Qu’elle est longue la route du retour, la longue route ! Celle des armées battues, la route du soir, qui ne mène à rien, dans la poussière vaine !… Il faut aller, cependant, il faut marcher, tant que bat ce pauvre vieux cœur – pour rien, pour user la vie – parce qu’il n’y a pas de repos tant que dure le jour tant que l’astre cruel nous regarde, de son œil unique, au-dessus de l’horizon. Tant que bat le pauvre vieux cœur.
Vous n’êtes point né pour plaire, car vous savez ce que le monde hait le mieux d’une haine perspicace, savante : le sens et le goût de la force.
L’homme hait sa souffrance dans celle d’autrui.
La robuste maturité inspire aisément une confiance aveugle, et l'expérience la plus cynique est plus près qu'on ne pense, en amour, d'une naïveté presque candide.
Les prêtres faussent la conscience des enfants, c'est connu.
Fais de moi la matière inerte de ton oeuvre .
Rends-moi à mon néant. Fais de moi la matière inerte de ton oeuvre. Je ne veux pas de la gloire ! Je ne veux pas de la joie ! Je ne veux même plus de l'espérance ! Qu'ai-je à donner ? Que me reste-t-il ? Cette espérance seule. Retire-la-moi. Prends-là ! Si je le pouvais, sans te haïr, je t'abandonnerais mon salut, je me damnerais pour ces âmes que tu m'as confiées par dérision, moi, misérable ! Et il défiait l'abîme, il l'appelait d'un voeux solennel, avec un coeur pur…
Car le vice pousse au coeur une racine lente et profonde, mais la belle fleur pleine de venin n'a son grand éclat qu'un seul jour.
O vous, qui ne connûtes jamais du monde que des couleurs et des sons sans substance, cœurs sensibles, bouches lyriques où l’âpre vérité fondrait comme une praline –petits cœurs, petites bouches- ceci n’est point pour vous. Vos diableries sont à la mesure de vos nerfs fragiles, de vos précieuses cervelles, et le Satan de votre étrange rituaire n’est que votre propre image déformée, car le dévot de l’univers charnel est à soi-même Satan. Le monstre vous regarde en riant, mais il n’a pas mis sur vous sa serre. Il n’est pas dans vos livres radoteurs, et non plus dans vos blasphèmes ni vos ridicules malédictions. Il n’est pas dans vos regards avides, dans vos mains perfides, dans vos oreilles pleines de vent. C’est en vain que vous le cherchez dans la chair plus secrète que votre misérable désir traverse sans s’assouvir, et la bouche que vous mordez ne rend qu’un sang fade et pâli… Mais il est cependant… Il est dans l’oraison du Solitaire, dans son jeûne et sa pénitence, au creux de la plus profonde extase, et dans le silence du cœur…
Celui qui a trouvé la paix n’attend rien d’autre, et lui, il était dans l’attente d’on ne sait quoi de nouveau qui romprait le silence. Ce n’était pas la lassitude d’une âme surmenée, lorsqu’elle trouve le fond de la douleur humaine et s’y repose, car il désirait au-delà.