1936. Dans le cadre majestueux des Adirondacks, une réserve naturelle préservée aux seuls bénéfices de riches new-yorkais, le célèbre peintre Jordan Groves, invité à une petite fête donnée par un éminent neurochirurgien, rencontre la fille de ce dernier, la troublante et énigmatique Vanessa Cole.
La beauté sulfureuse, l'aura de mystère et d'indécence qui émane de la jeune femme, ne tardent pas dérouter l'artiste.
Bien que rejetant ce monde de privilégiés auquel elle appartient, le peintre «gauchisant », marié et père de deux enfants, se sent irrésistiblement attiré par celle dont les tumultes sentimentaux et les excès en tout genre font régulièrement la Une des journaux à scandale.
Les déboires matrimoniaux de Jordan et la mort prématurée du père de Vanessa vont bientôt précipiter leurs existences dans les tourments du doute, de la folie et du mensonge tandis qu'en écho à leurs univers vacillants, résonnent de part le monde les premiers coups de tonnerre annonçant la Seconde Guerre Mondiale.
Il y a du Fitzgerald dans ce beau roman, il y a de l'
Hemingway, il y a cette influence des grands auteurs américains qui ont marqué l'Entre-deux Guerre et dont
Russell Banks peut se flatter d'être le digne héritier.
Il fallait tout le talent de l'auteur d' «
American Darling » et de « Pourfendeur de nuages » pour réussir à envoûter son lecteur tout en mettant en scène des personnages comblant par la fascination qu'ils inspirent leur manque manifeste de sympathie.
Vanessa Cole, sorte de
Zelda Fitzgerald névrosée et hautaine, pathétique « pauvre » petite fille riche ; Jordan Groves, artiste imbu de lui-même, petit
Hemingway séducteur, vaniteux, égocentrique et macho ; deux personnages qu'on ne sait si l'on doit les aimer ou les détester et pourtant, la magie opère irrésistiblement…Comme deux aimants aux pôles opposés s'attirent inéluctablement, ces ceux-là créent une alchimie captivante que vient renforcer la maîtrise narrative d'un auteur qui ne signe peut-être pas ici son meilleur texte mais réussit néanmoins à nous ouvrir un horizon où la majesté du cadre naturel scelle à jamais l'insignifiance des individus.
Et là, dans l'environnement imposant de
la Réserve où règnent en majesté les forêts et les lacs, l'humaine tragédie va se jouer irrémédiablement, les destins se croiser, les vies se faire et se défaire dans la beauté ensorcelante des grands espaces.
Là aussi, la splendeur de la nature renforce encore la petitesse des hommes interprétant leur dérisoire comédie humaine.
Et ces vies qui basculent sont à l'image même de ce monde qui sombre, la déroute de ces existences devenant le signal du déséquilibre mondial dans l'imminence de la guerre.
Et puis, figée dans l'éternité, à la fois témoin et rempart de la folie des hommes,
la Réserve des Adirondacks, nature sauvage et grandiose, affiche imperturbablement sa beauté immuable et sacrée…