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sur 4633 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La « Carte postale » dont il est question dans le titre est celle reçue le 6 janvier 2003 par la mère de l'autrice. Totalement anonyme et représentant l'Opéra Garnier, celle-ci mentionne uniquement l'adresse de la destinataire, ainsi que quatre prénoms écrits les uns en dessous des autres: Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ceux de ses grands-parents maternels, de sa tante et de son oncle, tous morts en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale.

En cherchant à découvrir la provenance de cette carte, Anne Berest reconstruit progressivement une histoire familiale passée sous silence, reconstituant d'une part l'histoire de ses aïeux, tout en s'interrogeant sur sa propre identité juive. Une quête de vérité qui invite tout d'abord à faire la connaissance des membres de la famille Rabinovitch, depuis leur fuite de la Russie jusqu'à leur installation à Paris, en passant par la Lettonie et la Palestine. Puis vient l'horreur de la Shoah, de l'organisation nauséabonde de la déportation par la France aux retours surréalistes des camps, en passant inévitablement par l'horreur sur place…

Si le mystère de l'origine de la carte, permettant à l'autrice d'insuffler un aspect polar à sa quête, ne m'a pas vraiment tenu en haleine, cette enquête bouleversante permet surtout de faire revivre quatre personnages effacés par les nazis, de leur donner une voix et d'inscrire à jamais leurs noms sur la couverture d'un livre…à défaut d'avoir eu droit à une sépulture…
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Une carte postale glissée au milieu des traditionnelles cartes de voeux arrive dans la boîte aux lettres de Lélia, mère d'Anne Berest, le lundi 6 janvier 2003. Représentant l'opéra Garnier dans les années 90, la carte anonyme comporte seulement l'adresse de la destinataire et quatre prénoms inscrits d'une écriture maladroite les uns en dessous des autres : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Ce sont les prénoms des grands-parents de Lélia, de sa tante et de son oncle. Tous étaient morts à Auschwitz en 1942 et ressurgissaient ainsi soixante et un an plus tard.
Après s'être interrogés sur l'origine de la carte, les parents d'Anne la rangent dans un tiroir.
Si ces gens étaient ses aïeux, l'auteure, 24 ans à cette date-là, ne connaissait rien d'eux. Occupée par une vie à vivre et d'autres histoires à écrire, elle efface de sa mémoire le souvenir de cette carte postale, tout en se promettant d'interroger plus tard sa mère sur l'histoire de leur famille.
Une quinzaine d'années plus tard, mère à son tour, une phrase de sa fille Clara « Parce qu'on n'aime pas trop les Juifs à l'école » va perturber Anne Berest et sera l'élément déclencheur de l'enquête minutieuse qu'elle va livrer pour retrouver l'auteur de cette carte postale.
C'est avec sa mère qui connaît parfaitement l'histoire de la famille, qui a fait des recherches pendant vingt-cinq ans, qui a donc déjà accumulé une immense documentation et avec l'aide des brouillons de lettres de sa grand-mère ainsi que le début de roman de la soeur de sa grand-mère, Noémie, que l'auteure va, d'une part retracer le destin de cette famille juive mi-russe, mi-polonaise, les Rabinovitch sur quasiment un siècle, depuis 1919 jusqu'à nos jours et d'autre part, en parallèle, écrire le récit de l'enquête.
C'est donc en 1919, pour échapper à la police bolchevique que les Rabinovitch, Ephraïm et Emma quittent en pleine nuit Moscou pour atteindre clandestinement la frontière avec leur nourrisson dans une carriole branlante et s'installer en Lettonie. le nourrisson n'est autre que la grand-mère d'Anne : Myriam qui, en 1923, aura une petite soeur Noémie.
Ils ne pourront rester à Riga, devenant par leur réussite persona non grata. Ils partent alors pour la Palestine où sont déjà établis les parents d'Ephraïm. Ce dernier est engagé à Haïfa dans une entreprise d'électricité mais comprend qu'il ne pourra jamais réaliser ses projets. Naîtra en 1925 Itzhaak surnommé Jacques.
Ils y resteront cependant cinq ans avant d'embarquer pour la France, « ce pays qui a toujours été bon avec eux » et d'emménager à Paris, convaincus que la France est leur salut. Les années passent et les filles font un parcours scolaire remarquable. Mais la guerre est là et des cinq membres de la famille, seule Myriam l'aînée survivra, échappant à la déportation. Elle s'était mariée au début de la guerre avec Vicente, fils du peintre Francis Picabia et Gabriële Buffet.
