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sur 329 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 44 °°°

L'ogre, c'est le général Rafael Trujillo qui a dirigé la République dominicaine de son coup d'Etat en 1930 jusqu'à son assassinat en 1961. Un des dictateurs les plus sanguinaires et extravagants d'Amérique latine, contrôlant son pays par la terreur mené par sa police politique, le SIM ( Service du renseignement militaire ) qui recourait à la torture systématique d'opposants, confondant son patrimoine avec l'Etat au point de bâtir un empire économique par l'extorsion et l'intimidation qui en fit un des cinq personnes les plus riches au monde de son époque. Il a ordonné le massacre à la machette d'au moins 20.000 Haitiens travaillant dans les plantations sucrières. Sa mégalomanie lui a fait dépenser des dizaines de millions de dollars pour ériger des édifices dans un style néo-mussolinien et organiser une culte de la personnalité hallucinant en tant que « Bienfaiteur de la patrie ».

La fille, c'est son aînée, Flor de Oro, figure aujourd'hui tombée dans l'oubli après avoir été sous les feux des projecteurs, que Catherine Bardon a exhumé des limbes de l'Histoire pour nous en proposer une biographie romancée, imaginant de quoi étaient tissées son enfance, sa jeunesse, sa vie de femme jusqu'à sa mort en 1978 à 63 ans, et comment elle a assumé cette écrasante filiation.

Catherine Bardon fait le choix de coller au plus près à son héroïne, cherchant à percer l'opacité de Flor de Oro pour découvrir ce qui se cachait derrière le sourire affiché sur les photographies. Même si le récit dessine en creux l'histoire de la dictature de Trujillo, le contexte historique n'est clairement pas au premier plan. Par appétence personnelle, j'aurais apprécié qu'il soit plus présent ou plus développé. Car finalement, on ne saura que peu ce que pensait Flor de Oro des actes terribles de son père, trop accaparée à tenter de vivre malgré tout, refoulant la vérité pour ne pas sombrer. Cela m'a clairement manqué et cette lacune, même volontaire, a enlevé de la densité à cette lecture.

La fille de l'ogre est l'histoire d'une dérive, d'une vie malmenée et mal menée dès son enfance, envoyée dans une solitude extrême pendant huit ans dans un prestigieux pensionnant français, le collège privé féminin de Bouffémont, pour la préparer à tenir son rang de fille de président. L'auteur a un talent de conteuse évident qui nous entraîne sur ses pas, de Ciudad Trujillo à Berlin, de Rome à New-York, parvenant à dire ce qu'on devine ou ce qui se dérobe, avec un souci du constat psychologique.

Flor de Oro Trujillo n'a cessé de se tromper. Toute sa vie, elle a été une petite fille amoureuse d'un père qui ne lui a jamais qu'il l'aimait, victime d'une tache originelle impossible à laver aux yeux du père : sa goutte de sang noir qui s'exprime dans sa peau mate et ses cheveux indisciplinés, appelant à son père une ascendance qui lui fait honte, lui qui se poudrait pour dissimuler sa peau jugé trop sombre. Toute sa vie elle a couru après son affection, cherchant son assentiment tout en cherchant à le fuir car lui ne pensait qu'à l'utiliser, la contrôler, la surveiller. Triste échappatoire, elle a cru fuir par le mariage. Neuf maris épousés selon un schéma immuable : flirt, colère du père qui refuse que sa fille ait des aventures hors mariage, mariage, disgrâce, fuite à l'étranger, retour dans le giron paternel à coup de gros virements bancaires.

