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sur 324 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tandis qu'il chevauche de nuit à travers la lande de Lessay, alors de sinistre réputation dans le Cotentin, le narrateur entend de lointaines cloches. Son compagnon de route, Maître Tainnebouy, lui indique en frissonnant que, depuis un terrible drame survenu quelques décennies plus tôt, elles sonnent la messe de l'abbé de la Croix-Jugan, à l'abbaye de Blanchelande. Aussitôt, dans l'oppressante obscurité de ce désert humain réputé le théâtre d'étranges apparitions, il entreprend de raconter l'histoire maudite, devenue légende, de ce prêtre, ancien chouan, et de Jeanne-Madeleine de Feuardent.


Barbey d'Aurevilly est un maître conteur. Tout autant que la tension dramatique au coeur du récit, c'est la restitution soigneusement travaillée de l'atmosphère particulière de ce coin désolé du Cotentin qui donne toute sa saveur à son histoire, dans une mise en abyme propre à suggérer son authenticité. Ainsi, après une longue mise en bouche destinée à nous faire prendre la mesure de lieux en tous temps propices à la crainte et aux superstitions, il parvient à se poser en une sorte d'anthropologue familier de la campagne normande entre les 18e et 19e siècles, recueillant dans leur jus des propos révélateurs de l'âme du pays. Véridique ou pas, peu importe, la narration est convaincante. Tandis que sa verve élégante et poétique rivalise avec la savoureuse langue paysanne de ses personnages, se met en place un climat angoissant, baigné de fantastique, que l'on n'a aucune peine à penser représentatif des croyances qui pouvaient courir les campagnes à l'époque, dans une conception religieuse du monde.


Noir et mélancolique, peuplé de caractères déchus, stigmatisés par les épreuves et étreints par un indissoluble mal-être en cette période post-révolutionnaire, le roman prend forcément une dimension allégorique quand on connaît les positions monarchistes de Barbey d'Aurevilly. Construit autour d'un personnage monolithique et inaccessible, qui, atrocement puni pour sa fidélité à des idéaux d'un autre temps, entraîne malgré lui aux enfers un entourage qu'il fascine jusqu'au maléfice, ce livre désenchanté reflète le drame d'un auteur qui ne se reconnaît pas dans son époque et ne peut se départir de la nostalgie d'un passé irrémédiablement révolu. Un passé qui ressemblerait à la fois à ce fascinant prêtre maudit, et à une lande désolée, hantée par les seules âmes aussi perdues que la sienne…