À noter qu'Anne Berest et sa soeur cadette Claire, ont écrit un livre biographique, Gabriële, sur leur arrière-grand-mère paternelle.
Anne Berest, avec des chapitres courts et un style simple presque journalistique parfois, réussit de façon très émouvante à nous replonger dans ce passé antisémite que l'on voudrait voir définitivement révolu. Que d'errances pour cette famille qui, pourtant n'a qu'un seul souci, s'intégrer là où elle arrive. Ephraïm demandera d'ailleurs sa naturalisation qui, après de longs mois finira par lui être refusée. Une phrase résume bien cette quête de simple bonheur « Mais Ephraïm, l'ingénieur, le progressiste, le cosmopolite, a oublié que celui qui vient d'ailleurs restera pour toujours celui qui vient d'ailleurs. La terrible erreur que commet Ephraïm, c'est de croire qu'il peut installer son bonheur quelque part ». Ce déplacement, cet exil et cette sensation de chercher sa place quelque part tout en se demandant si on va finir par la trouver revêt quasiment un caractère universel tant elle peut s'adresser à chacun de nous.
Mais ce qui à mon sens fait l'originalité de ce livre, somme toute pas vraiment un chef-d'oeuvre de littérature, est de l'avoir écrit sous forme de thriller tragique. Jusqu'à la dernière ligne, il est impossible de savoir qui a rédigé cette carte postale et on ne peut que louer son expéditeur pour l'avoir envoyée puisqu'il a permis à l'auteure de retracer avec maints détails le destin romanesque de ses ancêtres, ses recherches ayant été aussi l'occasion d'une quête initiatique sur la signification du mot « Juif » dans une vie laïque : Qu'est-ce qu'être juif ?
Ce récit familial sidérant, marqué par la Shoah et qui a obtenu le prix Renaudot des lycéens 2021, pose en outre la question de savoir si certains traumatismes graves subis ne seraient pas véhiculés ensuite dans les gènes des descendants et transmis chez les générations suivantes ?
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En janvier 2003, la mère d'Anne Berest, Lélia, reçoit une carte postale de l'opéra de Paris avec quatre prénoms, ceux de ses grands-parents, de son oncle et de sa tante. Ces gens sont tous morts en déportation à Auschwitz et l'expéditeur de la carte est inconnu. Anne Berest va se livrer à une enquête minutieuse pour essayer de le retrouver et elle va ainsi reconstituer toute l'histoire de sa famille dans ce dramatique XXe siècle, tout en se posant la question de l'identité juive. ● Nous connaissons tous ces événements historiques et pourtant y voir évoluer des personnages de roman ou comme ici des personnes réelles renouvelle à chaque fois leur caractère tragique. ● La minutie de la reconstitution ne nuit absolument pas au rythme du récit et au profond intérêt qu'il suscite. C'est passionnant. ● Les résonances entre le passé de cette famille et la vie actuelle sont bien mises en évidence par le double mouvement du récit : à la fois reconstitution du passé et récit au présent de cette reconstitution. Ainsi la petite phrase contre les juifs que la fille d'Anne Berest entend à l'école se trouve amplifiée par celles qu'on pouvait entendre dans les années trente, même si Anne souhaiterait en minimiser la portée. ● En outre, on voit à la fois le passé se reconstituer, les conséquences du passé sur le présent se manifester et les commentaires que les personnes de notre présent font sur le passé. ● C'est un livre très riche et je ne comprends pas que le conflit d'intérêt entre Camille Laurens et François Noudelman au Goncourt ait eu pour victime collatérale ce beau livre d'Anne Berest qui n'y est pour rien, en étant retiré de la sélection du prix Fémina.
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La carte postale a eu son heure de gloire, signifiant au destinataire que vous pensiez à lui pendant votre séjour à distance mais aussi lui soulignant la chance que vous avez de profiter d'un autre paysage. L'avènement de la communication dématérialisée et permanente l'a reléguée au rang de tradition désuète. Bords de mer et soleil couchant ne s'entassent plus dans nos boîtes aux lettres…
Celle dont il est question dans le livre d'Anne Berest est particulière : arrivée en 2003 dans la boîte aux lettres maternelle, elle est anonyme et énigmatique, quatre prénoms, quatre membres de la famille Rabinovitch, les aïeux d'Anne, qui ont pour point commun une fin de vie inhumaine dans les camps de la mort.

