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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pierre Bayard est un auteur particulier. Professeur de littérature et psychanalyste, Il écrit des essais où il se pose des questions inattendues, étonnantes.

Dans ce livre il s'imagine être à la place de son père pendant la durée de la guerre (18 ans en 1940) : élève de l'École normale, délocalisée à Bordeaux. Basculerait-il du côté des bourreaux ou des résistants ?

Il est facile, après la fin de la guerre, de critiquer les collaborateurs et admirer les résistants. À l'époque, moins : on ne connaissait pas ni l'issue de la guerre ni sa durée.

Il commence par rappeler les expériences psychologiques de Milgram dans les années 60 à Yale où on essayait de pousser les participants à appliquer des choques électriques à des élèves auxquels on posait des questions. Puis, on rappelait le cas due 101ème bataillon de police (livre de Christian Browning). Cette partie analyse ce qui pourrait pousser quelqu'un à basculer du côté des bourreaux.

Puis une série d'analyses, par thèmes, de caractéristiques pouvant faire basculer, ou pas, du côté des résistants : le conflit éthique, l'empathie, la peur, indignation, désaccord idéologique, ... A chaque fois il prend un exemple parmi des résistants connus : Daniel Cordier (secrétaire de Jean Moulin), Romain Gary, La Rose Blanche (résistance allemande), Aristides de Souza Mendes (consul de Portugal en France) etc et se positionne lui-même par rapport à ces thèmes.

Il est question aussi des Justes (en opposition aux héros ou combattants de la Résistance, les premiers étaient des anonymes tandis que les derniers se battaient avec des armes à la main. D'autres génocides, avec les dilemmes des résistants et bourreaux, sont aussi mentionnés : au Rwanda, Yougoslavie et Cambodge.

Finalement, il serait sûrement indigné par l'envahisseur mais resterait dans la position neutre à suivre sa formation supérieure. Sauf événement qui pourrait déclencher en lui une bifurcation capable de le faire basculer dans le côté des résistants. S'il dit qu'il n'aurait probablement pas été résistant, il faut saluer le courage qu'il a eu de le dire.

C'est une question étudiée dans le détail avec des nombreuses références. Un livre qui mérite largement la lecture.
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Bien que dans un genre complètement différent, cet essai de Pierre Bayard est aussi intéressant que la série des "Comment parler de..." Pour tenter de répondre à la question posée par le titre, l'auteur analyse différents exemples d'expériences, d'autobiographies, de fictions dans lesquels cette question est abordée, que ce soit le scénario de Lacombe Lucien, l'expérience de Milgram ou La promesse de l'aube. Il prend bien sûr aussi appui sur des personnes réelles qui ont, elles, apporté une réponse claire à cette question, ainsi Hans et Sophie Scholl, les membres de la Rose blanche.
S'inspirant de ce que son père a vécu dans les années 1940 et de son propre caractère, Pierre Bayard crée un "personnage-délégué" qu'il fait naître en 1922 et qui aborde donc la seconde guerre mondiale, au début de sa vie d'adulte, alors qu'il est encore un étudiant préparant l'ENS.
Ce n'est finalement pas tant la réponse à la question posée qui importe que le travail mené pour tenter de la circonscrire. En effet, l'auteur insiste sur l'importance de la "bifurcation", moment décisif et difficilement explicable qui conduit certaines personnes à des choix déterminants et irrévocables. En étudiant aussi des situations similaires dans différents pays (Cambodge, Rwanda, Bosnie), l'étude se fait plus large alors que le double de l'auteur demeure, lui, un personnage de fiction.
Une bibliographie reprenant les ouvrages cités dans le texte aurait eu son intérêt en fin de volume.
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Un bien beau livre que nous offre Pierre Bayard... L'analyse des comportements résistants / bourreaux n'est pas nouvelle, mais l'originalité du livre est d'aborder la question sous l'angle très concret de savoir quel camp on aurait choisi soi-même. Avec honnêteté, humilité et rigueur, il développe une méthodologie lui permettant d'explorer les mécanismes intimes qui gouvernent nos décisions dans des contextes fortement perturbants et déstabilisants, où tous les repères habituels sont bousculés.
Loin des attitudes de censeur si spontanément endossées aujourd'hui, il détricote patiemment les apparences et les idées reçues, et élabore une trame nouvelle, riche en éclairages nuancés qui tiennent compte de la complexité des contextes historiques et de l'âme humaine. Ceci afin de "montrer avec autant de précision que possible l'intrication des forces qui conduisent les êtres à basculer dans telle ou telle voie."

Au terme de sa démarche, il constate : "Si l'on peut s'approcher très près du point de bascule, celui-ci demeure cependant inaccessible, comme ce lieu d'énigme en chacun où se mêlent les forces antagonistes dont nous sommes la résultante et qui nous portent vers la décision."

