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EAN : 9782246678618
189 pages
Grasset (30/03/2006)
3.46/5   110 notes
Résumé :
Vingt ans après l'assassinat de Gregory Villemin, Philippe Besson revient, dans ce roman très personnel, sur cette affaire mythologique.

En alternance avec la narration des faits, le romancier imagine le récit de Christine Villemin. Il incarne ainsi, de manière bouleversante, une mère à jamais meurtrie.

Un soir d'octobre 1984, le cadavre du petit Gregory Villemin, quatre ans, est repêché dans les eaux glacées de la Vologne, dans les V... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
3,46

sur 110 notes
C'est en poursuivant ma découverte des écrits de Philippe Besson que je tombe sur cet ouvrage, une lecture qui colle à l'actualité puisqu'après 30 ans , l'affaire du petit Grégory rebondit aujourd'hui.

En effet, Besson écrit un roman sur cette affaire qui a ébranlé la France. Oui, je dis bien un roman car revendiqué comme tel.

Pourtant, il va raconter « l'histoire » telle qu'elle s'est déroulée. Seulement, un peu comme dans son ouvrage retraçant la vie de James Dean, VIVRE VITE, il fera parler Christine Villemin, lui prêtant des propos qu'elle n'a pas tenu, d'où le choix de l'appellation de roman.

Si on peut craindre que le livre soit racoleur, ce n'est pas le cas. Mais l'exercice reste périlleux, écrire une fiction basée sur des faits réels qui font partie de notre inconscient collectif. Sans changer les noms des protagonistes alors qu'on leur invente des propos et des situations.
A tel point que Philippe Besson se verra condamner par la justice à une amende pour atteinte à la vie privée et diffamation.

« Je sais, écrit Christine Villemin, vous allez vous défendre en disant que c'est un roman, mais, monsieur Besson, mon fils Grégory n'est pas un simple prénom couché sur une feuille blanche. C'est un enfant qui aujourd'hui irait sur ses 26 ans et nous nous devons de faire éclater toute la vérité sur son assassinat. »

Après avoir lu le livre, je trouve que Besson aurait dû rester dans la fiction en s'inspirant de l'affaire, sans en utiliser les vrais acteurs. le propos n'est pas dénué d'intérêt. Ce portrait d'une femme dans la tempête reste fort. Mais l'affaire fut trop retentissante, trop bouleversante pour la romancer.
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L'enfant d'octobre, c'est ce petit garçon prénommé Grégory, retrouvé mort dans les eaux glacées de la Vologne. C'est ce petit garçon de 4 ans, enjoué, rieur, tendre, précoce, aux jolis cheveux bouclés.
L'enfant d'octobre n'est plus. Une mauvaise rencontre aura eu raison de lui et par là-même de la vie de ses parents.
L'enfant d'octobre fera la une des magasines et des journaux des années durant. Un tapage médiatique sans précédent.
L'histoire du petit Grégory, c'est aussi l'histoire d'une mère éplorée, en proie à un chagrin incommensurable, qui de victime passera à meurtrière, qui subira les ragots et les regards lourds de sens.
C'est l'histoire d'un père rageur, à l'esprit de vengeance et qui abattra froidement son cousin, soupçonné alors d'être le meurtrier.
C'est l'histoire d'un corbeau qui sévira pendant quelques années, qui le jour même postera la lettre annonçant la mort du garçon.
C'est l'histoire d'une province grise, du travail à l'usine, de familles déchirées, de jalousies, de soupçons et de dénonciations.
C''est l'histoire d'un juge dépassé, d'indices mal exploités, de suspects trop vite trouvés, des médias omniprésents, d'erreurs grotesques, de coups de théâtre, d'années de procédure sans résultat.

