Danser, c’est attirer le vie. Un péril intime. Ce péril-là, c’est elle qui le choisit. On n’échappe pas à la seule forme de liberté qu’on s’est donnée à soi-même.
Elle a renoncé à connaître l’origine de la guerre en elle. Après tout, le champ ignore la main qui pose la mine.
Il faut bien que les mots d'amour se disent un jour. Même si personne ne vous prend dans les bras pour les entendre.
Seule, dans le jour qui vient, par des exercices répétés, elle tisse ses liens avec l’air. Une grammaire sensible, improbable, à réexpérimenter chaque matin.
Léa danse. Ses mouvements dans l’air trouvent leurs courbes exactes. Son corps est uni à l’espace. La beauté est là. Dans le souffle qui la relie à tout. Un moment de grâce. Impartageable."
Parfaitement immobile, les mains croisées sur la poitrine, on dirait une morte. Ses cheveux sont dénoués. Longs, noirs, parfaitement coiffés. Elle est vêtue comme pour une fête d’une robe d’organdi blanche parsemée d’étoiles. Ses yeux sont fermés. Elle ne dort pas. Romilda s’essaie à disparaître. Vraiment. Elle imagine son corps de plus en plus resserré, elle absorbe par la pensée bras et jambes. C’est un exercice difficile. Elle veut se réduire. Concentrée, il faut respirer le moins possible. C’est une tentative d’amenuisement. Une de plus. Quand on ne peut pas réduire le monde, on se réduit soi-même. Mais on ne disparaît pas si facilement.
Romilda parle.
Quelque chose s'est mis en marche. Les mots depuis le temps...
La voix est basse. Accordée au vent qui arrache les branches, soulève la terre du jardin autour de la maison, pourrait tout emporter.
Elle aime ces gestes simples. Ils la rassurent.
Tous, ils lui donnent en instantanés singuliers ce que chacun connaît d'universel.
Personne ne peut empêcher de vivre dans les lettres écrites. Personne. (p.124)
C'est toujours par son espérance qu'on connaît quelqu'un. (p.59)