Bref, l'antidote idéal au conformisme lénifiant et au manichéisme réducteur de Indignez-vous !
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Dans ces moments de retour sur soi factices, ceux dans lesquels entrent en jeu plus d'illusions que de vérité introspective, nous aimons tous à penser que, dans des situations critiques, ces évènements qui poussent les hommes à faire des choix et à se dépasser eux-mêmes, et notamment lors des guerres où il faut savoir choisir son camps, celui du juste ou du salaud, nous serions des héros, des résistants, luttant pour la justice et boutant le mal loin de nos semblables au péril de nos existences. Et pourtant, que ce soit durant la seconde guerre mondiale, au coeur de la France occupée, ou dans tous les conflits, dans tous ces génocides dont l'humanité se sera rendue coupable, la frange de ceux qui choisirent de dire non à l'inacceptable, de s'engager pour sauver des vies et pour une conception plus élevée de l'humain fût dérisoire eût égard au reste de la population.

Pierre Bayard, avec son fantastique essai « Aurais-je été résistant ou bourreau ? », met les pieds dans le plat,... La suite sur www.livredelire.com
Lien : http://livredelire.com/2013/..
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Voilà une excellente question ! Bien que n'ayant pas vécu un événement donné de l'Histoire car pas nés ou vivant ailleurs à ce moment-là, dans quel camp nous serions-nous placés ? Celui des vainqueurs potentiels ? Des dissidents ? Aurions-nous gardé une neutralité sans failles ? C'est ce que demande Pierre BAYARD, en allant exhumer dans le passé du XXème siècle divers massacres mais aussi expériences psychanalytiques (BAYARD est professeur ET psychanalyste !). En début d'ouvrage il analyse l'expérience dite de MILGRAM et sa « soumission à l'autorité » qui fit couler beaucoup d'encre dans les années 1960 (et fut immortalisée dans le magnifique film d'Henri VERNEUIL « I comme Icare » de 1979 avec un redoutable Yves MONTAND). Puis il se penche plus en détails sur la seconde guerre mondiale non sans avoir « fictionné » sa propre personne et utilisé l'uchronie pour se transposer jeune adulte au début la grande boucherie. Il nous invite à nous projeter en arrière en s'appuyant sur des exemples concrets pour démontrer par exemple qu'un destin de résistant n'est pas tout tracé d'avance. Prenons celui de Daniel CORDIER, Maurassien convaincu et fasciste actif, qui se retrouve dans la résistance et devient secrétaire particulier de Jean MOULIN par accident ! Il fera ses classes de résistant sous le célèbre pseudonyme de CARACALLA. BAYARD mentionne avec respect et tendresse Les Justes, celles et ceux qui ne pouvaient concevoir l'alternative au fait d'avoir aidé, protégé, secouru ou sauvé d'une mort certaine quelques éléments d'une population discriminée et traquée. Ces Justes qui resteront anonymes, qui refuseront toute gloire, puisque leur intervention leur parut naturelle (il y en a un paquet qui devraient d'urgence prendre exemple sur ces Justes pour ne pas perpétuellement déborder d'autosuffisance sirupeuse et moite qui tend à nous dégoûter de leur simple évocation). Dans ce bouquin on croise Romain GARY et son parcours de résistant, pourtant à l'opposé de celui de CARACALLA. À classer près de celle de MILGRAM voici l'expérience de BATSON sur « le conformisme de groupe » (un autre grand danger sociétal), détaillée par l'auteur et servant à mieux comprendre les réflexes humains sous l'influence collective (ou comment sciemment se tromper collectivement sans scrupules). BAYARD met également en exergue le parcours de Hans et Sophie SCHOLL et leur organisation « La rose blanche ». Il n'oublie pas une Milena JESENSKA, ancienne muse de KAFKA et perpétuelle révoltée qui tiendra tête à ses gardiens au camp de concentration de Ravensbrück. Il prend des tas d'exemples et contre exemples, où malgré un objectif commun, les motivations ainsi que les parcours personnels sont très différents, très éloignés, voire aux antipodes les uns des autres, chacun comme unique. BAYARD va se rapprocher un peu plus de nous, énumérant les massacres du Cambodge sous les Khmers rouges dans les années 1970 (rappelez-vous Pol POT), ceux de l'ex-Yougoslavie ainsi que de populations entières au Rwanda durant la décennie 90. Pour exposer ses thèses sur sa formule « résistant ou bourreau » durant la seconde guerre mondiale, Pierre BAYARD ne part pas sans munitions : son père a lui-même été résistant, certes pas parmi les premiers, mais pas vraiment non plus en queue de peloton. J'avais récemment lu « le Titanic fera naufrage » (ÉDITIONS DE MINUIT 2016) du même auteur et, malgré quelques remarques très convaincantes et des exemples à la pelle non dénués d'intérêt, j'avais été quelque peu effrayé lorsque BAYARD tentait de mener son lectorat du côté de la physique quantique ou du paranormal. Rien de cela ici : réflexions solides, recherche psychologique sérieuse, exemples historiques d'une grande précision, travail global très poussé, nombreuses références en matière de documents de tous formats. BAYARD fait réfléchir, nous amène à nous poser ses propres questions, à nous positionner dans cette uchronie déstabilisante, c'est une sorte de jeu cruel dans lequel on prend part de plein gré. Ce petit bouquin est un outil psychanalytique assez remarquable qui nous bouscule, c'est sorti en 2013 aux magnifiques ÉDITIONS DE MINUIT.
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