Forcément, c'est un peu répétitif tant Flor de Oro est enfermée dans ce marathon matrimonial infernal doublé d'un jeu sadique de son père qui jamais ne desserrera son licol. On referme le livre pas nécessairement ému mais touché par la tristesse de cette vie qui s'apparente à une descente aux enfers entre alcool, vie nocturne dissolu et dépression, dont seul surnage son amour malheureux pour son premier mari, le playboy mi-espion mi-diplomate Porfirio Rubirosa qu'elle épouse à 17 ans et aimera toute sa vie.
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Il a fallu le hasard d'une rencontre, à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme) pour que je découvre enfin Catherine Bardon et son extraordinaire roman consacré à Flor de Oro Trujillo : La Fille de l'ogre. Histoires d'Histoire avait programmé cette intervention dans le cadre d'un week-end intitulé « le bruit des bottes. Quand la montée des dictatures menace la démocratie. »
D'emblée, Catherine Bardon m'a intrigué et j'ai tout de suite décidé de lire son dernier roman, avant qu'elle publie Une femme debout, au début de ce mois de janvier 2024. Bien sûr, cette dictature de Trujillo, à Saint-Domingue, m'évoquait des souvenirs mais la vie de sa fille, Flor de Oro, tellement mouvementée, avec ses neuf mariages, ses moments de bonheur et ses coups de déprime, demandait à être connue en détails.
C'est donc la plume de Catherine Bardon qui m'a emporté sur les pas de Flor de Oro, La Fille de l'ogre. Si j'ai été captivé jusqu'au bout par cette histoire, je dois saluer d'abord l'énorme travail de documentation réalisé par l'autrice. Tout est daté, localisé et ce qui aurait pu être ennuyeux est formidablement lié par une plume des plus passionnantes, poétique parfois. Catherine Bardon a même ajouté quelques documents, lettres, photos, à la fin du livre.
L'autrice connaît bien les Caraïbes et en particulier Saint-Domingue. Elle sait faire vivre la population et ressentir la beauté des sites tout en faisant comprendre ce que subissaient les gens sous le joug d'une dictature de plus en plus dure.
L'histoire débute en 1920, à San Cristóbal, en République dominicaine. Flor de Oro a 5 ans et vit avec Aminta, sa mère. Elle se considère un peu comme une fille de remplacement de sa soeur, décédée. Son teint foncé ne plaît pas à son père car cela lui rappelle cette goutte de sang haïtien qui coule dans ses veines. D'ailleurs, cet homme n'aura qu'une obsession : se blanchir pour accéder et rester au pouvoir. Son ascension est irrésistible. Il accumule les maîtresses et divorce d'Aminta, envoyant Flor étudier en France, à Bouffémont (Val d'Oise) alors qu'elle n'a que 9 ans !
La vie de la Fille de l'ogre prend déjà une tournure peu ordinaire. Elle sera faite de quelques hauts et de beaucoup de bas, toujours sous la coupe de cet homme, son père, qu'elle aime et qui devient Président de la République dominicaine, en 1930. Je note que la photo qui orne la couverture du livre montre une Flor rayonnante au bras de ce père à l'air sévère.
Très vite, elle rencontre l'autre homme qui va énormément marquer sa vie : Porfirio Rubirosa. Elle en tombe aussitôt follement amoureuse, ne tient pas compte des avertissements et force son père, souvent nommé T dans le récit, à accepter le mariage. Elle a 17 ans et Porfirio, 23 ans.
Avec Saint-Domingue et sa capitale qui devient bientôt Ciudad Trujillo, la vie de Flor m'emmène à New York, Paris, Berlin, Rio de Janeiro, Washington, Rome, La Havane, Bogotá, Montréal pour revenir souvent à New York.
Je suis souvent choqué par le flot d'argent qui coule sans retenue car T se sert abondamment au détriment d'une population qui est de plus en plus fliquée comme le font toutes les dictatures. Arrestations, incarcérations, tortures, assassinats, la panoplie est complète et Flor craint aussi pour sa vie.
L'écriture magnifique de Catherine Bardon permet de bien appréhender le sentiment amoureux. Mais pour le décompte des neuf maris, la rencontre, la fâcherie et la rupture, je vous renvoie à la lecture de la Fille de l'ogre, un roman qui offre, en plus, d'excellentes formules pour permettre de ressentir la dégringolade de cette femme que je plains parfois mais dont je ne peux excuser tous les dérapages agrémentés d'une consommation d'alcool débridée.
Au final, se dégage un bien triste bilan d'une vie déchirée entre l'amour pour son père, un châtiment sans fin, et celui, infini, pour Porfirio Rubirosa, une véritable malédiction, un grand cirque tragique.