De digressions en références historiques et en réflexions philosophiques, la plume enfiévrée de Barbey d'Aurevilly nous livre un récit addictif, impressionnant de verve et de puissance d'évocation, à la frontière du fantastique, et un frappant tableau de la campagne et des mentalités du Cotentin au début du 19e siècle.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Je viens de relire ce livre qui m'a paru encore plus chef-d'oeuvre que la première fois. » - Charles Baudelaire.
Qu'importe si cette histoire est abracadabrantesque, cousue de fil blanc, de fil noir...
Plus que l'histoire elle-même, c'est la manière de la narration qui donne ici la force au texte. Car L'Ensorcelée est construit sous forme de récits enchâssés les uns aux autres et c'est ce qui m'a, me semble-t-il, tenu en haleine jusqu'au bout de l'histoire.
J'ai été séduit ici par l'art de Jules Barbey d'Aurevilly de nous conter une histoire, de la poser dans " son jus " ...
Venez, approchez, je vous emmène en Normandie dans la lande sauvage et secrète de la presqu'île du Cotentin, tout près de Lessay. Nous ne sommes pas très loin des paysages maritimes de la Bretagne et d'une idée du mystère qui habite certaines terres... C'est peut-être par une nuit comme celle-ci, ballotée par les vents, fouettée par les pluies venues de nulle part, qu'il faut aborder cette histoire. Nous sommes au milieu du XIXème siècle. Deux voyageurs font connaissance par hasard dans un cabaret, au Taureau rouge, « un cabaret d'assez mauvaise mine ». L'un, le narrateur, qui se rend à Coutances s'est égaré, l'autre qui s'appelle Maître Louis Tainnebouy connaît bien les lieux et se rend à une foire le lendemain. Pour raccourcir le trajet, ce dernier propose que tous deux traversent à cheval cette lande austère et désolée...
Lorsque la jument de l'un deux se met à boîter, ils décident de faire halte au milieu de cette nuit dont le silence est brusquement rompu par les neuf coups d'une cloche qui résonnent au loin. Maître Tainnebouy est alors troublé. Il croit reconnaître la cloche de Blanchelande. C'est comme si la lande s'ouvrait brusquement, entraînant nos deux voyageurs dans un passé presque révolu. Nous voilà d'emblée plongés en L'an VI de la République française. Maître Tainnebouy va alors se faire conteur d'une histoire totalement insolite, celle de cet étrange abbé de la Croix Jugan, ancien chouan dont s'était éprise d'une fatale passion Jeanne-Madeleine le Hardouay, née de Feuardent, déchue par son mariage au rang de roturière. Mais qui était cet ecclésiastique ? Mais qui était Jeanne le Hardouay ?
C'est un ancien chouan, un prêtre à la gueule cassée par des ennemis qui ont cru le tuer au moment de la chouannerie, on a déchiré son visage, il n'en a plus, il n'aurait pas dû survivre, il a survécu, il est devenu un être défiguré, orgueilleux et impassible, entièrement voué au service de deux causes, Dieu et la monarchie. Comment a-t-il pu inspirer alors un tel amour auprès de Jeanne le Hardouay ? C'est l'histoire d'un amour profondément tragique que nous narre ici Barbey d'Aurevilly.
Jeanne-Madeleine le Hardouay, née de Feuardant est une héroïne bien malgré elle. J'ai aimé cette femme....
Voici un récit qui convoque des personnages pittoresques, qui ressemblent trait pour trait au paysage du lieu. Des femmes, des hommes, des pierres, des croix, des églises, de la terre aussi, des bêtes à peine moins hostiles que les habitants de ce pays vis-à-vis de leur destin... Des pâtres qui traînent par-là, mécréants et qui vont jouer un rôle décisif dans le récit.
Comment ne pas songer alors à ces contes d'antan de la Bretagne profonde, comme ceux que me racontait ma grand-mère, m'évoquant par exemple le souvenir d'un exorcisme dont elle avait été témoin enfant dans son village natal ?
Comme ceux issus de la Légende de la mort, d'un certain Anatole le Braz... Comment ne pas songer un seul instant à ce récit de naufrageurs, à cette jeune femme noyée, échouée sur le rivage, qui portait une bague au doigt qu'un des pilleurs d'épaves trancha... Bien sûr, l'histoire ne s'arrêta pas là. Mais je m'égare...
C'est une histoire façonnée de ténèbres et de croyances, le théâtre d'enjeux qui semblent nous dépasser a priori.
L'écriture de Barbey d'Aurevilly est sans doute moins lisible aujourd'hui. Elle mérite d'être visitée pour sa langue d'une maîtrise impressionnante. C'est un plaisir de lire un texte classique aussi beau.
Mais que nous dit ce roman presque deux cents ans plus tard ? Que certaines croyances ont la vie dure... On ne croit plus au diable aujourd'hui, à la malédiction tracée de certaines destinées... Mais on croit à d'autres choses tout aussi irrationnelles, invraisemblables. On s'en étonne chaque jour.
Ici est peut-être dénoncée une manière de sceller déjà par avance le sort à quelqu'un qui ne vous ressemble pas.
La littérature classique a souvent cette magie de nous replonger dans nos existences actuelles.
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A l'instar de Jeanne-Madeleine de Feuardant, l'héroïne bien malgré elle de ce roman fantastique et mystique, j'ai été ensorcelée par les charmes de la lande désertique et maudite de Lessay, dans le Cotentin.

Avec le verbe haut et évocateur du conteur, Jules Barbey d'Aurevilly, l'écrivain enfant du pays, déroule la légende de l'abbaye ruinée de Blanchelande sur laquelle plane l'ombre de l'abbé de la Croix-Jugan, gentilhomme chouan à la destinée tragique, défiguré par une tentative de suicide et la torture infligée par les Bleus. Par le récit du narrateur qui se laisse lui aussi conter cette terrible histoire de malédiction et d'atavisme, on tremble de voir le diable sceller les destins d'une noblesse condamnée à déchoir après s'être avilie dans les excès de sa condition.

Entre folklore normand, chant de veillée, tradition populaire ou encore magie des bergers et des vieilles gens, c'est une atmosphère oppressante et fantastique qui emprisonne le lecteur dans ses rets. "L'Ensorcelée", d'abord publié en feuilleton comme c'était souvent le cas des romans au XIXème siècle, se veut une chronique à la fois historique et rurale, témoignage d'une guerre civile implacable qui laissa des marques profondes dans les sociétés bretonnes, normandes et vendéennes de l'époque, opposant pour des lustres familles et "pays".

Un superbe roman classique servi par une plume ensorcelante.


