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EAN : 9782897190910
206 pages
Editions Ecosociété (14/01/2014)
4.1/5   5 notes
Résumé :
Projet politique élaboré par le philosophe Murray Bookchin (1921-2006) pour donner une armature institutionnelle à son programme d’écologie sociale, le municipalisme libertaire
propose une solution de rechange radicale à nos démocraties représentatives en déliquescence: une démocratie participative, directe, exercée au niveau local grâce à une profonde décentralisation du pouvoir. En quinze courts chapitres, Janet Biehl présente avec clarté cet ambitieux proj... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Belle synthèse de la pensée politique de Bookchin
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Parmi les gens de tendance libertaire, nombreux sont ceux qui rejettent la règle de la majorité comme principe décisionnel, parce qu’alors l’opinion de la majorité devient la politique établie de la communauté tout entière et acquiert en quelque sorte force de loi. Dans la mesure où c’est toute la communauté qui doit se conformer à la décision, quelles que soient les préférences individuelles, la règle de la majorité, soutiennent-ils, est coercitive et donc contraire à la liberté individuelle. Selon ce point de vue, comme l’a dit l’historien Peter Marshall, « la majorité n’a pas plus le droit d’imposer sa loi à la minorité, même une minorité d’une seule personne, que la minorité n’a le droit d’imposer la sienne à la majorité ».
Le mode de prise de décision le plus souvent proposé comme solution de remplacement est le consensus, lequel, contrairement à la règle de la majorité, préserverait l’autonomie personnelle. Dans un processus consensuel, aucune décision n’est finale avant que chaque membre de la communauté ne soit d’accord. Un seul dissident peut empêcher sa mise en vigueur. Le veto individuel est bénéfique, croient ces libertaires.
La prise de décision par consensus a ses avantages et peut fort bien convenir à de petits groupes de gens très proches les uns des autres. Mais quand de grands groupes hétérogènes tentent de prendre des décisions par consensus, de sérieux problèmes se présentent fréquemment. En donnant la priorité à la volonté de l’individu, la procédure permet à de petites minorités, même à une seule personne, de contrecarrer des décisions que la majorité de la communauté favorise. Il y aura toujours des dissidents, car il est impossible que tous les membres de la communauté soient d’accord avec chaque décision ; en fait, il n’est pas souhaitable qu’ils le soient. Le conflit fait partie de la politique, c’est une condition de son existence même, et les dissidents (heureusement) sont présents partout. Quelques individus trouveront toujours qu’une décision particulière n’est pas favorable à leurs propres intérêts ou au bien public.
Les communautés qui se gouvernent par consensus y parviennent souvent en manipulant les dissidents pour qu’ils se rallient à la position majoritaire, ou même en les y forçant en secret par des pressions psychologiques ou de discrètes menaces. Ce genre de coercition peut ne pas être publique ; elle pourrait, et c’est souvent le cas, se produire à l’abri des regards de l’assemblée. Cela n’en est pas moins opprimant, et d’autant plus pernicieux.
Quand la question est soumise au vote, les personnes contraintes et manipulées ont tendance à permettre que les procès-verbaux enregistrent leur position comme étant favorable à la mesure, peut-être pour éviter d’offenser la majorité, malgré leur forte opposition. Ainsi, la dissidence, pourtant réelle, n’est plus reconnue comme un effort honorable bien que manqué. Elle est effacée aussi efficacement que si elle n’avait jamais existé, au grand détriment du développement politique du groupe.
Autre scénario : si les dissidents ne peuvent être amenés à changer leur vote, on peut réussir à les convaincre de ne pas voter du tout. Ils « choisissent » de se retirer du processus de prise de décision sur cette question ; ils « s’abstiennent ». Mais ce choix a pour résultat d’annuler le dissident comme être politique. C’est résoudre le problème en retirant le dissident de la sphère politique et en éliminant son point de vue du forum des idées.
En insistant sur l’unanimité, le consensus a pour effet soit d’intensifier le conflit au point de faire éclater la communauté, soit de réduire au silence la dissidence. Plutôt que de respecter les minorités, il les rend muettes. Une façon saine et infiniment plus honorable et morale de gérer la dissidence, c’est de permettre aux dissidents de voter ouvertement, très visiblement, selon leurs idées, en conservant la possibilité de modifier la décision dans l’avenir et de pouvoir faire progresser le développement politique de la communauté.
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La discussion en assemblées politiques, même sans effet immédiat sur les réglementations en vigueur, est une formidable paideia, cette éducation pratique dont Aristote faisait le fondement du régime des citoyens, cet apprentissage de la parole argumentée, de la délibération sur les avantages et les inconvénients des diverses options, de la responsabilité qui accompagne la liberté. Certes, il n’y a rien de plus démotivant que de délibérer à vide, à propos de questions sur lesquelles nous n’avons aucune prise. les consultations de citoyens convoquées par les autorités l’illustrent bien : dès que l’on a compris qu’elles ne servent que d’écran pour des décisions prises ailleurs, tout le monde s’en désintéresse.
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(26%) Les membres radicaux des sections qui occupèrent ce champ politique sont ceux-là même qui avaient envahi les Tuileries en août 1792 et déposé le roi, ce qui allait conduire à son exécution. Ce sont eux qui parvinrent presque à déclencher une insurrection radicale contre la Convention en 1793. (Si cette insurrection avait réussi, elle aurait pu donner tous les pouvoirs à une confédération nationale des sections.) C’est pendant cette dernière période d’effervescence que le démocrate radical Jean Varlet, de la section des Droits de l’homme, tenta d’organiser les délégués de chaque section en un gouvernement parallèle pour former la « Commune des communes », une confédération des villes et des villages de toute la France, pour renverser la Convention nationale. Les membres radicaux des sections furent réellement l’avant-garde du mouvement révolutionnaire en France. C’est certainement pour cette raison que leurs chefs furent parmi les premiers emprisonnés quand les Jacobins prirent le pouvoir en juin 1793.
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Dans une communauté où les décisions reposent sur la règle de la majorité, la minorité doit effectivement se conformer à la décision majoritaire pour éviter que la vie sociale ne se désintègre dans une cacophonie d’individus hargneux. Mais la minorité garde la liberté primordiale d’essayer de faire changer la décision. Elle est libre d’exprimer ouvertement, avec persistance et de façon ordonnée, ses désaccords raisonnés auprès des autres membres de la communauté, pour essayer de les persuader de revenir sur leur décision. Par la dissidence, même passionnée, la minorité maintient la question en vie, pose les bases qui permettraient de modifier une mauvaise décision et de devenir à son tour la majorité, en faisant du même coup progresser la conscience politique de la communauté.

Les dissidents existeront toujours, et il faut qu’ils existent dans une société libre, sinon celle-ci sombrera dans la stagnation. La question qui se pose ici est de savoir s’ils auront la liberté d’exprimer leur dissidence. La prise de décision démocratique à la majorité leur assure cette liberté. Leur dissidence doit être dûment consignée et publiquement reconnue.
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