Philippe Besson relate cette sordide histoire d'une façon si prenante, reprenant les faits avec tant de précision, que l'on ressort de cette lecture avec un goût amer en bouche. Comment peut-on en arriver là? Comment peut-on commettre de telles erreurs? Ce roman qui alterne les propos de l'auteur d'une manière neutre et ceux de la mère dénonce, décrit les faits sans porter de jugement. Au lecteur de se faire sa propre opinion. 30 ans après ce drame qui aura marqué les esprits, les questions restent toujours sans réponse. Un roman énigmatique particulièrement dramatique et émouvant...
Christine Villemin, profondément blessée par ce roman, portera plainte contre Philippe Besson et les éditions Grasset.

L'enfant d'octobre... de tous les octobres...
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Cet atroce fait divers est un marronnier, avec son lot de rebondissements relançant régulièrement l'affaire dont le suicide du petit juge constitue un des derniers chapitres.

Marguerite Duras s'y était déjà aventurée en bafouant la présomption d'innocence.
Elle écrivit dans le journal “Libération” que Christine Villemin avait tué son fils et, en même temps, que son acte était “sublime” !

J'étais curieux de lire ce que Besson pouvait produire comme valeur ajoutée dans ce périlleux exercice.

L'auteur prend le parti de Christine Villemin - les noms ont tous été conservés - en nous montrant l'enfer vécu par une maman.
Il n'occulte pas les raisons qui lui valurent onze jours en prison alors qu'elle était enceinte et notamment les trois épreuves de dictée qui aboutirent à trois expertises graphologiques différentes, dont une la désignait comme le corbeau… l'assassin.

Nous n'apprenons rien sur l'affaire, on ne sait pas qui est l'auteur des lettres anonymes et on ne sait pas qui a tué l'enfant au terme du roman ! Mais ce n'était pas le but ; d'ailleurs, on peut se demander si on le saura un jour, vu que beaucoup de traces sont désormais inexploitables.

Philippe Besson nous ravit de sa plume en représentant l'atmosphère de ce village vosgien, où les ressentiments des clans ne feront une pause que pour l'enterrement : “Ils sont tous venus, ils ont tenus à être tous là, délaissant les calomnies, les jalousies, les outrages, les insinuations, la sourde hostilité, les oeillades torves, les moues dégoutées, comme si la mort d'un enfant pouvait tout effacer, en un coup de chiffon sur un tableau noir, en un tour de passe-passe.”
L'auteur sait peindre le tableau de l'affaire : ”une province rance, moisie, un automne désolé, un petit monde gangrené par les rivalités, un corbeau insolent, une famille détraquée, un père sanguin, une jeune mère éplorée, un crime aux allures de rituel, des investigations bâclées, des policiers rapidement dépassés, des suspects successifs, des aveux et des rétractations, des coups de théâtre et des baudruches qui se dégonflent, des renversements de situations ou d'alliances, un juge ballotté, des innocents au regard coupable, des accusés relâchés, des trahisons imprévues et des fidélités inexpugnables, et, à la fin, une énigme irrésolue.”

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N°785 – Août 2014.

L'ENFANT D'OCTOBRE - Philippe Besson-Grasset.(2006)

Les gens de ma génération ne peuvent oublier « l'affaire Grégory », ce petit garçon de 4 ans retrouvé noyé dans la Vologne au soir du 16 octobre 1984, qui est toujours et sans doute pour toujours inexpliquée et ce crime impuni. La photo de garçonnet, rieur et les cheveux bouclés est dans toutes les mémoires. Cette affaire qui a tenu la France entière en haleine n'est pas officiellement terminée puisque relancée en 2013, mais les chances d'aboutir sont de plus en plus minces. Il y a eu ce meurtre atroce puisqu'il a été commis sur la personne d'un enfant sans défense mais il y eu aussi des indices mal exploités ou effacés, l'amateurisme dans l'enquête de gendarmerie puis des hésitations dans celle de la police, un juge trop jeune, sans expérience, complètement dépassé, un dysfonctionnement de la justice, des coupables trop vite trouvés puis relâchés ou exécuté pour l'un d'entre eux, des rebondissements nombreux, des jalousies familiales, de vieilles querelles, la vie difficile dans cette contrée des Vosges, une parentèle qui se déchire, un « corbeau » menaçant mais invisible, la pression médiatique et au bout du compte un constat d'échec, l'impossibilité de connaître la vérité ! de reconstitutions en annulations de procédure, de dénonciations en rétractations, de trahisons en lynchage médiatique, d'incarcérations en libérations, d'expertises accusatoires en en conclusions contradictoires, de maladresses des enquêteurs en pièces à conviction, de « crime parfait » en absence de mobile, d'intime conviction du juge en absence de preuves, d'obligation de résultats en oubli des principes élémentaires du droit, de nominations successives de magistrats instructeurs en jugement de non-lieu, cette affaire va de plus en plus à vau-l'eau entre cadavres et enfants à naître.Tout et le contraire de tout !

