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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Premier roman de la « Rentrée littéraire 2021, première découverte de Xavier-Marie Bonnot et gros coup de coeur dans ma « Sélection 2021 ». Dévoré en tout juste deux jours, je n'avais pas encore lu de romans sur la Seconde Guerre mondiale axé sur la musique et ce que j'adore dans les livres, c'est découvrir et apprendre. Accessible aux personnes n'ayant pas d'affinité avec la musique, c'est un petit bijou de l'histoire de la musique universelle sous le IIIème Reich. Un des romans fort de la « Rentrée littéraire 2021 » qui apporte un éclairage supplémentaire sur l'histoire de l'Allemagne nazie à travers la musique.

Avant-propos.

1933-1945, la musique devient l'outil de propagande nazie. Wilhelm Furtwängler, chef d'orchestre adulé est aux prises avec sa conscience : l'art de la musique est-il un acte de résistance ou un instrument politique ?

Paris, 6 mai 1954.

Rodolphe Meister, 29 ans, se souvient de son enfance à Berlin sous le IIIème Reich et de l'absence de son père dans sa vie, un père qu'il n'a jamais connu.

Chef d'orchestre reconnu, Rodolphe accepte de diriger Tristan et Iseult au Danemark, remplaçant Wilhem Furtwängler. Une promesse faite à sa mère.

Bayreuth, été 1932.

Au sommet de sa carrière, Christa est attendue au Palais des festivals de Bayreuth pour interpréter Brunehilde. C'est là que Rodolphe, jeune prodige au piano rencontre Wilhelm.

Celui-ci sort d'une entrevue avec Hitler qui veut se servir de sa notoriété pour sa campagne politique tandis que Wilhelm doit faire face aux départs de ses meilleurs musiciens vers des pays acceptant les Juifs exilés.

Rodolphe reproche à sa mère ses absences et ne comprend pas pourquoi elle le met en garde contre l'idéologie nazie.

L'incendie des portes de Brandebourg, les SA, les dénonciations, les autodafés et la victoire d'Hitler adulé par les Allemands… n'est que le début des pires atrocités commises au nom de la race aryenne.

Furtwängler enchaîne les maîtresses et légitime ses enfants tandis qu'Hitler prend le contrôle et qu'une lutte de pouvoir se joue entre Goebbels et Goering pour utiliser Wilhelm. Qui l'aura dans son camp ?

Wilhelm profite de sa position pour aider ses amis juifs à s'enfuir leur évitant l'enfer des camps de concentration et une mort certaine.

Durant l'automne 1938, Christa et son fils parent de Berlin pour Paris. L'Allemagne est à feu et à sang, les pogroms sont monnaies courantes. Fuir est la seule issue pour Christa victime des persécutions contre les juifs à cause d'un de ses ancêtres.

C'est à Paris qu'ils vont trouver refuge, le pays des droits de l'homme tandis que Wilhelm se bat avec sa musique pour seule arme contre la folie nazie.

Une lutte pour sauver la musique universelle et ses grands musiciens peu importe leurs races ou leurs religions.

Rodolphe veut être chef d'orchestre et suis des cours avec un chef d'orchestre juif avant que celui-ci ne soit arrêté.

En 1942, les Allemands perdent sur le front de Stalingrad tandis que la mort de milliers de jeunes Allemands arrive discrètement.

La propagande n'arrive pas à dissimuler sa défaite, le vent commence enfin à tourner.

Devenir l'instrument de la propagande nazie, c'est être assuré de ne pas être de la chair à canon ou ne pas être arrêté et déporté dans les camps de concentration.

A Paris, les décrets contre les juifs sont de plus en plus nombreux. Christa ne sort plus, elle sait qu'elle ne fait que gagner un peu de temps et qu'un jour, ils viendront l'arrêter.

Comme tant d'autres, Christa est raflée, direction Drancy puis Auschwitz-Birkenau où sa voix sera son salut. Prise dans l'orchestre féminin du camp, Christa chante pour le commandant et sa famille tandis que se profile les marches de la mort et Bergen-Belsen. Se battre, résister, Christa le fait pour revoir son fils, son Prince.

Rodolphe a choisi le camp de la Résistance et participe à la libération de Paris tandis que Wilhelm tente de s'enfuir avant son jugement par les Américains.

Au commencement de la fin, c'est ainsi que va se sceller le destin de Rodolphe et la renaissance de l'un des plus grands chefs d'orchestre !

