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4,08

sur 954 notes
Ce roman assez court est un des meilleurs livres que j'ai lu ces derniers mois .
Matthieu Belezi battit son roman sur la colonisation en donnant la parole à deux personnages :
Une femme qui fait partie d'un groupe de colons et un soldat .
Au 19eme siècle, la France avait promis l'Eldorado aux premiers volontaires décidés à partir pour une vie meilleure.
Séraphine nous raconte le voyage harassant qu'elle et ses compagnons font jusqu'en Algérie,leur arrivée au milieu de nulle part ,et les horreurs qu'ils vont endurer .
Le soldat nous embarque avec sa petite troupe qui suit aveuglément un commandant fou et sanguinaire . Et parfois la voix d'un arabe se fait entendre, nous plaçant du côté des colonisés.
Le style très original et époustouflant de Matthieu Belezi donne encore plus de puissance à ce roman qui met en lumière l'absurdité,la violence et la folie qui a amené des hommes à conquérir un pays qui n'avait rien demandé . A lire absolument .
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Un récit court et dense, porté en écho par deux narrateurs qui illustrent la sauvagerie profonde des débuts de la colonisation en Algérie. Au moment où la révolution de février 1848 proclame la République, deuxième du nom, la France envoie de l'autre côté de la Méditerranée le sabre pour conquérir et les bras pour travailler. Séraphine raconte la terrible Odyssée des 500 migrants bringuebalés de bateaux en bateaux jusqu'à Marseille, la traversée douloureuse et le réveil brutal à l'arrivée, si loin du paradis promis, sur une terre rude qui transformera la besogne en enfer. Séraphine est le porte-voix du désespoir, au fil des catastrophes qui s'abattent sur la petite communauté, dans une rigueur qui fait penser aux 7 plaies d'Égypte, comme une sanction implacable à la folie meurtrière de la conquête. Car le sabre de l'armée triomphe. Dans un mépris absolu des vies qu'ils rencontrent, la conquête ouvre pour les soldats le droit de trancher les vies sans limites, sans pitié. le sang devient légitime, et le récit n'épargne rien au lecteur pour en décrire les flots qui inondent la terre sèche et aride. La baïonnette impose sa loi, les soldats en jouent sans état d'âme, condamnés à tuer, comme des machines, des hommes devenus automates, dépossédés d'eux même. L'un d'eux parle au lecteur du fond de sa violence et ces propos-là sont terribles. Quel autre choix cette logique de conquête laisse-t-elle aux indigènes que de tuer à leur tour ? Mathieu Belezi nous plonge dans une conquête carnassière, elle s'abat sur cette terre et ses habitants comme une apocalypse, renvoyant à une fin des temps l'idée d'une réparation, d'une vengeance. le livre est écrit dans un rythme oppressant, se croisent et se répondent le regard de Séraphine et celui du soldat, les mots sont tendus, effilés comme des armes, la violence emporte tout dans un souffle mortel.
Un livre coup de poing, qui plonge le lecteur dans la réalité d'un massacre, un de ceux que l'histoire a pu étouffer un temps, la décolonisation en Algérie prend en négatif toute sa force et sa légitimité.
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Nous sommes au 19ème siècle en Algérie, et nous allons suivre deux groupes de personnes : une famille de colons qui a décidé de quitter la France pour le paradis d'une colonie agricole promise par la République, et des soldats Français.

Les chapitres des colons s'intitulent "rude besogne", ceux des soldats "bain de sang".

Portée par une écriture poétique, ce n'est que douleurs, massacres, viols, fureurs, pleurs, désenchantements et destructions.

Car les colons vont vite déchanter dans leurs baraquements, face à aux maladies, aux animaux sauvages, aux perturbations de la météo ou aux attaques des Arabes "ces monstres sanguinaires, soi-disant poussés par leur Dieu qui n'admettait pas qu'un roumi souille ses terres"

Et les soldats, dirigés par un capitaine ivre de sang, n'ont que la dévastation comme horizon.

C'est dur et j'avoue que j'avais du mal à me replonger dans le récit de toutes ces horreurs. Mais le rythme de la langue, ces longs textes sans ponctuation qui traduisent les pensées des protagonistes, et la beauté du texte, m'ont aidé à affronter cet effroi. L'auteur sait parfaitement nous faire ressentir la folie de cette colonisation dans des conditions extrêmes.

