laissée emporter par l'histoire.

Venons en maintenant au lys, symbole de pureté, qu'incarne la très vertueuse comtesse de Mortsauf. La vie n'est pas tendre pour cette jeune femme mal mariée, dont la beauté et la fraîcheur s'étiolent inexorablement. Henriette est un personnage stoïque, fidèle à son devoir de mère et d'épouse, qui se consume d'amour pour Félix, qu'elle prétend aimer comme un fils et finit par prendre sous son aile protectrice, alors même qu'elle brûle pour lui d'une passion inassouvie. Lorsque Felix, métamorphosé en dandy, entame une liaison charnelle avec la très superficielle duchesse de Dudley, Henriette tombe dans un puits sans fond, et réalise subitement que sa vie n'aura été qu'un long mensonge. Un destin à la fois tragique et pathétique pour cette femme de caractère, sainte sacrifiée sur l'autel de la passion, dont on notera cependant l'ambiguité : elle ne veut pas céder à Félix, mais maintient le jeune homme en son pouvoir, en jouant pour lui le rôle d'une mère de substitution. Il est donc difficile de s'attacher complètement à Henriette, et il semble finalement assez naturel que Félix la "trahisse" pour assouvir ses besoins.

Bien sûr, les grands discours de Mme de Morsauf sur l'amour et le sacrifice peuvent aujourd'hui sembler un peu désuets, et la prose De Balzac possède parfois un côté excessif et grandiloquent (les défauts de ses qualités, en quelque sorte). Je retiendrai néanmoins la force extraordinaire qui se dégage de cette histoire, laquelle dépeint merveilleusement le sentiment amoureux. Il n'est pas impossible que je lise d'autres romans de la Comédie Humaine dans un futur proche.


Un classique à redécouvrir !

Lien : http://leslecturesdeleo.blog..
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Billet-confession ou "Orgueil et préjugés dans Les Hommes viennent de Mars, les Femmes viennent de Vénus..."

Je poursuis par le lys dans la Vallée mon commentaire de l'oeuvre De Balzac, bien modeste puisque je n'ai lu que 8 oeuvres sur les 90 que comprend la Comédie Humaine. le Lys fait partie des Scènes de la vie de campagne, et a pour thème la passion platonique entre Felix de Vandenesse, personnage presque secondaire se confondant aisément avec son créateur, et madame de Mortsauf, icône de pureté et de dévouement.

Sous une forme épistolaire, ce roman est donc avant une histoire d'amour très romantique, le lys s'épanouissant -avant de mourir dramatiquement - dans l'écrin de la campagne tourangelle, décrit avec beaucoup de lyrisme poétique par Balzac.

Mais pourquoi diable ai-je aimé ce roman d'amour, alors que la plupart du temps ce genre de littérature m'évoque le roman de gare ? ? Et pourquoi est-il devenu un mythe tel que Gide, Flaubert et Proust s'en sont inspirés par la suite ?

D'abord, parce que l'inspiration amoureuse a certes donné naissance à beaucoup de romans de gare, mais aussi à certaines des plus belles pages de la littérature et de la poésie française, l'émotion n'étant d'ailleurs jamais si belle que lorsqu'un Alexandre Dumas ou un Paul Valéry rompent -pour un temps seulement- leur cuirasse de misogynes...
"C'est souvent la femme qui nous inspire les grandes choses qu'elle nous empêche d'accomplir." Alexandre Dumas Fils (1824-1895)
"Dieu créa l'homme et, ne le trouvant pas assez seul, il lui donna une compagne pour mieux lui faire sentir sa solitude." Paul Valery (1871-1945)