De Berlin à Paris, de la Pologne à la Suisse, un récit qui au travers de la musique sous le IIIème Reich décrit le quotidien d'une Allemagne nazie. Au plus près des organes du pouvoir, entre opposants et partisans, une lutte entre prise de conscience et moralité.

Un très beau roman qui redore la personnalité de Wilhelm Furtwängler et ses actes durant l'Allemagne nazie sur fond de recherche paternelle.
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2 hommes, 2 histoires, et une femme… sur 20 ans.
A signaler que les personnages de Rodolphe et Christa ont été inventés.

L'histoire d'un duo musical, entre Furtwängler, l'un des plus illustres chefs d'orchestre allemand de ce début de XXe siècle, et Rodolphe, fils d'une cantatrice star, allemande… Ce pas de deux à distance se déroule de 1933 jusqu'à 1954.

Rodolphe a 7 ans en 1933, vit à Berlin et veut être chef d'orchestre. Sa mère, Christa, célibataire, star adulée et idolâtrée, veut le meilleur pour son "Prince".

Hélas, l'arrivée des Nazis, leur volonté de faire de la musique un outil majeur de la propagande (« bande d'ignares » dit souvent Furtwängler), va rebattre les cartes. Car autant Furtwängler que Christa Meister refusent de se plier aux « obligations » : salut nazi, participation aux fêtes d'anniversaire d'Hitler, etc.

Petit à petit, l'étau se resserre autour des musiciens, juifs, ou rebelles ; Furtwängler fait son possible pour aider, et profite de sa réputation de Chef intouchable pour en faire qu'à sa tête, au risque d'y perdre la sienne.

Sa seule « chance » : être le chef d'orchestre préféré du Chancelier du Reich (tu parles d'une chance !).

Christa, elle, va payer directement le prix de cette révolte feutrée et va se voir affublée d'un grand-père juif. Fuyant à Paris, son Prince sous le bras, elle va être arrêtée par la police française, torturée et déportée, d'abord à Auschwitz, puis à Bergen Belsen.

Pendant ce temps, Rodolphe, seul à Paris, se débrouiller, vivote, persiste dans son rêve d'être Chef… et pense à Eva, sa babysitting, de quelques années son aînée, nazie convaincue, dont il est amoureux (et qu'il a promis d'épouser).

Car en 1954, Rodolphe, Chef, est appelé à diriger à la place de Furtwängler… et c'est son destin…

On parle beaucoup de musique, d'art, de « supériorité de l'art sur la politique ». Car les interrogations de Furtwängler sont réelles : Peut-on placer les arts au-dessus de la mêlée, y compris de la fange nazie !?

Roman intense, avec une réflexion sur la résistance artistique, le prisme des nazis, les petites rebellions, les traitres, les affiliés, les sacrifiés et toute cette longue période européenne entre 1929 et le milieu des années 50… puissant, sans fausse note… un beau requiem !
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L'art est-il plus fort que la politique? Cette question est un peu le fil conducteur de ce roman dans lequel j'ai fait la rencontre de Wilhelm Furtwängler, un chef d'orchestre réputé. Il dirige l'orchestre philharmonique de Berlin alors que Hitler monte en puissance et accède au pouvoir. Il aurait pu fuir, comme d'autres musiciens ou écrivains. Mais lui a décidé de rester. Non pas par soutien au National Socialisme, mais par amour et respect pour sa musique. Pour lui, diriger son orchestre, vivre de sa musique ne doit pas être influencé par la politique.

En parallèle, on suit deux personnages fictifs. Rodolphe Meister et sa mère. Elle est une cantatrice célèbre et le jeune garçon déclare très jeune un vif intérêt pour la musique. Mais la guerre éclate, et ils sont poussés à fuir l'Allemagne. Ils se retrouvent à Paris, et seront bien vite séparés dans des conditions dramatiques.

Enfin, après guerre, on retrouve notre chef d'orchestre, et Rodolphe Meister, à qui on demande de prendre la suite du chef. le moment de refaire le point sur ces années passées, sur leurs diverses expériences et sur le chemin à prendre. le jeune homme se souvient d'avoir déjà rencontré Furtwängler alors qu'il était enfant.