Une lecture dont on ne sort pas indemne.
Lien : http://lesfanasdelivres.cana..
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Coup de coeur ! (je jette ce cri en préambule, comme ça c'est fait !)

Je n'avais encore rien lu sur la colonisation de l'Algérie du point de vue de l'envahisseur (mais depuis j'ai noté de lire Camus ;-) et surtout à ses tout débuts (de la colonisation, pas de Camus).

Deux points de vue : celui des premiers colons, à qui le gouvernement avait promis une nouvelle vie pleine de richesses et qui ne trouveront qu'une terre aride, la maladie et l'opposition autochtone…

L'autre point de vue est celui des soldats venus pacifier et civiliser les sauvages malgré eux. Sûrs de leur bon droit et de leur mission, ils vont massacrer à tour de bras les algériens qui ont le malheur de croiser leur chemin.

J'ai lu dans quelques critiques qu'il manquerait le point de vue de ces derniers, mais je pense celui-ci tombe sous le sens et est induit par les actes commis par les français, civils et militaires, les premiers en spoliant des terres et les autres en commettant leur exactions.

La plume de Mathieu Belezi est très précise, parfois poétique malgré la lourdeur du sujet. Probablement de par le découpage des phrases et des paragraphes la lecture est un peu haletante et colle bien au rythme probablement voulu par l'auteur.

À noter que si le récit des colons est à la première personne (par la voix d'une jeune mère de famille un peu naïve), celui des soldats est à la première personne du pluriel : le narrateur est dépersonnalisé au profit d'une meute de guerriers sanguinaires à la botte d'un chef charismatique (qui pourrait parfois être ridicule s'il n'était aussi violent).

Un roman très original, dur et violent, mais utile pour comprendre un peu mieux notre histoire de France. Nécessaire en tout cas à ceux qui pensent que « on » a apporté la civilisation, les routes et les écoles dans nos colonies. Qu'"on" a fait oeuvre de bienfaisance, en somme.
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Je ne sais pas où les critiques et le jury du Prix du livre Inter 2023 ont vu la puissance de ce roman mais personnellement, je suis passée à côté.
"Attaquer la terre et le soleil" de Mathieu Belezi est un livre sur la barbarie de la colonisation qui pourrait se passer n'importe où. C'est un peu dommage car je n'avais jamais lu de roman sur la colonisation française en Algérie au 19eme siècle et c'est ce qui faisait son originalité. C'est aussi pour cela que je l'ai acheté.
C'est raté de ce côté-là probablement parce qu'il voulait donner un côté universel au sujet car on n'apprend rien sur l'histoire de l'Algérie.

On est du côté des colons et des soldats français avec une alternance des chapitres entre (Rude besogne) et (Bain de sang) et on se demande bien pourquoi il y a ces parenthèses.
Les algériens sont des masses et pas des individus, ils sont arabes ou moukères et plus souvent des moricauds.
Séraphine la narratrice ainsi que ses proches et tous ceux de la Colonie agricole sont gardés par des soldats. Ils ne vont avoir que des malheurs et on se demande pourquoi ils ont émigré dans ce pays. Heureusement qu'il y a quelques pages sur le mariage de Rosette et Fernand sinon tout n'est que désastre. Malgré la répétition de l'expression "Sainte et sainte mère de Dieu" il n'y a pas d'intervention divine dans leurs malheurs.

Si Séraphine se sent "plongée dans les flammes d'un enfer à peine imaginable" après avoir perdu plusieurs membres de sa famille dont ses deux petits garçons morts du choléra, on se demande ce que diraient les algériens si on les entendait. Car le (Bain de sang) est un titre qui n'est pas usurpé puisque qu'il n'y a que ça. Les habitants des villages sont embrochés ou décapités, les femmes violées, les maisons brûlées par les soldats français au nom du bon droit des colonisateurs venus pacifier des terres de barbarie.
C'est trop sordide pour que j'accroche au texte même si j'ai bien compris que Mathieu Belezi dénonce la folie des hommes. Quant à Faulkner annoncé en quatrième de couverture je suppose qu'on lui doit les citations en italique mais je ne vois pas ce qu'il vient faire ici.


Challenge Riquiqui 2023
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Choisir un livre pour cocher un item de challenge et tomber sur une pépite littéraire tant pour le style que le thème !

