Cette histoire-là part d'un rêve d'enfant. Attention, un rêve d'enfant peut être tout sauf enfantin ! "S'il y a une chose qui m'a toujours fascinée, c'est la cécité des parents devant les rêves des enfants. Ils ne les voient pas, tout simplement. Ce n'est pas par méchanceté."p.223 ... "Et moi je suis un homme Qui aime bien ce genre d'enjeu", l'eusse-tu cru ? Je suis bonne pâte. Baricco, j'adore son écriture et son imaginaire c'est un peu de l'
Italo Calvino passé en barrique, gagnant en rondeur ce qu'il perd en vivacité, plus soyeux, tous deux faussement légers tout en restant moins capiteux qu'un
Modiano. Les trois écrivent la ronde du temps et par l'irréel viennent éclairer ce que la réalité se plaît à nous masquer. Alessandro le plus baroque ; dans
cette histoire-là j'ai retrouvé en suspension des notes du piano de Novecento. "Il n'y avait pas de raisonnement, ce n'était qu'émotion." p.313
Je l'ai lu assis dans le fauteuil de mon salon d'où j'aperçois en enfilade, par l'encadrement d'une porte, sur la dresse de ma salle à manger se détachant du vert anglais mural, un bronze que le sculpteur a baptisé la boucle du géant car l'inspiration lui est venue en admirant les méandres de la Semois dans nos belles Ardennes au lieu-dit le tombeau du géant. "Ainsi nous ne sommes que le méandre d'un fleuve, qui vient de loin et continuera avec nous."p.67
Je suis plus attentif aux effets de lumière depuis la récente installation de panneaux photovoltaïques. Quel plaisir de suivre au cours du jour ces subtiles variations car un Baricco peut se déguster à toute heure et son écriture lumineuse. Ah ces mots-photons porteurs d'une belle énergie et qui frappent dans un hasard quantique votre sensibilité, votre imagination et vous réchauffent, sans savoir lequel vous touche plus profondément. "C'était la part cachée de nous, très bien racontée, même les pires choses. Vous savez, les choses cachées, quoi ?" p.281
Ultimo Parri a appris, petit, à marcher d'un pas égal sans se retourner. Ainsi il traversa la vie quelques en furent les tours et les détours, ainsi traça-t-il sa route. A travers un roman choral dont ici chaque voix a sa propre tonalité et fait entendre sa singularité,
Alessandro Baricco nous emmène faire le tour de cette vie qui mérite le détour ! "Vous ne voulez quand même pas que je vous raconte toute l'histoire..."p.280 Je sais, je sais il faudrait écrire encore."Ecrire, j'ai tant écrit. Mais écrire est une forme sophistiquée de silence." p.208
Sachez alors qu'Ultimo dont le papa aimait tant les voitures... mais c'est une autre histoire, Ultimo finira par créer une piste de 18 virages. Pourrais-je résumer que justement la vie d'Ultimo est tout entière dans cette piste dont la ligne de départ masque en fait la ligne d'arrivée ?
"... mais les vielles personnes ont tendance à s'émouvoir.
Quelle merveille.
J'aime tout dans cet instant.
Qui tombe à 2.12 a.m.
Foutu journal, content maintenant ?" p.236
Mon conseil pour la clarté de l'écriture et dès lors qu'Ultimo ne se retourne jamais : c'est à lire, une fois ! 😉