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C'est avec une certaine empathie que Catherine Bardon nous raconte le destin pitoyable de Flor de Oro, la fille de l'Ogre des Caraïbes, autrement dit Rafael Leonidas Trujillo qui a exercé un pouvoir dictatorial jusqu'à son assassinat en 1961.
Toujours sous surveillance, comme tout l'entourage du dictateur, Flor de Oro doit se soumette aux ordres et au bon vouloir de son père. L'auteure nous raconte cette vie faite de mariages ratés, neuf au total, de voyages et de fêtes. Dépendante de la fortune du dictateur et parfois assignée à résidence, Flor del Oro tente d'oublier ses désillusions dans l'alcool et les bras des hommes qu'elle se doit d'épouser pour ne pas entacher l'honneur de son père. Toute sa vie elle devra se débattre conte son anorexie et l'alcoolisme.
L'histoire n'a pas retenu grand-chose de cette jeune héritière, et son premier mari, Porfirio Rubirosa, play-boy volage qui sera diplomate, espion, coureur automobile et la coqueluche des femmes en vue aura laissé davantage de traces.
Catherine Bardon prend le parti de son héroïne pour narrer ses difficultés, ses échecs et ses tentatives avortées de révolte et de liberté. Il fallait bien combler les lacunes de cette biographie et l'auteure romance à foison les amours nocifs de Flor tout en imaginant son attachement pour ce père dont elle voudrait être aimée.
En filigrane se déroule l'histoire de l'île sous le joug du « Bienfaiteur de la Patrie » ainsi que les évènements mondiaux comme la montée du nazisme et la seconde guerre mondiale. J'ai regretté que l'histoire ne soit pas davantage abordée, ainsi que les cruelles conséquences de la dictature de Trujillo. Pour approfondir un peu plus l'histoire de cette dictature, il faut lire « La fête au bouc » de Mario Vargas Llosa, un portrait effroyable de la société de corruption et de turpitude qui a régné à Saint-Domingue.

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On fait la connaissance de Flor de Oro (Fleur D or), fille aînée du dictateur Rafael Leonidas Trujillo et de sa première épouse Aminta Ledesma, alors que son père est encore un « apprenti soldat », gravissant les degrés qui le conduiront vers le grade de général. Flor est en adoration devant son père, mais elle porte en elle la tache originelle qui prouve son origine haïtienne (comme son père d'ailleurs !) et ceci va la poursuivre durant toute son existence.

Le Jefe, comme on le surnomme l'envoie faire des études dans un collège en France, où elle découvre le froid, la solitude et la difficulté à se faire des amis. Elle se concentre sur les études, car son père, à chaque retour, épluche le carnet de notes. Elle se défend des moqueries en citant César : « Mieux vaut être le premier dans son village, que le second à Rome ».

Un jour, cependant, elle devient intéressante, son père est devenu Président de la République Dominicaine, via une élection truquée, les opposants ayant été muselés. Cela va signer son retour au Pays…

En fait, personne n'est là pour l'accueillir, son père ayant d'autres préoccupations, un remariage, d'autres enfants… Une brève période de bonheur, quand elle rencontre le beau lieutenant Porfirio Rubirosa, qui sera célèbre pour son côté bourreau des coeurs, (il épousera même une célèbre actrice française !) mais le dictateur veille, leur coupe les vivres lorsqu'ils s'exilent à New-York, notamment. L'argent et le pouvoir permettent tout…

Tout au long de son existence, Flor va essayer d'exister aux yeux de son père, qui ne cessera de la surveiller, de la manipuler, lui imposant ses choix, à travers ses nombreux mariages (neuf au total et tous plus ou moins ratés, car le Jefe oeuvre en sous-main -sous-marin ?) au gré de ses intérêts personnels : chacun des nouveaux maris devant lui apporter des contrats juteux, le servir.

On se prend d'affection pour cette femme qui brille par son manque d'estime d'elle-même, toujours en quête de l'approbation paternelle qui ne vient jamais bien sûr, car il adore l'humilier, lui lancer des petites phrases assassines mais elle reste sous sa domination, il y a trop longtemps qu'on lui a coupé les ailes. Elle fuit de l'alcool, l'anorexie, se détruisant lentement.

Catherine Bardon nous offre, à travers l'histoire de cette femme manipulée, malmenée, celle de la République Dominicaine durant les trente ans de la poigne de fer de Trujillo ce qui rend ce roman encore plus intéressant, on est au-delà d'un destin individuel brisé.

Je connais mal l'histoire de la République Dominicaine, j'ai découvert Trujillo en lisant « Les déracinés », je l'avoue ! Je n'ai pas terminé la tétralogie, d'ailleurs, il me reste le dernier tome, mais les personnages m'intéressaient moins que ceux du premier tome.

