Cet atroce fait divers est un marronnier, avec son lot de rebondissements relançant régulièrement l'affaire dont le suicide du petit juge constitue un des derniers chapitres.
Marguerite Duras s'y était déjà aventurée en bafouant la présomption d'innocence.
Elle écrivit dans le journal “Libération” que
Christine Villemin avait tué son fils et, en même temps, que son acte était “sublime” !
J'étais curieux de lire ce que Besson pouvait produire comme valeur ajoutée dans ce périlleux exercice.
L'auteur prend le parti de
Christine Villemin - les noms ont tous été conservés - en nous montrant l'enfer vécu par une maman.
Il n'occulte pas les raisons qui lui valurent onze jours en prison alors qu'elle était enceinte et notamment les trois épreuves de dictée qui aboutirent à trois expertises graphologiques différentes, dont une la désignait comme le corbeau… l'assassin.
Nous n'apprenons rien sur l'affaire, on ne sait pas qui est l'auteur des lettres anonymes et on ne sait pas qui a tué l'enfant au terme du roman ! Mais ce n'était pas le but ; d'ailleurs, on peut se demander si on le saura un jour, vu que beaucoup de traces sont désormais inexploitables.
Philippe Besson nous ravit de sa plume en représentant l'atmosphère de ce village vosgien, où les ressentiments des clans ne feront une pause que pour l'enterrement : “Ils sont tous venus, ils ont tenus à être tous là, délaissant les calomnies, les jalousies, les outrages, les insinuations, la sourde hostilité, les oeillades torves, les moues dégoutées, comme si la mort d'un enfant pouvait tout effacer, en un coup de chiffon sur un tableau noir, en un tour de passe-passe.”
L'auteur sait peindre le tableau de l'affaire : ”une province rance, moisie, un automne désolé, un petit monde gangrené par les rivalités, un corbeau insolent, une famille détraquée, un père sanguin, une jeune mère éplorée, un crime aux allures de rituel, des investigations bâclées, des policiers rapidement dépassés, des suspects successifs, des aveux et des rétractations, des coups de théâtre et des baudruches qui se dégonflent, des renversements de situations ou d'alliances, un juge ballotté, des innocents au regard coupable, des accusés relâchés, des trahisons imprévues et des fidélités inexpugnables, et, à la fin, une énigme irrésolue.”