Le lys dans la Vallée fait partie de ces belles pages où se révèle l'idéal féminin... tel que le confesse parfois l'homme. S. Zweig -autre formidable peintre de la passion amoureuse- a d'ailleurs écrit à propos de ce "personnage" balzacien : "« Sa raillerie caresse et sa critique ne blesse point […] elle ne vous fatigue jamais, et vous laisse satisfait d'elle et de vous. Chez elle, tout flatte la vue, et vous y respirez comme l'air d'une patrie […] Cette femme est naturelle. Franche, elle sait n'offenser aucun amour-propre ; elle accepte les hommes comme Dieu les a faits […] À la fois tendre et gaie, elle oblige avant de consoler;" : tout est dit sur l'art et la manière de séduire durablement -pour un soir, bien sûr, les choses sont beaucoup plus simples- un homme, point besoin de s'empêtrer dans la lecture redondante des magazines people...

Ainsi, si Balzac s'éloignera pas la suite de "die blaue Blume der Romantik", il y a pourtant excellé, sans doute parce que cet homme "à femmes", repoussé par sa mère, n'a cessé durant sa courte vie -quand il prenait le temps de poser sa plume bien sûr- de rechercher sa femme idéale, restant coincé, comme beaucoup d'hommes, dans le complexe de la madone et de la putain. Fort heureusement, la plupart des hommes parviennent à des compromis avec le temps, mais je me demande d'ailleurs si l'on en sort complètement un jour, comme persiste toujours un peu chez ces dames le syndrome du prince charmant, même nié, même enterré...

L'impossible synthèse à laquelle se heurte le jeune homme du Lys dans la Vallée le pousse dans les bras de la brûlante Lady Dudley. En amant attentionné -et habile-, Balzac s'efface dans son roman, se faisant narrateur, pour mieux laisser le premier rôle à Mme de Mortsauf. Il y parvient si bien que la femme qu'il entend épouser préférera -cruelle et réaliste ironie- s'enfuir, ne se sentant pas de rivaliser avec ce fantasme si parfait.

Ainsi, il n'est pas étonnant que le Lys dans la Vallée, même si Balzac s'est par la suite éloigné du "genre", reste un grand classique. Quant au plaisir que j'ai pris à le lire, peut-être me faut-il alors reconnaître que l'on peut aussi bien s'enflammer pour les aventures exotiques d'Henri de Monfreid, pour celles , hétérodoxes, du marquis de Sade, et pour les amours "fleur bleue" de ce livre, du Grand Meaulnes ou de Paul et Virginie. D'ailleurs, le lys et le myosotis ne sont-ils pas mes fleurs préférées ? hélas hélas, nulle ne m'en a jamais offert pour la St Valentin... peur sans doute de froisser nos virilités ? Putain, merde, on est au XXIème siècle, oui non ?

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Le Lys dans la vallée est pour moi un des plus meilleurs romans sur la passion amoureuse de cette époque. On suit la relation entre Félix et Blanche du durant toute une vie, et magnifiquement bien écrit et décrit par Balzac. Se lit facilement tellement on est emporté avec eux.
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Ok, 350 pages pour dire en substance que "ho là là, l'amour c'est compliqué" mais bon c'est Balzac, et c'est bien.
Alors voilà, le tout jeune Félix, mal-aimé de ses parents et surtout de sa mère, tombe éperdument amoureux de la comtesse de Morsauf, mal mariée, mal aimée, et mère deux enfants. Assoiffés d'amour, ils s'aiment sauf que Madame de Morsauf est une indécrottable bigote et, en toute logique, se refuse à Félix. MAIS (et c'est là que ça devient intéressant) elle le veut tout à elle, le favorise, le lance dans le monde et l'oblige en toute hypocrisie à jouer des rôles aussi chastes qu'impossibles: l'aimer comme sa tante l'aimait, l'aimer comme un fils, l'aimer comme un frère, de l'aimer comme un futur gendre... Plus elle est exigeante, manipulatrice et bigote, plus Félix est amoureux et béat devant cette SAINTE, ce Lys, et accepte de mener une vie contre-nature. Mais, à 22 ans, les hommes ont des "besoins"; les femmes de 30 ans aussi... Et là, c'est le drame.
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