L'auteure sait bien décrire la situation du Pays comme, la culture, et la famille du dictateur alors j'ai dévoré ce roman, même si parfois j'avais envie de secouer un peu notre héroïne, un passage sur le divan aurait été très intéressant, elle l'a d'ailleurs tenté mais son psy presque époux est décédé dans des conditions étranges… Alors elle n'a pas retenté l'expérience.

Comment ne pas sourire en voyant Trujillo tenter de masquer ce qui est tout sauf un teint d'albâtre, en se poudrant abondamment le visage !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Lafilledelogre #NetGalleyFrance


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Pauvre petite fille riche... du moins pendant un certain temps !
Au-delà de cette biographie romancée, j'ai découvert un autre dictateur Trujillo , dont les vilenies sont comparables à celles commises par toutes les autres dictateurs.
Catherine Bardon s'est livrée à une quête documentaire historique poussée lui permettant de révéler la vie ombreuse bouleversante de la fille aînée de Rafael Leonidas Trujillo, un des plus sinistres , des plus terribles tyrans du XXème siècle ( plus de 30 ans de dictature). Flor de Oro balafrée par le destin , blessée à vie par la tyrannie et l'emprise paternelle . Elle se maria neuf fois, fut veuve une fois.
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Une vie malmenée et mal menée

Après la trilogie des Déracinés, Catherine Bardon reste fidèle à la République dominicaine en retraçant la vie de Flor de Oro, la fille du dictateur Trujillo. Une biographie qui est d'abord un grand roman!

Un déchirement. Flor de Oro n'a qu'une dizaine d'années lorsque son père, chef de la police de la République dominicaine, décide d'envoyer sa fille dans l'une des plus prestigieuses écoles privées de France, afin de parfaire son éducation. Flor de Oro doit alors quitter Aminta, sa mère, Boule de neige son chien, mais aussi son climat et son décor de rêve pour le froid et les couloirs d'un vaste domaine. Une expérience difficile, mais qui lui permet de découvrir la haute bourgeoisie, parcourir les lieux de villégiature comme Saint-Moritz en Suisse ou Biarritz et de décrocher un diplôme. Pendant ce temps son père va prendre les rênes du pouvoir après un coup d'État quelques temps avant qu'un cyclone ne fasse des milliers de morts et de gros dégâts.
C'est donc un pays très différent et avec un tout autre statut qu'elle retrouve à 17 ans. Dans les flonflons de la fête organisée pour son retour elle va retrouver l'aide de camp qu'elle n'avait pu quitter du regard en débarquant, Porfirio Rubirosa. Mais l'amour peut-il trouver sa place dans un protocole très strict? Après avoir tenu tête à son père, elle finit par le faire céder et a même droit à un mariage grandiose avec le beau séducteur. Mais ce dont elle ne se doute pas, dans sa candeur et sa naïveté, c'est que désormais tous les faits et gestes du couple sont surveillés et rapportés au dictateur.
À l'image de toutes ces rumeurs qui circulent sur la police politique et la chasse aux opposants, elle va pourtant très vite comprendre que son père est un Janus dont la face sombre est impitoyable. Elle comprend alors «que si elle accepte de regarder en face ce qu'est son père, ce qu'il fait à son pays, ce qu'il fait à son peuple, elle sombrera. Elle le sait. Pour survivre, elle doit refouler ces pensées et ces images, les tenir à distance et leur dénier tout pouvoir sur elle.»
Mais ses envies d'émancipation sont balayées d'un revers de manche par «T», comme l'autrice a choisi de désigner le dictateur, qui régnera sans partage pendant trois décennies.
En déroulant la vie sentimentale de Flor de Oro, qui se mariera neuf fois, Catherine Bardon montre combien la cage dorée dans laquelle elle se meut est une prison. Que toute tentative pour s'en échapper est vouée à l'échec, y compris après la mort du tyran.
Sans manichéisme, la romancière nous permet de comprendre toute l'ambivalence de leur relation. Si sa fille a largement profité des largesses de son père, elle a aussi beaucoup souffert de ce statut si particulier. Espionnée en permanence, elle ne pouvait se permettre de faire un pas sans que celui-ci ne soit relaté à son père. Un carcan dont elle tentera bien de se défaire, mais sans succès. Car, comme l'a montré Diane Ducret dans ses ouvrages sur les femmes de dictateurs, ces derniers avaient pour la plupart un rapport très pervers avec leurs épouses et maîtresses. Et si elle n'a pas spécifiquement traité le cas de Trujillo, les déviances sont semblables. C'est Mario Vargas Llosa, avec son roman La fête au bouc, qui retrace les dernières années de Trujillo et son assassinat, qui va souligner combien le dictateur considérait les femmes comme lui appartenant, qu'elles devaient lui être offertes faute de bannissement, de disgrâce, de la perte de tous leurs biens, voire de prison ou d'exil forcé, la tout sans aucune justification. On comprend alors que le combat de de Flor de Oro aura été vain, même si elle n'a jamais cessé de le mener.
Comme l'a souligné Catherine Bardon dans un entretien accordé pour la sortie du roman, raconter la vie de Flor de Oro lui aura aussi permis de rendre hommage aux Dominicains, comme elle l'a fait dans sa saga des Déracinés, car La Fille de l'Ogre «est aussi une allégorie du peuple dominicain pendant la dictature.»



