Rarement une critique m'aura donné autant de mal ! Plusieurs fois, j'ai remis l'ouvrage sur la table.
Sans doute parce que j'ai été traversée par de nombreux sentiments à la lecture de
la carte postale. Dans un premier temps, une légère déception liée au style : l'écriture manque de souffle et ne rend pas tout à fait hommage à l'histoire. Puis, par les premiers chapitres qui portent sur la montée du nazisme dans les années 30, et l'enchaînement terrible, la guerre, la déportation, les camps, la mort.
L'horreur pour la famille Rabinovitch qui avait déjà beaucoup voyagé pour échapper à l'antisémitisme européen. Ephraïm, le père, avait tant fait d'efforts pour que sa famille devienne française et soit reconnue comme un exemple achevé d'intégration. le calvaire de Noémie et Jacques, ses enfants, arrêtés un soir de 14 juillet, ressemble aux nombreux récits sur cette période - connue aujourd'hui mais toujours redécouverte, qui laisse sidéré de tant de bestialité. Je me suis néanmoins dit que j'avais déjà beaucoup lu sur le sujet…
Et puis, l'enquête d'
Anne Berest progresse autour de l'identité de l'auteur de
la carte postale, dont le texte ne mentionne que les noms de ses arrière grands-parents et de leurs enfants. Avec sa mère Lélia, elle va remonter le temps et essayer de comprendre comment les événements qui ont marqué durablement sa famille se sont déroulés. Très réussis sont les passages où l'auteur et sa mère enquêtent dans le petit village, Les Forges, où Noémie et Jacques ont été embarqués. le lecteur est pris entre émotion et sourires des stratagèmes et bobards racontés, des pistes remontées, des photographies retrouvées par hasard.
Le livre s'ouvre aussi sur des questions qui m'ont vraiment passionnée. Par exemple, les passages sur la judaïté de l'auteur y sont particulièrement intéressants, comment se construit l'identité, l'appartenance à une culture, une religion. Myriam, Lélia, Anne et Clara, 4 générations de femmes qui vivent leur judaïté très différemment, selon les contextes et l'éducation – entre rejet d'une identité qui met en danger toujours et partout et réconciliation avec des rites qui témoignent d'une appartenance forte, qui fait communauté.
La réception de cette carte postale à l'auteur mystérieux permet donc à
Anne Berest de faire à la fois devoir de mémoire mais aussi d'interroger assez finement ce qui la relie à la religion dont elle a hérité par sa mère. La fin m'a paru un peu abrupte, comme si le trop plein de souvenirs et d'émotions devaient cesser à présent.
Avis donc très mitigé sur la forme mais plutôt positif sur la construction et la qualité de la réflexion menée par l'auteur.