C'est ce qui vient de m'arriver avec ce court roman de Mathieu Belezi, Attaquer la terre et le soleil, qui retrace une partie du récit de la conquête de l'Algérie, donnant tour à tour la parole à Séraphine qui s'est embarqué pour l'aventure avec son mari, leurs trois enfants, sa soeur et son beau frère, et à un soldat du contingent sous les ordres d'un capitaine assoiffé de sang voulant donner à la France une terre débarrassée de ses scories indigènes. 

L'attrait d'une terre à cultiver avait convaincu de nombreux français à tenter l'aventure. Mais les maladies, notamment le choléra qui faisait des ravages, les animaux, comme le lion des montagnes, le soleil, si chaud qui brûle tout ... et les incursions des indigènes venus laver dans le sang des colons celui versé par les militaires. 

Un style rapide, haletant, où passe toute la souffrance de Séraphine, renforcé par l'absence de ponctuation de fin de phrases. 

Un roman doublement primé, qui le mérite absolument

Un auteur que je découvre et dont je vais rechercher les autres productions, tant il m'a emportée dans ce récit tragique et violent d'une période peu évoquée des relations franco algériennes. 
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Sainte et sainte mère de Dieu
Je ne connaissais pas Mathieu Belezi et pourtant cela fait vingt ans qu'il écrit.
Ce roman a une fulgurance poignante.
Son sujet, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer du début de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
De sa forme, une alternance de chapitres (RUDE BESOGNE) et (BAIN DE SANG), s'élèvent les voix de Séraphine et ensuite celle d'un soldat anonyme.
Le tout avec une ponctuation à minima, à la ligne, qui renforce le côté dramatique de l'histoire.
Des migrants français sont parqués dans un lazaret à Marseille en attendant le départ de la frégate Labrador qui doit les emmener en Algérie.
« Quoi qu'il arrive ne désespérez jamais du gouvernement de la République. Il a les yeux grands ouverts, l'oreille aux aguets de la moindre de vos plaintes, et il fera tout ce qui est en son pouvoir—absolument tout !—pour que la rude besogne de chacun soit récompensée à son juste prix. Parce que vous êtes la force, l'intelligence, le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie. Et que cette force, cette intelligence et ce sang neuf sont infiniment précieux. »
Arrivés sur cette terre algérienne, c'est l'effondrement, le sentiment de solitude domine tout.
« grelottant de fièvre et de désespoir nous perdions chaque jour un peu plus de ce qui nous restait de dignité. »
Les maisons promises n'existent pas, de vastes tentes sont là pour les accueillir mais plusieurs famille doivent coexister. La vie s'organise sous la surveillance de jeunes soldats eux-mêmes pas tout à fait aguerris aux tâches qui leur incombent.
Le printemps arrivé, ce ne sont pas des maisons qui sont construites mais des baraquements où ils doivent continuer à cohabiter.
Toutes les sorties et activités sont faites sous escorte militaire. La violence est partout. La scène avec Germaine est au-delà de la barbarie, indicible.
Le choléra décime.
Séraphine et le soldat sont les porte-voix de cette violence.
Mathieu Belezi est le Steinbeck de l'Algérie, le lecteur retrouve cette densité dans la dénonciation de ce qu'il y a de pire dans l'humain.
Les mots traduisent la musique du désespoir et de l'absurde.
Texte court, une écriture au scalpel et des bulles de poésie ça et là pour que le lecteur reprenne son souffle.
En refermant le livre, nos âmes résonnent de ces cris qui disent la violence de la colonisation, terre d'exil qui aurait dû être un havre malgré la rudesse du labeur mais ne fut que bain de sang.
Mathieu Belezi et sa plume acérée nous plonge en apnée dans cet enfer, il broie nos tripes, ses mots sont des armes.
Impossible de ne pas faire le parallèle avec l'actualité, il n'y a pas de bons côtés ni de bonnes origines quand on est migrant.
L'expression « devoir de mémoire » revient souvent dans l'Histoire, mais il me semble que nous pourrions parler de « devoir de réflexion »
Les trois lignes qui concluent le livre sont le dernier cri, déchirant à l'infini.
Décidément un auteur à lire.
©Chantal Lafon


Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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Le titre de ce roman annonce par avance l'absurde de l'action, qu'elle soit projet ou ordre à exécuter. En effet, deux narrateurs prennent en charge le récit en alternance : d'une part, Séraphine qui avec son époux Henri, leurs deux garçons et leur fille Caroline, mais aussi avec Rosette, la soeur de Séraphine et son époux, Louis, quittent leur banlieue parisienne pour un eldorado, une terre promise, en Algérie. D'autre part, un soldat dont on ignore tout sauf que, comme ses camarades, il n'est "pas un ange" comme le leur rappelle leur capitaine dont le comportement n'a rien à envier à ceux que plus tard, on nommera "Nazies"

À travers ces deux narrateurs qui ne se croisent jamais, l'auteur nous fait découvrir une période rarement évoquée, celle de la colonisation de l'Algérie au XIXe siècle, vers 1845.

