Je ne saisis pas très bien pourquoi la couverture du Livre de Job est celle de l'édition de la Bible complète dans sa version de Port-Royal publiée par Robert Laffont.
Le livre biblique de Job (dont le nom hébreu, Iyov, dérive de la racine signifiant "ennemi") est le plus beau, le plus difficile, le plus poétique de tous les livres de la Bible hébraïque. C'est dans son texte que l'on trouve le plus de mots jamais attestés ailleurs (hapax) et c'est là que la plus splendide imagerie poétique se déploie. Cette imagerie n'est pas un simple ornement, elle participe de la réflexion, car il s'agit de méditer sur la place de l'homme dans l'ordre universel voulu par Dieu : la raison seule n'y suffit pas, il faut la poésie du coeur, du langage et des yeux. Cette place est donc mystérieuse, puisque Job, l'homme juste (mais pas l'homme bon), qui est "en règle" avec la Loi divine, ne comprend pas pourquoi il souffre et traverse des malheurs terribles au lieu d'être récompensé de sa justice. Cette question avait été déjà traitée à Babylone, dans le fameux poème du Juste Souffrant, mais l'assyriologue
Jean Bottéro n'hésite pas à proclamer la supériorité évidente du texte hébreu sur les anciennes versions akkadiennes.
Le christianisme, avec sa notion de souffrances vicaires (le juste souffre à la place, et en faveur, des méchants) propose une solution au problème de Job. Les amis de Job, qui l'accompagnent dans sa souffrance, tentent de le persuader qu'il a quelque faute cachée que Dieu lui fait payer. Mais à la fin, Dieu innocente Job et rouvre la question du Juste souffrant sans y répondre. L'abondante littérature consacrée au livre et au problème du mal pourra intéresser le lecteur, mais on n'oubliera pas que le livre, dans sa puissance, laisse la question ouverte et nous place devant le scandale de la souffrance de l'innocent sans proposer de réponse. A chacun de nous de prendre position dans le mystère et face à lui.