Anne est fascinée par cette énigme, que sa mère a beaucoup de difficultés à évoquer. Trop de souvenirs douloureux risquent de faire surface…

Tout la première partie est consacrée aux confidences entre mère et fille, ce qui revient à évoquer ce que Lélia sait de la vie tragique de ses grands parents et de sa mère. Avec des zones d'ombre, qui pourraient contenir la solution.
A l'occasion de ses recherches, Anne Berest pose ensuite la question : qu'est ce qu'être juif de nos jours en France ? Et dans une pirouette, se demande si ce n'est pas justement le fait se poser la question…
Le passé douloureux resurgit peu à peu, et ces révélations sont un mal nécessaire, la seule façon de libérer les vieux fantômes.

Tout ce qui fait référence à cet épisode innommable de la guerre n'apporte rien de nouveau, le sujet a été traité bien des fois dans la littérature. Il fait encore très mal, car l'auteur nous a présenté sa famille et rapporte donc des faits qui ne sont plus généraux mais centrés sur des personnages que l'on a pris en affection.
Les sinistres conditions de la déportation, exigée par l'ennemi vainqueur mais organisée par la France, l'horreur des retours à la libération, tout cela reste une plaie ouverte.

L'intérêt du lecteur est créé par le souhait de voir aboutir cette quête des origines et la question sur l'identité qui s'y rattache, et l'obstination de l'auteur devient celle du lecteur. Il faudra attendre les dernières lignes pour savoir qui se cache derrière l'envoi mystérieux.

L'histoire est captivante et l'art de conter n'y est pas pour rien. C'est un émouvant témoignage de ce qu'a vécu la famille de l'auteur, et un plaidoyer pour la nécessite de dire les choses, pour ne pas oublier et pour pouvoir s'en libérer.

Challenge pavés Babelio 2021
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Qu'est ce qui fonde l' identité juive quand on ne pratique pas la religion, qu'on ne connaît pas la portée symbolique des rites et des fêtes, qu'on a un prénom et un nom sans le moindre soupçon de judéité, qu'on ignore même pendant de longues années l'histoire tragique de sa propre famille et que les "survivants" autour de soi se taisent, esquivent, font même disparaître les faibles traces d'existences chères, perdues dans la nuit et le brouillard ?

Plus que l'enquête presque policière et longuement différée sur l'origine de la carte postale , plus que la reconstitution d'une histoire familiale déchirante et pleine de terribles béances. c'est cette question qui m'a fascinée et bouleversée parce qu'elle met en branle l'inconscient collectif dans la conscience individuelle, le déterminisme tragique des non-dits et des drames dans la trajectoire personnelle, le poids des noms, le poids des mots, le poids des morts dans la vie des vivants.

Anne Berest relève avec une acuité, une précision et une honnêteté totales les différentes occurrences et incidences qu'a eues le mot "juif " sur sa vie d'enfant assimilée, laïque, apparemment sans lien avec la condition juive.

Son deuxième prénom, Myriam, celui de sa grand mère survivante, joue sur sa vie comme un destin. Elle est celle qui échappe, celle qui survit, celle qui DOIT se souvenir quand bien même elle voudrait esquiver. Comme cette grand mère qui dans le chaos même de la vieillesse saura se souvenir.

L' enquête d'Anne (son en-quête) ne se déclenche pas à la suite du récit que lui fait sa mère de la tragique histoire familiale, mais des années plus tard, à la suite d'un propos antisémite relevé par sa petite fille de six ans.

Comme si la condition juive etait une sorte de fatum qui soudain vous convoque, vous somme de porter individuellement une part, votre part, du destin collectif.

Comme si elle était liée etroitement à la transmission, une sorte de passage de relais indispensable, douloureux, mais nécessaire.

