Est-ce qu'en marchant dans les traces de l'autre, on arrive à pénétrer sa conscience et à le voir de l'intérieur?
Je ne suis pas soumis aux regards de ceux qui m’ont vu grandir. Je peux devenir ce que je veux. Je peux aussi mourir demain. Je tamise entre mes doigts le sable très fin de Cabo San Lucas. Il est d’une extrême fluidité. Impossible, même en creusant, de trouver du sable mouillé pour le transformer en château. Or moi, j’ai besoin de construire.
Il y a des choses comme ça, qu'on accomplit jamais.
Je ne veux aucune trace que celles qui s'incrustent dans la mémoire. (...) Des touches. De toutes petites touches, millimetrées. Des princesses qui s'endorment à peine couchées dans ma boîte à images. Des princesses qui attendront des années, dix, vingt, peut-être davantage avant d'être reveillées en sursaut tout à coup et de ressortir intactes, pimpantes, lustrées - un bâillement étouffé, un étirement-, elles regarderont le monde autour d'elles. Tout aura changé.
J'aurai tellement changé.
Je ne connais pas. Je ne connais rien. Je ne suis allé nulle part. Et d'un seul coup, l'histoire étant morte, j'ai envie de coucher avec la géographie.
L'homme attend une réponse. Je fais oui de la tête. Après tout, si on me mélange, quelle importance. Je suis soluble.
Pendant des années, j'ai eu l'impression d'être un brouillon. Je vais mieux aujourd'hui. Mes traits sont plus marqués - et je n'ai plus peur de gommer les imperfections.
Tous les jours sont devenus un novembre plombé. Je marchais dans les rues en enfonçant légèrement mon cou dans mes épaules contre une rafale de vent ou une averse possible. Parfois, il faisait trente-cinq degrés dehors et un soleil écrasant.
Je m'écroule sur le lit tout habillé. J'ai la tête qui tourne. Je sens la fraîcheur de l'eau sur mes joues, mon menton et mon cou. J'essuie. Je m'aperçois que ce sont des larmes. Je suis très surpris.
« C’est ridicule. Personne ne perd son frère et sa mère, puis quatre ans plus tard, son père – à l’âge de 22 ans. ça n’arrive jamais, ce genre de choses. Même dans les romans. Il y a une limite à l’indécence, quand même. Le romancier plonge son héros dans la tragédie, il ne va pas en rajouter une couche. Il est sur le point d’ajouter un troisième décès, et puis il se reprend : » ah non honnêtement, c’est impossible, il faut que je trouve autre chose. »