Challenge XIXème siècle 2021
Challenge MULTI-DEFIS 2021
Challenge COEUR d'ARTICHAUT 2021
Challenge des 50 objets 2021
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Dans ce roman à tiroir, Barbey d'Aurevilly nous invite à des escapades successives, qui ont en commun le lieu où se déroule les séquences, à savoir la Normandie. Région agricole et déshéritée, avec une tradition orale, seul moyen de communication, et dont les légendes alimentent les soirées de veillée.

C'est ainsi que le narrateur qui s'est égaré sur son chemin vers Coutances, se retrouve accompagné d'un fermier qui le guide pour traverser une zone de tous les dangers,

« Dans l'opinion de tout le pays, c'était un passage redoutable. »,

d'autant plus funeste si les voyageurs ont eu la malchance d'entendre retentir la cloche de Blanchelande.

Le fermier lui doit des explications : il lui conte l'histoire dramatique de l'abbé de la Croix Jugan, un chouan à la destinée cruelle.

Le roman prend vite des allures gothiques, avec l'irruption du surnaturel et de la religion, assortie de quelques scènes de torture. le genre est cependant mis à distance puisqu'il fait l‘objet d'un roman dans le roman.

Le langage vernaculaire illustre les propos des autochtones, pas toujours très clairs à déchiffrer, d'autant qu'il s'agit d'un dialecte qui date.

Ce texte prend un malin plaisir à égarer le lecteur, comme le voyageur, en le promenant d'une histoire à l'autre. de facture classique, il se lit sans déplaisir.

320 pages Folio première édition en 1854

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voilà un bien étrange roman, tout à fait atypique. Je ne connais pas d'équivalent à Barbey d'Aurevilly.
L'Ensorcelée, c'est un récit fait dans la nuit à un voyageur qui traverse l'hostile lande de Lessay, dans le Cotentin. Une histoire où se côtoient fantastique et réel. Quand je parle de fantastique, il ne s'agit pas d'effets spéciaux, mais plutôt de la manière dont des croyances peuvent interférer sur le réel, car après tout, il y assez peu de choses inexplicables dans le coeur du récit.
Le récit s'articule autour de la personne d'un prêtre, ancien chouan défiguré par le fanatisme des hommes et de l'influence qu'il exerce sur une femme. Nous sommes en 1802-1804 dans le Cotentin, un Cotentin superstitieux en diable, paysan et normand…
Un beau roman d'un auteur trop oublié.
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Un sombre prêtre mystique aux pratiques déviantes, occultes, dont la solitude et l'impassibilité alimente la méfiance des locaux.
De sournois bergers nomades mi-sorciers frappant de malédiction tous ceux qui oseraient les mépriser.
Un village moyen dominé par les nouveaux-riches sans moeurs et d'anciennes familles nobles délaissées et pourrissant dans la résignation et la nostalgie...
Tout ceci se déroule en basse Normandie, près des Landes de Lessay, des contrées désertiques et brumeuses propices à l'imagination.

La révolution a déraciné et appauvri bien des familles nobles. Jeanne Feuardent, qui en fait partie, s'est mariée par nécessité financière à un vulgaire spéculateur immobilier, indûment enrichi par l'acquisition de biens de l'église juste après la révolution.

Blessée par cette mésalliance, elle n'est pas la seule à conserver une rancoeur contre la révolution.

Un sombre prêtre, ancien chef des Chouans (contre-révolutionnaires de Bretagne et Basse Normandie), auto-défiguré après un suicide raté en pleine fuite lors d'un combat pour abréger ses souffrances, est sauvé par miracle en pleine forêt par une âme charitable. Tandis qu'il est soigné, se repose, encore inanimé, cinq bleus (soldats républicains) se ruent vers le prêtre et lui arrachent les bandelettes-pansements qu'il avait sur la tête et lui fourent des braises ardentes sur sa chair encore vive.

Le prêtre ne mourut pas de cette effroyable torture et lorsqu'on rouvrit les églises, on le vit errer dans l'église enveloppé dans un capuchon noir.

Jeanne, qui, d'ordinaire est vive et téméraire, est prise par une fascination morbide et terrifiante pour ce prêtre. Obsédée désormais par lui, son cas est aggravé par un sort que lui jette un berger mystique et nomade qui voue une haine à tous ceux qui le méprise au point de les maudire.

