Peu de gens connaissent la vie compliquée de la riche (mais pas héritière) fille de l'Ogre des Caraïbes. Il fut un mari autoritaire, colérique, inflexible, violent qui effraya tant sa mère( p. 11), et un père tout aussi peu sentimental dont les ordres, jamais, ne se discutèrent.
On peut disposer d'énormément de dollars sans parvenir à être heureuse. Et ce n'est pas par caprice que Flor de Oro voit sa vie défiler comme un mauvais roman-photos.
Le travail de recherche, mené encore une fois avec une précision infinie par
Catherine Bardon - à qui on doit la formidable saga des Déracinés- éclaire une figure importante de cette République dominicaine qui lui doit beaucoup.
On voyage avec elle depuis cette île jusqu'à Venise, en passant par New-York, Miami, Berlin et Paris … A sa manière, elle est, elle aussi, une déracinée … et à ce titre ne pouvait que susciter l'intérêt de la romancière.
(…)
Le destin de Flor est touchant. le séjour en pension en France à partir de 9 ans la prive de l'amour de sa mère. L'affection que lui témoignera son père sera intéressée et motivée par son appétit sans limite pour le pouvoir. Flor n'est pas dupe. C'est elle qui le dit : je suis
la fille de l'ogre des Caraïbes (p. 170).
Pourtant Catherine est persuadée que paradoxalement elle a dû être aimée par son père mais d'une relation qui fut décevante. La raison est peut-être à chercher dans cette fameuse goutte de sang de "couleur" qui était une tare à une époque où l'Amérique ne cherchait qu'à blanchir la race.
Alexandra Lapierre traite cet aspect dans sa biographie de
Belle Greene. Et
Catherine Bardon fait régulièrement allusion à ce sang noir (p. 317) dont le père a horreur autant que des origines plébéiennes de sa fille.
Flor aurait souhaité que son père lui confie plus longtemps un rôle diplomatique et culturel pour lequel elle avait toutes les aptitudes. Et puis, par dessus tout elle aurait voulu avoir un enfant. Elle ne put jamais concevoir alors que son père lui donna une myriade de demi-soeurs et frères.
Cette femme, qu'on a parfois du mal à plaindre car l'argent l'aura malgré tout aidée à surmonter bien des tourments, devient touchante au fil des pages. Sans être candide ni naïve sur les monstruosités dont son père est coupable (et auquel le lecteur ne trouve aucune circonstance atténuante) elle suit un chemin de résilience et elle doit, pour survivre, refouler ces pensées et ces images, les tenir à distance (p. 148). La suite des événements démontrera néanmoins que ce n'était pas la bonne méthode.
On éprouve donc de l'empathie pour Flor qui n'a jamais connu la liberté, la vraie, car elle fut (presque) toujours sous la coupe d'un mari, d'un nom et surtout toute sa vie d'un père pour qui tout individu devait lui servir à accomplir son grand rêve, développer ce pays qui devient peu à peu sa propriété privée et régner sur lui en maître incontesté (p. 85). En résumé, elle ne fut pas maîtresse de son destin. Et pourtant sa vie fut exceptionnelle. (…)
L'auteure est très douée pour ce travail de chercheur et d'historien et excelle à suivre une personnalité comme s'il s'agissait d'un jeu de piste. Elle fouille tant le passé qu'au final elle n'a pas grand chose à inventer. (…)
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