À la fois une chaîne et une délivrance.

Voilà un livre écrit avec sobriété et neutralité. Sans effet de style, et tant mieux.

Ce n'est ni un roman, puisque tout y est vrai jusqu'à la fameuse carte postale, ni un suspense même si l'enquête est passionnante, ni une chronique même si elle nous fait croiser des noms célèbres (René Char, poète et grand résistant, Picabia, dadaiste, peintre et l'arrière grand père de l'auteure, Gabriële Buffet, épouse et muse de ce dernier, déjà évoquée dans un livre des soeurs Berest). Ce n'est pas non plus une histoire personnelle s'inscrivant dans la sombre histoire collective de ces années de collaboration, de délation, de complicité honteuses d'une partie de la France et des Français à l'un des plus grands crimes contre l'humanité qui ait existé.

La Carte Postale est une question profonde, lancinante, qui cherche et trouve sa réponse dans un patient et sobre travail d'investigation. Et qui par conséquent peut aussi bouleverser, toucher, même si ce n'est pas son but premier.

Un livre puissant et nécessaire.
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En janvier 2003, arrive une mystérieuse carte postale au domicile des parents d'Anne. Anne Berest car il semblerait que le récit soit une biographie de sa grand-mère, les parents, les frère et soeur de celle-ci.
En 2020, elle mène une enquête avec sa mère Lelia.
Celle-ci avait déjà recueilli de nombreux renseignements sur la famille de sa mère Myriam et de ses parents.
Ephraïm, son père, ingénieur s'installe avec son épouse Emma à Riga.
Ils ont trois enfants : Myriam qui survivra à la guerre par un heureux hasard de rencontres et de circonstances, Noémie et Jacques. Tous les quatre seront déportés et mourront à Auschwitz.
Après Riga, la famille s'installe en Pologne chez les parents d'Emma puis en Palestine chez les parents d'Ephraïm et enfin à Paris. Partout, ils seront pauvres ou rejetés et ce n'est pas par manque d'énergie. La seule solution est soufflée à Ephraïm par sa cousine son amoureuse de jeunesse, émigrer aux Etats-Unis mais à ce moment , au début de la guerre, le pays les refuse.
Le personnage qui m'a le mieux plu dans cette histoire est le père d'Ephraïm , Nachman, qui sur la fin de sa vie vient rendre visite à ses fils émigrés à Paris avant de retourner en Palestine près de son épouse. Ses paroles sont le bon sens même, respectueuses, d'une grande sagesse.
Tout au long du récit, nous vivons l'exode, l'espoir d'une vie meilleure, les vérités des Juifs qui se transmettent le statut de juif de mère en fille même si le père est un Français.
Petit bémol, il aura fallu 200 bonnes pages pour qu'Anne se lance avec sa mère Lénia dans l'enquête au sujet de l'origine de la carte postale. J'aurais voulu que cela arrive plus tôt même si cette partie du roman est passionnante et nous mènera plus loin vers Myriam, la grand-mère d'Anne qu'elle a bien connue.
Un roman très bien écrit avec des faits déjà bien connus pour moi dans la première partie. Tout cela compensé par les spécificités des personnages et leur vie bafouée.
Ce n'est pas du tout étonnant que le roman ait reçu le prix Renaudot des lycéens car le contenu peut répondre à de nombreuse questions que les jeunes se posent sur les Juifs. J'en suis témoin. Mon petit-fils qui a maintenant 18 ans me l'a quelques fois demandé. Mais qu'avaient-ils fait les Juifs pour être persécutés à ce point ?
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Polémique ? Goncourt ? Peu me chaut …
J'ai aimé la plume d'Anne Berest, qui, comme une amie, me raconte son histoire. Direct, simple, honnête, son récit, dépouillé, nu, va à l'essentiel.
L'autrice n'essaye pas de nous impressionner, de nous mener en bateau. Avec cette quête de ses origines, elle tente de retrouver ses racines, de mieux comprendre qui elle est, de toucher du doigt cette notion si floue de judéité, qui sonne comme un tabou dans sa famille.
Quelques maladresses sans doute, des clichés, certains personnages effleurés manquent de consistance et de profondeur, cependant j'ai été touchée par la quête sincère, la simplicité de la démarche.
Une fois le livre refermé, j'ai aimé m'interroger, et moi que découvrirais-je si j'allais fouiller dans le passé de mes ancêtres ? A qui irais-je parler ? Toute famille a ses secrets, ses non-dits, ses tabous …
Un livre qui résonne dans l'Histoire, les petites et les grandes, celle d'Anne Berest, mais aussi les nôtres, …
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Une carte postale de l'opéra Garnier, non signée, arrive au domicile de la famille de l'auteure en janvier 2003. Quatre prénoms sont écrits dessus : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Rien d'autre. Ce sont ceux des grands-parents et de l'oncle et la tante de la mère de l'auteure, tous morts en déportation en 1942.
Près de 20 ans plus tard, l'auteure va vouloir comprendre et se lance dans une enquête pour savoir qui a envoyé cette carte.
« J'avais atteint cet âge où une force vous pousse à regarder en arrière, parce que l'horizon de votre passé est désormais plus vaste et mystérieux que celui qui vous attend devant. »
Elle va ainsi retracer avec l'aide de sa mère l'histoire de leur famille et s'interroger sur ce que signifie pour elle être juif, aujourd'hui, elle qui n'a jamais pratiqué de rites religieux.