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J'avais déjà entendu le plus grand bien de la tétralogie de Catherine Bardon: “Les déracinés”, mais c'est avec son dernier roman que je découvre cette auteure et son talent pour le roman historique.!
De l'histoire de la République Dominicaine, je ne connaissais que ce que j'avais lu dans le passionnant ouvrage de Mario Vargas LLosa: “La fête au bouc”, qui retrace les derniers jours de la dictature de Trujillo et balaye trente années d'oppression et de tyrannie pour le peuple dominicain.

Dans “La fille de l'ogre”, Catherine Bardon s'intéresse à un personnage secondaire de l'Histoire dominicaine: Flor de Oro Trujillo, la fille aînée du dictateur, fruit d'un premier mariage avec Aminta Ledesma, avant son accession au pouvoir. Cette enfant qui lui ressemble et qui lui rappelle, malgré elle, sa goutte de sang noir et ses origines haïtiennes qu'il tente tant bien que mal de renier… Cette fille petite et maigrichonne mais dont la joie de vivre et le sourire enjôleur séduisent instantanément ceux qui la côtoient. Cette gamine qui cherchera toute sa vie durant, l'affection et la tendresse d'un père, sans jamais les trouver. Cette femme qui grandira dans l'absence du père mais subira pourtant son joug tyrannique et son omniprésence dans sa vie, dans ses décisions ainsi que dans ses actes de rébellion. Une femme-enfant qui ne parviendra jamais à se construire totalement et composera toute sa vie avec ses névroses, ses troubles alimentaires et ses sentiments ambivalents, enchaînant les échecs et les déceptions, notamment avec les hommes (neuf mariages à son actif tout de même!).

A travers l'histoire de Flor de Oro Trujillo, Catherine Bardon nous offre un passionnant portrait de femme, extrêmement documenté, ce qui n'a pas dû être une mince affaire quand on voit le peu d'informations présentes sur internet concernant la fille aînée du dictateur… Cette femme, au destin pour le moins romanesque, a subi de plein fouet la violence d'un père manipulateur, paranoïaque et sans états d'âme. Une vie brisée par le tumulte et le chaos, par les drames et les tragédies mais une âme insoumise qui ne cessera jamais de lutter pour gagner sa liberté tout en acceptant, paradoxe oblige, certains privilèges liés au fait d'être la fille d'une des plus grosses fortunes mondiales…

Grâce à Catherine Bardon, j'ai découvert une femme fascinante et terriblement touchante, en avance sur son temps avec ses rêves d'émancipation et d'indépendance, mais dont le moindre geste et la moindre parole seront continuellement épiés, et qui, malgré quelques tentatives d'évasion, vivra toute sa vie dans une prison dorée.

Le style de l'auteure est vif et entraînant avec ses phrases courtes qui s'enchaînent avec fluidité et c'est peut-être ce que je pourrais reprocher au roman… Cette construction sujet/verbe/complément trop répétitive crée l'impression de recevoir une flopée de données factuelles qui manquent de profondeur et nuisent à la création de personnages plus incarnés, comme s'ils subissaient l'Histoire alors même qu'ils l'ont faite (bon, c'est un peu vrai dans le cas de Flor de Oro…). C'est dommage, car c'est ce qui m'a manqué pour être complètement emballée… Un ouvrage qui n'en demeure pas moins passionnant!