Séraphine raconte le dur apprentissage de la vie de colons : trois mois dans un campement sous tentes militaires : pluie, boue, odeurs pestilentielles, "comme si chacun de nous, pauvres et naïfs apprentis colons à peine débarqués, était en train de pourrir et de se décomposer". Ensuite, la vie se poursuit sous un soleil de plomb dans des cabanes de bois entourées de palissades  où le choléra fait rage et décime la famille de Séraphine, enfin les attaques de rebelles et le massacre de Rosette et de son nouveau mari. "Sainte et sainte mère de Dieu" tel est le refrain qui rythme le récit de Séraphine, longue descente aux enfers aux paragraphes non ponctués et sans majuscules.

Le récit du soldat, lui, est rythmé par le lancinant refrain, " nous ne sommes pas des anges", réponse sollicitée par le capitaine pour justifier les pires exactions.

On songe à travers cette lecture à la terrible épopée des Raisins de la colère de J STEINBECK mais aussi à La Peste d'Albert Camus. Ici aussi tel le docteur Rieux, un médecin militaire tente tout ce qu'il peut pour sauver les colons
Lien : http://www.lirelire.net/2023..
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Attaquer la terre et le soleil
.
Deux voix, deux cris, se répondent dans ce superbe roman.
Celui de Seraphine, jeune mère de famille venue prendre possession de quelques hectares de poussière au coeur de l'Algérie fraîchement colonisée.
Celui d'un soldat anonyme embarqué dans une escalade de violence par la rage furieuse d'un capitaine que la barbarie pousse au bord de la folie.
Deux victimes impuissantes, deux destins brisés par des enjeux qui les dépassent, deux témoignages forts et puissants

Algérie, milieu du XIXème. « La France se donne pour mission divine de pacifier ces terres de barbarie, d'offrir aux cervelles incultes les ors d'une culture millénaire […] Et ceux qui refusent notre main tendue seront renversés, écrasés, hachés menus par le fer de nos sabres et de nos baïonnettes ». Et ô combien cette menace sera mise à exécution.
J'avoue mon ignorance sur cette page de l'histoire mais cette lecture m'a fait prendre conscience de sa place essentielle dans la compréhension de ce qui se passera 100 ans plus tard dans ce pays. Je ne connaissais pas cet épisode mais dès les premières lignes j'ai été plongée dans l'âpreté et la rudesse de la vie de ces colons. Ces pauvres hères qui rêvaient d'une vie meilleure et à qui rien ne sera épargné. Touchante et courageuse Seraphine qui invoque « la Sainte et sainte mère de Dieu » mais qui en retour ne récolte que deuils et souffrances. Dieu encore invoqué par ce soldat dans cette excuse sans cesse répétée, scandée comme une conjuration:« nous on n'est pas des anges ». Ce nous qui les englobe tous, qui les déshumanise, qui en fait des êtres désincarnés, insensibles, capables des pires exactions, des plus inhumaines barbaries.
Quant au style il est magistral. Presque pas de majuscule, peu ou pas de ponctuation, donnant au récit une rythmique ample et solennelle. Une succession ininterrompue de phrases livrées dans un souffle, avec urgence, délestées de superflu. Une prose élégante, comme un contrepoint aux horreurs et à la désolation qu'elle décrit. Un roman empli de gravité et de colère où l'union de ces deux voix résonne comme un chant funeste.
Un texte sombre et pourtant éblouissant.
Merci @le.tripode de nous offrir des textes aussi puissants.
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Prix du livre Inter mérité.
Une autre face de la colonisation en Algérie. Pas la plus belle...
Et loin également de la référence à Albert Camus, même si l'absurde n'est jamais loin, à côté de la violence, cette fois-ci c'est du côté des illusions perdues des colons que l'auteur nous place.
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