Ce livre est construit en plusieurs parties. J'ai trouvé passionnante celle consacrée à l'histoire de la famille Rabinovitch, de la Russie à Paris, en passant par Riga et par la Palestine. J'en ai aimé les différents personnages : du patriarche, lucide avant l'heure, qui s'installe très tôt en Palestine et conseille à toute sa famille de se mettre à l'abri, aux grands -parents, Ephraïm et Emma, qui eux choisissent de d'installer en France :
« Papa....ne dit-on pas "Heureux comme un Juif en France ?" Ce pays a toujours été bon avec nous. Dreyfus ! le pays entier s'est levé pour défendre un petit Juif inconnu ! »
Mais ils ne deviendront jamais français malgré leurs demandes répétées. le portrait d'Ephraïm m'a particulièrement touchée : cet homme qui refuse la religion, qui a participé au début de la révolution en Russie, ingénieur créatif, qui fondera sa propre entreprise et déposera des brevets ne comprendra jamais le piège qui se referme sur lui et sa famille. Il obéira à tout, se montrera docile, par confiance en ce pays dont il rêvait d'acquérir la nationalité. Jusqu'au dernier moment, il ne va jamais cesser de penser que les autorités sont là pour lui venir en aide. Son seul moment de révolte servira à sauver la vie de sa fille ainée, Myriam, dont la fille Lélia recevra cette carte postale étrange en 2003.
L'auteure termine cette évocation par les heures noires de la déportation et suit les destins de Noémie et Jacques, frère et soeur de Myriam, de leur arrestation, un soir de liesse, malgré la guerre : c'est le 13 juillet 1942, et les jeunes de leur génération s'apprêtent pour le bal et les émois de leur âge.
La fin de cette partie est particulièrement émouvante, et nous rappelle l'inhumanité du traitement de ces hommes, femmes et enfants, entassés dans des camps en France avant d'être déportés.
L'histoire de la famille est principalement basée sur les recherches effectuées et les documents rassemblés par la mère de l'auteure. Celle-ci dans la partie suivante, qui se déroule presque uniquement à l'époque actuelle reprend l'enquête toujours avec l'aide de sa mère et nous conte les difficultés rencontrées, suite à la disparition de documents officiels de la période de la guerre ou à la réticence des autorités à les communiquer. Elle se questionne seule ou avec sa mère sur son identité, la signification pour elle d'être juive alors qu'elle ne pratique pas. Elle n'est pas juive quand cela l'arrange, comme lui lance au visage une femme jalouse. Elle trouvera plus tard la réponse :
« Je ne sais pas ce que veut dire "être vraiment juif" ou "ne pas l'être vraiment". Je peux simplement t'apprendre que je suis une enfant de survivant. .... Quelqu'un qui fait les mêmes cauchemars que sa mère et cherche sa place parmi les vivants. Quelqu'un dont le corps est la tombe de ceux qui n'ont pu trouver leur sépulture. »
La dernière partie qui raconte la vie de Myriam, après un court intermède sur les prénoms et leur impact sur le comportement de ceux qui les portent, est celle qui m'a le moins touchée. Elle m'a paru plus détachée de la vie des survivants, sans doute plus romancée, puisque Myriam n'a jamais rien raconté de sa vie à sa fille. Les sources de l'auteure sont des extraits de livre dans lesquels le nom de sa grand-mère est mentionné et à partir desquels elle construit la vie de celle-ci. J'ai trouvé ce récit moins passionnant, se démarquant moins d'autres que j'ai pu lire sur cette période.