Lecture qui rentre dans le cadre du challenge Jeux en foli…ttéraire XII organisé par SabiSab28 et CallieTourneLesPages.
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Malgré un sujet passionnant, ce livre reste une succession de faits, l'autrice ne se posant presque jamais pour relater des scènes spécifiques. A la place, elle signe une sorte de chronique de vie, celle de la fille d'un dictateur prise dans un tourbillon de mariages, dans le maelström de l'Histoire – pourtant paradoxalement peu incarnée ici, toile de fond à peine esquissée. Les personnages eux aussi accusent un certain manque de profondeur... (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/08/15/la-fille-de-logre-catherine-bardon/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Une fois de plus, un(e) auteur, au travers d'un roman, me fait découvrir une page de l'histoire du monde et les personnages qui l'ont écrite.
Qu'ils soient gens de spectacles, artistes, souverains, politiciens, soldats ou simples citoyens, l'écrivain nous invite à partager leur vie et nous immerge dans leur quotidien.
La petite histoire rejoint la grande.
Catherine Bardon, dans La fille de l'ogre, nous emmène en République dominicaine.
Elle aurait pu nous conter le parcours de Rafael Trujillo (T dans le roman), celui qui régnera en dictateur, pendant trente ans, sur ce bout d'île partagée avec Haïti.
Mais c'est de sa fille, Flor de Oro (Fleur D or), prénom que lui a donné ce père qu'elle a passé sa vie à adorer, qu'elle a choisi de nous parler.
Si belle et si souriante, sur la couverture du livre, au bras de T, et pourtant...
L'aînée des enfants de l'ogre des Caraïbes, comme on le surnommait.
Un premier rôle qui lui vaudra bien des tourments.
Des années vingt jusqu'à sa disparition, à la fin des années soixante-dix.
Incroyable destin.
Effroyable destin.
Elle qui aima sans compter, deux hommes en particulier, qui eux, n'auront su que la faire souffrir.
Jamais libre, mal aimée, elle n'a jamais vraiment géré sa vie.
Sous emprise permanente.
Elle aurait pu, dû, se révolter.
Elle a toujours pensé, innocente, qu'un jour...
Catherine Bardon, nous livre le portrait d'une femme fragile qui évolue dans un milieu qui ne semble pas être fait pour elle.
Vie chaotique.
D'un continent à l'autre.
D'un homme à un autre.
À travers elle, c'est l'histoire de son pays qui défile sous nos yeux.
J'ai eu beaucoup d'empathie pour Flor, en perpétuelle recherche du bonheur. La plume de Catherine Bardon n'y est pas étrangère, bien sûr. Elle n'a pas dû avoir la tâche facile pour la faire revivre, mais une telle vie ne pouvait que donner un roman bouleversant qui s'avère vite addictif.
Une belle découverte.
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Et hop ! Un petit retour en République dominicaine.
Quelles chance.
Dans « Les déracinés », on avait vu ce qu'était la dictature de Trujillo.
Mais là, on la touche de plus près.
Ce livre raconte la vie de Flor de Oro, la fille du tyran.
Petite, elle adorait son père, et l'a d'ailleurs aimé toute sa vie en tant que père.
Très jeune, elle a été envoyée dans un chic collège français pendant des années.
Toute sa vie, son père a dominé ses faits et gestes comme il a dominé le pays.
Il a mis main basse sur ses relations, sur ses nombreux maris, jouant avec les êtres comme avec des pions.
Elle n'a jamais réussi à se défaire de son emprise.
Ce ne fut donc pas une vie heureuse que celle de Flor de Oro.
Au début du livre, j'avais presque l'impression de lire un reportage et suis restée assez distante.
Mais c'est sans compter le talent de Catherine Bardon, et très rapidement, je me suis laissée embarquer dans cette biographie passionnante.
Il est difficile d'être fils ou fille d'une personnalité .
Mais quand cette personnalité est un dictateur « cruel, manipulateur, pervers, sanguinaire, assassin, tortionnaire, violeur », la vie de ses enfants devient vite un enfer.
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