Désirant fouiller les plus profondes énigmes du prêtre obscur, elle se rapproche de Clotilde, dit La Clotte, une ancienne courtisane de vieux châteaux féodaux entièrement disgraciée et répudiée par son époque contemporaine.
Celle-ci la met en garde à propos du passé sulfureux du prêtre tout en lui contant son combat héroïque sous l'égide des Chouans.
Le prêtre se souciait guère de ses fonctions et passait la plupart de son temps à fréquenter les salons de la haute noblesse, à se laisser désirer par des femmes sans jamais consentir à quoi que ce soit, les laissant souffrir pour lui...
En pleine révolution, son côté égocentrique et rebelle collait à merveille avec la stature d'un chef de contre-révolutionnaires... Hélas, toute résistance des Chouans était vouée à l'échec.

Effet du sortilège ou de sa propre admiration malsaine, Jeanne se laisse asservir par le prêtre. Ce dernier maintient de grandes ambitions occultes, il côtoie une comtesse et correspond avec de grandes familles nobles de la région. Jeanne lui sert d'ambassadrice dévouée.
On laisse sous-entendre dans le roman qu'il conspire en permanence pour restaurer la monarchie comme l'avaient voulu les Chouans, et cela bien après la "Chouannerie" période de guerre civile des Chouans. Cependant, une fois son dernier espoir avorté, il rejette Jeanne avec mépris et reprend son isolement taciturne.

Dévorée de passions et abîmée de honte, Jeanne se précipite au suicide.

Lors de son enterrement, la foule ensauvagée se venge sur la Clotte qui est lapidée et trainée dans la boue et qui décède dans une lente agonie. le petit peuple s'agite dans les rumeurs, fait le lien avec le prêtre, pense aussi au mari de Jeanne qui a disparu depuis de nombreuses semaines… Mais rien, ni même la Clotte tuée injustement par barbarie, ne pourra éclairer les raisons de ce suicide aux yeux des locaux.

Le mari de Jeanne a lui aussi été maudit par les bergers, il avait compris trop tard la malédiction de Jeanne, et, dans un mouvement de désespoir s'est évaporé dans les Landes où il préparera avec patience sa vengeance envers le prêtre.
Une bonne année plus tard, lors des fêtes de Pâques pour lesquelles le prêtre donne une cérémonie, il est fusillé par le mari de Jeanne qui prend aussitôt la fuite.

Alors que tout le monde pensait que le prêtre était définitivement mort, il semble réapparaitre lors de certaines messes nocturnes à minuit avec 9 sons de cloches qui lui est caractéristique. Seul dans l'église d'une clarté rouge, on peut l'apercevoir faire sa messe infernale, dans les tortures du désespoir et des invocations terribles à un Dieu irrité qui ne l'écoute pas...

C'est un roman qui nourrit l'imagination et qui laisse plein de suppositions. On explique peu finalement les raisons de l'affection de Jeanne pour ce prêtre, est-ce le simple coup du sortilège ? Ou est-ce l'admiration de Jeanne pour ce prêtre-soldat qui a tout bravé pour défendre sa cause, le retour à la stabilité de la monarchie, elle qui conserve également cette mélancolie des familles nobles avant la révolution ? On aurait aimé apprendre davantage sur la relation entre Jeanne et le prêtre où l'auteur donne peu de détails, peu de dialogues, avant ce suicide qui apparait un peu trop soudainement. Pareil pour la mari de Jeanne, qu'est-il devenu après avoir assassiné le prêtre après tant d'années de vagabondage ? Lui qui était si riche, si confortablement installé, qu'a t-il fait depuis ? Et puis cette conspiration du prêtre, en quoi cela consistait très exactement ? Quels étaient les moyens employés ? On doit deviner à peu près tout mais ce n'est pas désagréable.

C'est un peu au lecteur de compléter l'auteur. Il nous offre un luxe de détails sur chaque personnage, leur enfance, famille, moeurs… Puis c'est à nous d'éclairer le présent et l'avenir avec ce qu'il donne.
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L'Ensorcelée ou La Messe de la Croix-Jugan (1852) est un roman de Jules Barbey d'Aurevilly. En Normandie, au lendemain de la Chouannerie. Madeleine le Hardouay, née de Feuardent, mésalliée à Thomas le Hardouey, s'éprend de l'abbé de la Croix-Jugan qui a tenté de se suicider suite à l'échec de la cause chouanne. Un roman fantastique, à l'atmosphère sombre, très prenant.
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Jules barbey d'aurevilly fait partie de ces ecrivains classiques francais un peu oublies de nos jours et qui meritent de voir leur oeuvre réhabilitée et remise au gout du jour.Cet ouvrage m'a donné un vrai plaisir de lecture car il recele de tres bons passages et l'histoire reste passionnante de bout en bout.
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L'ambiance des landes vous saisit au début de l'histoire et ne vous lâche pas avant la fin : c'est sombre, un peu glauque, froid et brumeux...Jules Barbey d'Aurevilly plante en effet le décor dès le début du roman.Mêlant sorcellerie, mysticisme, amour, fascination, ce roman est surprenant...et pourtant parfois je m'y suis perdue..je l'ai trouvé un peu long.