C'est un roman et l'auteur imagine comment Jean-Marie et Christine se sont rencontrés, ont bâti leur vie. Il écrit sa fiction en y mêlant la réalité des informations qu'il détient. Il donne la parole à Christine, comme si elle était invitée à se confier à la feuille blanche, des pages imaginaires en quelque sorte. A travers son témoignage, le lecteur sent l'évolution de cette affaire où elle passe de la situation de mère éplorée ayant perdu son enfant unique à celle de coupable d'infanticide contre qui les experts et la presse vont se déchaîner pour enfin recouvrer la liberté. Elle doit maintenant faire face à l'opinion publique qui voit en elle une criminelle très présentable, d'autant que son mari vient de désigner et d'exécuter celui qui, à ses yeux, est le vrai coupable, et chacun de se faire sa propre opinion, subjective évidemment !

Je n'ai malheureusement pas retrouvé le style agréable que j'avais apprécié dans les précédents romans de Besson. Ce livre est écrit avec une certaine froideur, comme une chronique judiciaire, à cause sans doute du sujet choisi. Il apporte un éclairage personnel sur l'enquête ce qui, immanquablement, amène le lecteur à se faire sa propre opinion. Pourquoi Philippe Besson, qui est un bon romancier, s'est-il dédié à une affaire criminelle en s'en faisant le chroniqueur ? J'ai personnellement du mal à voir ici un roman ordinaire et j'ai ressenti un véritable malaise à sa lecture. D'ailleurs une plainte a été déposée par les époux Villemin et l'auteur et l'éditeur ont été condamnés pour diffamation à 40 000 € d'amende. Il a peut-être voulu mettre en lumière les travers de l'espèce humaine, mais pourquoi l'avoir fait dans ce cadre là et surtout de cette manière ?

Cette affaire est de celles qui ont bouleversé la France entière, de la même veine que d'affaire Dreyfus, toutes proportions gardées, ou que celle de Bruay en Artois. Ces deux crimes de sang, deux véritables tragédies modernes, resteront probablement à jamais non élucidés. Demeureront le chagrin des Villemin d'avoir perdu leur fils et le calvaire qu'ils ont dû subir, comme si la perte d'un enfant ne suffisait pas, un enfant assassiné mais sans assassin, une absence et une tombe pour le reste de leur vie.

Je n'ai pas aimé ce livre abusivement appelé « roman ».

©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Poursuivant ma découverte de Philippe Besson, j'ai pris ce titre au hasard dans les rayons de la médiathèque. Classé bizarrement dans les romans, je m'aperçois que "L'enfant d'Octobre" relate en fait le drame de" l'affaire Grégory".

Octobre 1984, je me souviens encore du joli minois de ce petit garçon sur la une du journal lu par un usager du métro parisien que j'empruntais à cette époque. Bien sûr, j'ai suivi les nombreux rebondissements de l'enquête et surtout les multiples erreurs qui ont empêché sa résolution et qui ont fait que, presque 30 ans plus tard, le ou les vrais meurtriers n'ont toujours pas été identifiés. le livre de Philippe Besson n'apporte pas vraiment quelque chose de plus que tout ce qui a été publié auparavant mais il a le mérite de rappeler de façon clair la chronologie des évènements. le style "Besson" est là pour nous plonger à l'intérieur de cette famille gangrénée par la jalousie des uns et des autres, pour nous décrire les errements du juge Lambert sous la pression médiatique. Par contre, je reste sceptique face aux chapitres où l'auteur s'autorise à donner la parole à Christine Villemin, imaginant ses confessions comme dans un journal intime. Je ne trouve pas cela très adroit : qui peut parler de la douleur d'une mère face à l'assassinat de son enfant ? Je comprends tout à fait la réaction des parents lors de la parution du livre.

