Une bonne raison de se tuerPhilippe Besson
Julliard
Le titre du roman emprunte une phrase au journal de l'auteur italien
Cesare Pavese, «
une bonne raison de se tuer ne manque à personne ».
Le livre se construit autour de deux personnages, Laura et Samuel. Les chapitres leurs sont alternativement con- sacrés, sauf le dernier qui les réunit avant que le destin les sépare à nouveau.
Laura, la quarantaine, divorcée, mère de deux enfants, se lève avec l'idée de se donner la mort dans la soirée. Elle n'a plus rien à perdre. Elle s'est faite virer de chez elle, travaille désormais à temps partiel dans un restaurant, vit dans une certaine précarité, sans espoir de bonheur. Elle est usée par la vie. Elle met cependant une énergie désespérée à vivre cette dernière journée sans trop changer ses habitudes : elle se rend au travail, téléphone à ses fils. Avant de quitter définitivement son appartement, elle essaie d'écrire une lettre justifiant sa décision, mais elle ne parvient à griffonner que quelques mots : « Je n'ai pas eu le choix, pardon. »
Samuel doit enterrer dans la journée son fils Paul de dix-sept ans qui s'est suicidé au lycée, il y a cinq jours. Il assiste à sa crémation aux côtés de son ex-femme Claire. A la sortie du funérarium, un ami de son fils lui confie que Paul est passé à l'acte sur un coup de folie, après avoir essuyé le refus d'une fille dont il était éperdument amoureux.
Les deux personnages sont deux âmes errantes qui traversent un Los Angeles en proie à l'euphorie de l'élection du quarante-quatrième président des Etats-Unis ; l'intrigue du roman se déroule le 4 novembre 2008. Ils sont hors de la marche du monde, trop abimés par leur désespoir pour s'intéresser au duel qui oppose
Obama à McCain.
Laura et Samuel réagissent chacun à leur façon. Elle souffre de l'absence de sens que revêt sa vie - son mari puis ses enfants l'ont laissée tomber -tandis qu'il ne parvient pas à accepter la disparition de son fils, il est au bord du précipice. Les deux personnages vacillent souvent, perdent l'équilibre, manquent de tomber, comme s'ils n'arrivaient plus à marcher droit dans ce monde en mouvement qui a perdu tout sens à leurs yeux.
Dans son nouveau roman,
Philippe Besson poursuit son travail d'exploration des thèmes qui lui sont chers et que l'on retrouve dans ses précédents livres, l'absence, la disparition d'un être cher, le silence, la solitude.
La fin du roman surprend lorsque l'on connait l'univers quelque peu policé de l'auteur. La rédemption n'est pas possible. On décèle même un flirt philosophique avec la pensée nihiliste, ce qui n'est pas pour nous déplaire...
Une bonne raison de se tuer est certainement un des livres les plus noirs de l'auteur avec
Son frère (2001), en cela il ne trahit pas l'influence de Pavese que l'on retrouve dans le titre.
A la fin du roman, les deux personnages se croisent furtivement, reconnaissent leur douleur, - la compassion des éclopés de la vie - mais le destin les sépare aussitôt.
C'est un roman sur le désespoir et la mélancolie mais pas la nostalgie. Besson écrit avec pudeur la douleur de ses personnages, sans porter de jugement. Il suit simplement ces deux destins esquintés à la façon d'un caméraman, témoin de leurs mouvements et de leurs états d'âme.
L'écriture fluide, travaillée, épurée, sobre, facile d'accès rompt avec le dramatisme du propos. le rythme est peut-être plus rapide que dans ses romans précédents, la ponctuation - les virgules essentiellement - saccade les phrases comme si Laura et Samuel n'arrivaient pas reprendre leur souffle au cours de cette sordide journée.
Après un roman décevant publié l'année dernière,
Retour parmi les hommes, le cru 2011 est nettement plus intéressant...
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