Un livre utile, non seulement par l'histoire de cette famille, mais aussi par les questions qu'il pose, et qui nous poussent à réfléchir sur notre perception de la différence et notre comportement vis-à-vis de celle-ci.
J'ai aussi beaucoup aimé les différentes visions des relations mère-fille, jamais simples, mais qui peuvent se révéler si riches, comme celle de l'auteure avec sa mère.
Merci infiniment aux éditions Grasset pour ce partage. #Lacartepostale #NetGalleyFrance
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Poursuivant mes bonnes résolutions de rattrapage de PAL, je me suis jeté sur La Carte postale d'Anne Berest, mis de côté à sa sortie pour une lecture sereine, hors du fracas des très nombreux échos de l'époque.

C'est un livre fort et marquant, à trois dimensions : celle de la saga familiale, épique et terrible ; celle de l'enquête sur cette mystérieuse carte postale aux quatre prénoms ; et enfin, celle des exterminations de la Shoah et du poids et de la responsabilité qu'elle a laissé aux survivants ou descendants. Trois dimensions malheureusement inégales.

La première m'a intéressé ; la deuxième beaucoup moins ; la troisième m'a profondément passionné.

Car depuis Esther en passant par Emma, Myriam et Lélia, c'est le poids de la transmission de 5 générations de Rabinovitch que reçoit Anne et qu'elle raconte. À la fois fardeau et richesse, mystères et découvertes, angoisses et espoirs, Anne décide de ne pas la fuir et de s'en emparer totalement, courageusement, se mettant ainsi au niveau de ses aïeules.

En décidant d'aller au bout de la découverte de cet héritage caché, Anne se confronte à elle-même, trouvant ci-et-là des explications à un passé, des comportements ou des réactions jusque-là inexpliqués. C'est intime, mais toujours pudique.

Et puis il y a en toile de fond, toutes ces réflexions sur sa religion, transmise par les femmes qui veillent sur les générations à venir. Et cet auto-procès qui revient avec obsession sur sa pratique distante : est-elle admissible face à un tel passé ?

S'appuyant sur les exemples d'Ephraïm ou de Vincente, dévoreurs de vie avant qu'elle ne les dévore, Anne Berest y répond de belle manière en convoquant son droit à la liberté, dans des passages particulièrement émouvants.
Ce livre fourmille de glaçantes mais bienvenues, détaillées et argumentées piqures de rappels sur ce que furent les heures sombres du génocide juif, et à ce titre il est rassurant de voir que c'est un prix lycéen qui le récompensa. Il dit bien la difficulté de certaines relations mère-fille, quand le passé empêche la totale complicité.

Et maintenant, j'aimerais lire le livre qu'écrira peut-être un jour, la fille d'Anne Berest
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Waouh ! Qette fin sublime. En refermant ce livre, étonnant et immédiatement, je pense à celles et ceux qui ont l'habitude de commencer un livre par sa fin, surtout, surtout, ne le faites pas. Laissez-vous surprendre par cette dernière phrase : elle fait son effet, je vous l'assure. Un énorme souffle coupé ! Pour le synopsis : La mère de Anne reçoit une carte postale venue du passé, mentionnant leurs aïeux. Anne décide alors de mener l'enquête : qui a bien pu l'envoyer ? Elle va découvrir l'histoire de sa famille, juive, et les camps, et la Résistance, et des coïncidences. A. Berest dans un interview décrit son roman comme un "roman vrai", parce que tout y vrai. Même l'effet qu'il produit au lecteur qui referme ce livre, et qui n'est pas prêt de l'oublier.
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