Que se passe-t-il sur Terre, deux semaines après la publication de
Sérotonine, le dernier roman de
Michel Houellebecq ?
Pas grand chose me diriez-vous, tant l'omnipotent représentant de la nouvelle littérature française parvient à occuper tout l'espace vide de nos bonnes vieilles librairies. La nature en a horreur, qu'à cela ne tienne, une pyramide de livres ici, une longue table avec l'intégrale-du-tout-meilleur-du-début-à-maintenant de Michel là, une séance de dédicace plus loin. Il est partout. Comble les espaces. L'ubiquité faite homme en quelque sorte. Mais je vous rassure, je finirai ma soupe et je lirai le dernier
Houellebecq, c'est promis !
En attendant, je vous propose un détour par
Titan, histoire de voir si sous cette atmosphère dense et inhospitalière ne se cacherait pas un représentant de la littérature de genre.
«
Retour sur Titan » est un livre publié en 2010 en Angleterre, mais seulement en 2018 en France par le Bélial dans la collection « Une heure-lumière ». Il est court, 157 pages, mais charnu.
Stephen Baxter ne ménage pas ses efforts pour proposer un récit à la fois dynamique et empli de références géologiques, météorologiques, physiques, etc. avérées par la communauté scientifique. Il nous raconte l'histoire de quatre hommes et une femmes qui partent explorer
Titan, pour tenter d'en exploiter les richesses. Pour valider leur droit d'exploitation, ils doivent prouver que ce gros cailloux n'héberge pas de vie ou quelque chose pouvant s'y apparenter…
Le moins que l'on puisse dire, c'est que
Titan, le plus grand satellite de Saturne, inspire les romanciers et les astronomes.
Quand on ouvre ce court roman de
Stephen Baxter, écrivain britannique de science-fiction né en 1957, on se dit que le bonhomme a probablement consulté de nombreux ouvrages qui détaillent l'aspect de gros caillou. Tous les éléments connus, « lacs d'hydrocarbures, cryovolcans, composition de l'atmosphère, saisons, pluie de méthane, océan souterrain » et surtout « possibilité de vie extraterrestre », y figurent. Et ce n'est pas un hasard puisque cet auteur prolifique (160 nouvelles, 30 romans), qui a gagné plusieurs prix (Locus,
Philip K. Dick,…) étudia à Cambridge les mathématiques, la physique et l'informatique et passa des tests de sélection en 1991, pour devenir cosmonaute. Il échoua, ce qui fit de lui un écrivain.
Cette passion pour l'espace, la technologie et la science l'a naturellement amené dans la catégorie « hard science-fiction » (Oui, la sience-fiction a ses propres sous-catégories). Autrement dit, des auteurs qui fondent leurs écrits sur des informations validées par la communauté scientifique. En y ajoutant un peu d'imaginaire, sinon ce serait bien ennuyeux. Comme cette histoire est courte, l'intrigue est tendue. L'auteur avance en tenant pour certain que le lecteur connait la signification d'un trou de ver (dont l'existence aurait été suggérée par
Albert Einstein et Nathan Rosen) phénomène qui est accessoirement le gagne-pain du chef de cette mission, qu'il est familier avec des idées aussi farfelues que le téléchargement des consciences (personnalité, mémoire, etc.) sur une machine, puisque le récit débute avec cette idée, que la biochimie du vivant n'a pas de secret pour lui et ainsi de suite.
Pour autant, ce livre est d'un abord simple. le style y aide et quand c'est nécessaire, l'auteur apporte quelques précisions. le narrateur, Jovik Emry, est piégé par le commandant du vaisseau, Harry Poole, qui a besoin de lui pour poser une navette sur
Titan. Jovik est censé surveiller cette lune et en interdire l'accès à toutes personnes non accréditées. Notre « surveillant » raconte cette histoire à la première personne, sans que le récit soit particulièrement introspectif, puisque ponctué de nombreux dialogues. Les descriptions, quant à elles, sont au service de l'intrigue. L'ensemble reste cohérent, bien que trop chargé à mon goût. En outre, il manque à
Stephen Baxter, un souffle, une flamme, quelque chose qui nous donnerait vraiment envie d'accompagner ses personnages à l'autre bout du système solaire. Or là, on a plutôt envie de les abandonner à leur triste sort.
Néanmoins, et c'est un peu le paradoxe avec ce type d'ouvrage, l'ensemble n'est pas dénué d'intérêt. Si l'on est curieux, ce qui est mon cas, on est au moins retenu par la vision réaliste et documentée de cet objet situé à près de 1400 millions de kilomètres de la Terre, puisque l'on ne l'est pas par l'intrigue somme toute assez « banale ». D'une certaine manière, cette novella est un tour de force : la métamorphose de longs et fastidieux articles d'astrophysique en un court roman de science-fiction. Ce genre singulier qu'est la SF milite pour ce type de performance. Sans un minimum de curiosité, d'attrait pour les sciences, il est délicat d'aborder cet univers aux limites indéterminées. Malgré tout, la richesse du genre permet toutes les expériences et autorise tout type de lecture. Chacun y trouve son compte.
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