Résumé: le cadre de L'Ensorcelée est la Normandie. L'action se situe d'abord à l'époque de la Chouannerie, la lutte des paysans du Cotentin contre la République pour garder leurs prêtres. L'abbé de la Croix-Jugan participe à la guérilla. Après une bataille perdue contre les troupes républicaines, il tente de se suicider en se tirant un coup de fusil dans le visage. Il survit, est recueilli et soigné mais reste horriblement défiguré. Quelque années plus tard, les églises étant rouvertes, il apparaît dans l'église de Blanchelande fréquentée par Jeanne de Feuardent, une aristocrate devenue le Hardouey depuis son mariage avec un paysan enrichi sous la Révolution. Malgré l'extrême disgrâce physique du prêtre, elle tombe amoureuse de lui : c'est elle, « l'ensorcelée ».
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"L'ensorcelée" débute comme ces histoires à murmurer dans la pénombre, de préférence en des lieux isolés, et réputés maléfiques...

Presqu'île du Cotentin, première moité du XIXème siècle...
Ce pays de vallées fertiles et d'herbages verdoyants qu'est la Normandie compte aussi des espaces nus et stériles, "où l'homme passe et où rien ne vient, sinon une herbe rare et quelques bruyères, bientôt desséchées".
La lande de Lessay est un de ces paysages arides et désolés, idéal pour détrousser un voyageur.

Il y a de cela quelques années, de retour de Coutances, le narrateur voyageait dans ces parages. Devant traverser la fameuse lande, il trouva pour l'accompagner un fermier du cru, maître Tainnebouy. Lors d'une halte froide et nocturne nécessitée par la blessure d'une de leurs montures, les deux compères entendirent le son, inattendu et inexpliqué en un tel endroit, d'une cloche. L'occasion pour maître Tainnebouy d'évoquer la figure légendaire de l'abbé Jéhoël de la Croix-Jugan, ancien moine de l'abbaye de Blanchelande, sise aux abords de Lessay, qui comptait autrefois de puissants chanoines, dorénavant à l'abandon.

Dernier-né de fratrie, et donc destiné à la prêtrise, l'abbé de la Croix-Jugan délaissa dans sa jeunesse les obligations de son état, pour mener au sein de la chouannerie vendéenne le combat contre les "bleus" républicains. Il s'en fut de peu qu'il y laisse la vie, et dut faire le deuil de sa séduisante physionomie. C'est atrocement défiguré par l'ennemi qu'il réintégra les ordres. Opposant au monde une distance hautaine et silencieuse, et le mystère de son abominable figure abritée sous un capuchon, l'abbé suscita à la fois répulsion et fascination, d'aucuns l'assimilant à une apparition quasi diabolique.

Jeanne de Feuardent, issue d'une famille aristocratique mais orpheline, était l'épouse d'un paysan nouvellement enrichi aux rustres manières. Connue pour son éternelle bonne humeur, sa droiture et sa discrétion, elle succomba pourtant, à s'en rendre malade, au charme étrange mais puissant de cet homme qui ne semblait s'intéresser à personne...

A l'instar de son charismatique personnage central, "L'ensorcelée" est un roman fascinant, qui envoûte et oppresse à la fois. Barbey d'Aurevilly fait planer sur son intrigue tout le magnétisme d'un héros dont on entend à peine le son de la voix, et dont les apparitions restent finalement sporadiques. Par un subtil jeu de suggestions, et en faisant porter son récit par la voix de tiers qui évoquent les événements à travers le prisme de leurs souvenirs, ou dont ils ont eu connaissance eux-mêmes par le vent de la rumeur, Barbey d'Aurevilly élabore sans doute l'une des figures les plus marquantes de la littérature. le cadre de l'intrigue, terre de superstitions, où planent encore les rancoeurs et les haines avivées par les affrontements révolutionnaires, se prête par ailleurs à merveille à l'atmosphère qu'a voulu rendre l'auteur.

La dimension maléfique et surnaturelle de son histoire prend une ampleur croissante qui tient en haleine jusqu'à une conclusion qui imprègnent le lecteur de relents d'angoisse prégnante.

A lire, évidemment !
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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