Après avoir entretenu un échange littéraire avec
Amy Harris, Sara Lindqvist décide de quitter sa Suède natale pour aller rendre visite à celle qui est devenue une amie. Elle attend patiemment pendant des heures qu'on vienne la chercher, comme promis. Puis, elle finit par accepter une proposition de la déposer à Brokenwheel. A son arrivée, elle comprend pourquoi Amy n'a pas tenu son engagement : on est en train de célébrer ses funérailles. Mais Sara n'est pas seule. Elle sera prise en charge par la ville entière.
A la première page, on a l'impression d'avoir entre les mains un roman épistolaire. «
La bibliothèque des coeurs cabossés » démarre avec la correspondance de deux femmes totalement différentes. L'Atlantique les sépare, l'âge aussi. Sara est Suédoise, elle a vingt-huit ans, elle vit à Haninge. Elle travaillait dans une librairie jusqu'à sa fermeture. Amy a soixante-cinq ans et vit à Brokenwheel, en Iowa. Elles ont pourtant une passion en commun, celle des livres. Au fil des lettres qu'elles ont échangées d'avril 2009 à août 2011, Amy présente à Sara les habitants de sa petite ville, dont elle lui fait percevoir l'ambiance à distance. Elle dévoile aussi quelques aspects de sa vie, si bien qu'elle donne à Sara l'envie de découvrir cet endroit, à première vue tout à fait banal. Défile devant nous une galerie de portraits hauts en couleur.
Grâce, qui s'appelle en réalité Madeleine, « mais gare à vous si vous [l'] appelez comme ça, (…) pesait au moins cent cinquante kilos ». Elle tient le snack « Amazing grace », fume comme une cheminée et cache un fusil chargé sous le comptoir. « Pauvre George » « était sec et filiforme ; il avait l'attitude de ceux qui semblent s'excuser d'exister ». Caroline Rhode « possédait cette aura propre aux gens qui n'ont jamais été jeunes ». Autoritaire, elle semble tout régenter. Mais elle se soucie terriblement du qu'en-dira-t-on et s'occupe de l'église et ses oeuvres. William, le pasteur, porte une « veste orange bon marché [qui] semblait avoir été achetée au rabais dans une boutique discount des années 80 » et adore le jardinage. « Mme Jennifer - « Appelez-moi Jen » - Hobson était une femme au foyer américaine digne d'être vice-présidente. le brushing de ses cheveux bruns était si parfait qu'il semblait tenir de lui-même. » Elle est la rédactrice en chef de la « Gazette de Brokenwheel » et s'y entend pour transformer en événement quasi-planétaire le moindre petit fait-divers. « Andy tenait « The square », le seul bar de la ville, avec son bien trop proche ami Carl ». Tom est le neveu d'Amy. « Il avait de jolies pattes d'oie, mais il ne souriait pas. Ses yeux avaient la même couleur vert-de-gris profond que la mer en novembre et ils dégageaient plus ou moins la même chaleur ».
On dirait qu'Amy avait écrit une histoire dans laquelle Sara et Brokenwheel tiendraient les premiers rôles, car il est clair que Sara avait besoin de Brokenwheel et Brokenwheel de Sara. La jeune femme va apporter vie et gaieté dans cette triste bourgade en ouvrant une librairie aux murs couleur de soleil. Elle y relève des défis comme faire aimer la « chick lit » à
Annie May et les ouvrages de « sexe, violence et armes » à Gertrude, les deux commères qui médisent sur tout et tout le monde, ou rassembler une foule venue voir la femme capable de lire cinq heures d'affilée sans lever la tête.
C'est donc la littérature qui occupe la première place. Elle console de tout, donne des idées, des leçons de sagesse et, bien souvent, elle l'emporte haut la main sur la banalité de la vie. Aussi,
Katarina Bivald titre-t-elle plusieurs chapitres « Caroline 0 – littérature 3 » ou « littérature 4 – vie 1 ».
J'ai adoré y trouver des conseils de lecture et constater que j'avais déjà lu la plupart des titres mentionnés ou qu'ils m'attendaient bien sagement dans une de mes PAL.
Donc, j'ai adoré ce livre à tel point que j'ai ralenti en arrivant aux dernières pages, histoire de rester un peu plus longtemps en compagnie des personnages auxquels je m'étais attachée. C'est un roman qu'on referme le sourire aux lèvres, très bon pour mon moral, surtout après quatre ou cinq lectures « pensum » qui me donnaient le droit de me choisir une découverte plaisir !