Un acte monstrueux commis au nom de rivalités intestines, un petit innocent sacrifié sur l'autel de la vengeance, un ou des coupables qui sont parvenus à vivre en paix avec leur conscience pendant si longtemps, tout dans cette affaire n'est qu'incarnation de l'horreur la plus abjecte. Un lecture aussi émouvante que dérangeante, à laquelle j'accorde un 14/20.


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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Une mère qui perd son enfant c'est la cruauté inégalable. Une calamité sans équivalent. Une mère cassée en deux devant le cercueil de son fils, c'est un spectacle intolérable. Cette mère-là, elle a pour elle la compassion de l'humanité entière, la solidarité du monde, elle porte avec elle le chagrin universel. En ce 20 octobre, Christine Villemin est la femme la plus plainte de France, nul ne suscite davantage d'apitoiement, elle est écrasée par une sympathie sans retenue. On la regarde, et on est soi-même emporté par l'émotion, submergé par la tristesse. On voudrait partager son deuil mais c'est illusion : là où elle se trouve, elle est hors d'atteinte. On voudrait soulager sa peine mais c'est impossible : elle ne se délestera pas de sitôt de sa douleur. La catastrophe qu'elle a à connaître, chacun redoute de la subir un jour. On ne voudrait pas être à sa place, alors on la soutient dans les larmes, comme pour se faire pardonner d'avoir été épargné. Christine Villemin, en ce 20 octobre, est une martyre inattaquable. Ça ne durera pas.
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Cependant, dans le cas de Grégory Villemin, la médiatisation atteint des proportions hors norme. C'est que tous les ingrédients d'une tragédie sont réunis : une province rance, moisie, un automne désolé, un petit monde gangrené par les rivalités, un corbeau insolent, une famille détraquée, un père sanguin, une jeune mère éplorée, un crime aux allures de rituel, des investigations bâclées, des policiers rapidement dépassés, des suspects successifs, des aveux et des rétractations, des coups de théâtre et des baudruches qui se dégonflent, des renversements de situations ou d'alliances, un juge ballotté, des innocents au regard coupable, des accusés relâchés, des trahisons imprévues et des fidélités inexpugnables, et, à la fin, une énigme irrésolue.
La presse, s'engouffrant dans les carences de l'enquête et l'épaisseur du mystère, tour à tour fabrique ou suit l'opinion : les Français se passionnent, réclament un coupable, une sentence exemplaire mais, sans le reconnaître, ne sont pas mécontents que le suspense dure.
Les journalistes et les photographes n'y vont pas de main morte. Ils se déplacent en meute, scrutent les visages, épient les faits et gestes, montent en épingle la moindre information sans prendre le temps de la démentir par la suite lors- qu'elle se révèle inexacte, jettent sur la place publique ce qui relève du secret de l'instruction, déballent les anciennes histoires, violent les intimités, recueillent les confessions pour les étaler à la une, échafaudent les hypothèses les plus farfelues, ne se privent pas de désigner des coupables dès que les investigations traînent, changent de camp lorsque le vent tourne, n'hésitent pas à maltraiter la vérité puisqu'il semble qu'on ne l'a connaîtra jamais.
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Je ne sentais plus mes jambes, je me suis mise à pleurer, c'étaient des larmes énormes, vous ne pouvez pas savoir, une digue qui cède, je voyais les gendarmes derrière les larmes, penauds, ils étaient flous. Combien de temps j'ai pleuré, je ne sais pas le dire, combien de temps ça a duré, cette débâcle, cette désolation, je ne sais pas. J'ai crié aussi, comme le font certains animaux, les nerfs ont lâché, il a fallu appeler le docteur, il m'a donné des tranquillisants, ça m'a assommée mais le désespoir n'est pas parti. Si le malheur ressemble à quelque chose, c'est à cet écrasement, et aussi cette perte de contrôle, l'impression de valdinguer, et de pouvoir rien faire pour que ça s'arrête. Je dénie aux gens qui ne sont pas capables d'approcher ce malheur-là le droit de me juger.
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Les Villemin n'échappent pas à la fatalité de la région, où on arrange des fiançailles, où on organise des alliances, où on se marie entre soi, où on se reproduit sans compter. Toute cette promiscuité provoque parfois des accouplements incestueux, invente des cousinages, et on finit par se perdre dans les dédales, les méandres.
Christine, ça ne la choque pas particulièrement, l'étrangeté des liens, la bizarrerie des autochtones. Elle a grandi dans le coin, elle ne connaît pas autre chose, elle n'a même pas eu besoin de s'habituer. C'est là, depuis le début, depuis avant qu'elle vienne au monde. Ça sera là encore après elle, à coup sûr. Dans le pays, les seuls à qui on ne se mélange pas, c'est les étrangers. On ne les aime pas beaucoup, les étrangers.
On ne s'aime pas beaucoup entre soi non plus, il faut bien en convenir. Les calomnies, les insinuations, les secrets d'alcôves, les antipathies qui macèrent, c'est monnaie courante. Il n'est pas rare de se disputer, de se brouiller, pour un rien, de se jalouser. Mais enfin, au moins, on est entre soi. On lave son linge sale en famille.
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[Incipit.]

