Nous sommes au Liban en 1981. le narrateur, 14 ans, reçoit des armes, un uniforme et s'apprête à livrer le combat au moyen d'armes lourdes. Il est affecté aux Forces centrales d'intervention du Parti social nationaliste syrien à Beyrouth.
Une ville à sac avec un condensé de groupes, partis, tendances : communistes, combattants du Parti arabe du Travail, socialistes progressistes, Mourabitoun.
Ce récit qui pourrait être triste et larmoyant est parfois grave mais se révèle aussi tragi-comique du fait d'un antagonisme entre le jeune âge de ce garçon et la mission d'homme qui lui est confiée et du récit du point de vue de l'enfant.
Assez grand pour combattre, il est étonné de se voir refouler l'entrée de l'hôpital de l'université américaine lorsqu'il y va pour donner son sang. Il est trop jeune lui dit-on. Trop jeune pour sauver des vies en donnant son sang mais pas trop jeune pour se vider de son sang et perdre sa vie en combattant.
Assez grand pour combattre mais qui reste pétrifié au moment de donner l'assaut dans un théâtre : "Assis dans l'obscurité, les spectateurs sont paralysés par la surprise et la peur, et, quelques secondes avant que les lumières s'allument, je suis moi aussi immobilisé, étourdi, anéanti par le choc : je vois la première scène pornographique de ma vie. Je n'ai pas encore 14 ans.........armé jusqu'aux dents et en uniforme, je détaille, en gros plan, sur toute la largeur de l'écran, une vulve glabre, rose et européenne qui restera gravée dans ma mémoire jusqu'à la fin de mes jours".
De la violence certes, mais l'innocence ressurgit parfois : le jeune héros dévoré par la soif a des hallucinations qui lui font voir des chutes d'eau généreuses, des sources glacées et qui après s'être à moitié évanoui s'endort en suçant son pouce....
Et au milieu, le brevet des collèges, puis plus tard le baccalauréat à passer.
Un gros coup de coeur pour ce court récit qui malgré le fond grave garde une forme parfois candide dans la retranscription de cette guerre et de ces combats nébuleux.
Magnifique postface de
Mathias Enard.