Comme tout le monde, je connaissais l'existence du sinistre dictateur de la République Dominicaine,
Rafael Leónidas Trujillo Molina. Je me suis plus intéressée à sa politique terrifiante, menée avec l'autoritarisme qui sied à tout régime totalitaire, qu'à sa vie familiale. Aussi, c'est avec curiosité que j'ai découvert le destin romancé de sa fille aînée, Flor de Oro, par la plume de
Catherine Bardon. Cette femme a laissé peu d'empreintes de sa vie, comme si elle était passée sous le radar de l'Histoire. L'autrice a traqué le moindre indice des traces évanescentes de l'aînée de la fratrie engendrée par le Jefe. C'est grâce à son travail de recherche, acharné et minutieux, que ce livre a vu le jour.
La vraie question que le lecteur peut se poser avant d'entamer sa lecture est : comment peut-on vivre avec une filiation aussi pesante et destructrice ? Sans dévoiler le destin de Flor, à découvrir au fil des pages, la réponse est : Mal ! Très mal ! Toute sa vie, Flor de Oro, (Fleur d'Or), cachée derrière son resplendissant sourire de façade, sera une rebelle, entravée dans sa quête perpétuelle du moindre signe de reconnaissance et d'affection paternelle, sans contrepartie. Antagonisme insupportable qui va, inexorablement, la conduire d'échec en échec, la condamnant à rester éternellement une femme-enfant.
Flor de Oro est le parfait exemple que le luxe et l'argent, archétypes du Paraître et du Faux-semblant, indispensables pour mener grand train et pour parader dans la haute société, ne remplacent pas l'amour et l'affection dont un enfant a besoin. Ces éléments sont essentiels dans le processus de construction pour que tout être humain s'achemine vers la maturité en se sentant en sécurité, libre de ses choix. La douceur et l'harmonie ont fait défaut à cette fillette, adulée dans sa petite enfance, puis éloignée brutalement. Toutes ses frasques, son exubérance et ses différents mariages, sauf le premier sans doute, ont été des appels à l'aide, restés sans réponse, rapidement étouffés par la main de fer paternelle du "Bienfaiteur de la Patrie".
Quelle tristesse de voir la vie fracassée d'une fille sur l'autel de la mégalomanie de son père pour lequel elle vouait une admiration et un amour sans bornes, doublée de la toxicité de son premier amour qui la hantera toute son existence ! Ce roman, inspiré de la réalité, m'a donné très envie d'aller plus loin avec celui de
Mario Vargas Llosa, "La fête du bouc", pour approcher cette dictature peu connue, bâtie sur la corruption et la manipulation.