Un matin d'octobre 1984, à la une des journaux, on découvre le visage d'un enfant, quatre ans peut-être, une espièglerie dans le regard, des boucles brunes, une bouille ronde et souriante. Immanquable, le sourire. Les titres au-dessus de la photo sont sans équivoque : «Un crime abject», «L'horreur, «Le drame», des mots comme ceux-là, des mots lourds de sens, l'annonce d'un malheur. Et c'est saisissant, ce contraste, l'écart insupportable entre la jovialité de l'enfant et la dureté des mots.

Oui, un matin d'octobre 1984, la France se réveille avec la mort d'un enfant, avec un cadavre retrouvé ligoté le long des eaux glacées d'une rivière des Vosges. Le meurtrier a visiblement agi avec calme et sang-froid, sans brutalité superflue. Tout de suite, le prénom de l'enfant s'inscrit dans la mémoire collective : Grégory.
Il y subsiste.

Pendant longtemps, plus aucune mère n'ose appeler son fils Grégory. Il y a cela, d'un coup, et pour des années, la désaffection pour ce prénom, parce que la peur l'emporte, parce qu'il est nécessaire de conjurer le mauvais sort, parce que c'est trop lourd à porter, une telle identité. Elles doivent penser, les mères, que leurs fils seraient menacés, maudits. Elles trouvent d'autres prénoms.

Le visage aussi les hante. C'est celui d'un garçonnet ordinaire, du leur peut-être. Comme si tous les enfants, dans l'âge le plus jeune, avaient le même visage. Cette beauté fragile, cette insouciance terrible.

Elles apprennent qu'il existe une rivière, la Vologne, envahie de feuilles pourries par l'automne, cernée par des bois sombres et des brumes rasantes, au pied d'une montagne hostile. Qu'on y a jeté un enfant. Qu'on peut donc jeter des enfants dans les rivières.

Ça commence en lisière de cette interminable forêt sépulcrale, qui peut être belle quand vient l'arrière-saison, quand le jaune paille et le pourpre se mélangent, quand la nature décide de ressembler à une toile de Monet, quand la rivière a l'allure d'un torrent. Et qui peut paraître si menaçante, si inquiétante dès que le jour tombe et que des ombres transportent le corps inanimé d'un angelot.

En réalité, ça commence bien avant ce jour d'octobre 1984, bien avant le cadavre de l'enfant au fil de l'eau. Quand au juste ?
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