J'ai trouvé ce roman passionnant, alors même que je suis totalement ignorante dans le domaine musical. On peut apprécier cette histoire sans rien y connaître, et on se laisse vite bercer par la musique si précieuse à ces histoires. J'ai éprouvé le besoin d'accompagner ma lecture d'enregistrement du chef pour m'approcher au mieux du personnage.
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Wilhelm Furtwängler est l'un des plus grands chefs d'orchestre allemands. Il dirige l'orchestre philarmonique de Berlin et éblouit son public par son génie virtuose.
En 1934, c'est le début des années noires. le nazisme s'impose et dépossède les artistes de leur art. Les juifs sont exclus de l'orchestre et contraints de s'exiler. La culture devient politique. La musique devient un véritable instrument de propagande. Continuer d'exercer son art mais en se soumettant au régime du IIIe Reich… ou fuir l'Allemagne ?
Pour Furtwängler, ce choix n'a pas de raison d'être. Mais l'art est-il véritablement au-dessus de la politique ?
À Berlin, tout le monde s'épie, tout le monde se renifle. Pour la jeune Winifred, l'Oncle Wolf, l'homme sur la photo, dirigera un jour l'Allemagne et lui rendra son honneur, sa grandeur. Un sauveur !
Rodolphe Meister, fils d'une célèbre cantatrice, rêve de diriger un jour l'Orchestre philharmonique de Berlin et observe les événements avec son regard de jeune garçon. Mais il est surtout captivé par la chorégraphie gestuelle du Maître, le chef d'orchestre Wilhem Furwängler.
- Tu veux voir l'orchestre ? Ici à Bayreuth, personne ne peut le voir, ni son chef. Monte sur le pupitre.
Rodolphe aura sept ans dans trois mois.
Furtwängler hisse l'enfant sur la chaise haute. de là, il domine la fosse qui pénètre loin sous la scène. Les musiciens rangent leurs instruments, échangent quelques mots feutrés dans un bruit de bric-à-brac. En l'apercevant, le premier violoncelle adresse un sourire à Rodolphe qui répond par un signe de la main.
*
- Vous n'êtes pas à la bonne page !
Furtwängler observe Rodolphe qui tapote du doigt l'énorme partition sur le pupitre.
- Ce n'est pas là que vous vous êtes arrêté.
Furtwängler se penche vers l'enfant et lui souffle :
- Tu as raison, mon garçon. Mais comment le sais-tu ?
- Je sais très bien lire la musique.
Rodolphe cherche les dernières pages
- Alors, je dois t'avouer un secret, dit Furtwängler à voix basse. Mais il ne faut pas que tu le répètes. Pas même à Christa Meister. Promis ?
- Juré.
- Je connais la partition par coeur. Toutes les notes, de tous les instruments. Tous les silences…
C'est pour cette raison que je ne tourne pas les pages. Ça ne sert à rien.
Rodolphe écarquille les yeux en visant le gros livre. - Tout ça vous le savez par coeur !
Wilhem appuie la pointe de son index sur sa tempe.
- Tout est là-dedans ! Dans ma tête.
Rodolphe reste bouche bée.
- Est-ce que tu aimerais être chef d'orchestre plus tard, quand tu seras grand ?
- J'hésite, répond le gamin avec aplomb. Peut-être pianiste, car je joue bien. Ou peut-être compositeur.
- Pourquoi compositeur ?
- Parce qu'il est comme Dieu. Lui seul est la musique.

*

Hitler est un camelot qui ne comprend rien à rien à la musique.
Du grand Mendelssohn, Goebbels affirme que c'est de la musique de Juif, une pâle imitation des grands génies allemands. Il a promis de le retirer bientôt du répertoire du Berliner, car le peuple allemand s'est réveillé. Bannir le grand Mendelssohn, comme Hindemith ou Schönberg, des dégénérés… Tous des amis proches de Wilhelm Furtwängler.
Depuis des lustres, Göring veut s'approprier le chef d'orchestre. Goebbels n'a jamais pu cacher sa rivalité envers le maréchal obèse. Göring a nommé Furtwängler conseiller d'État, titre prestigieux mais vide, irrévocable. Göring est un vrai prédateur, il sait s'y prendre pour piéger les hommes qui aiment les honneurs. le titre de conseiller d'État ne peut-être annulé sans une décision spéciale du Führer et seulement en cas de meurtre ou de trahison. Pour compromettre une personnalité, il n'y a pas mieux. de son côté, Goebbels, dès son arrivée au pouvoir, bombarde le célèbre musicien de titres : Reichkultursenator, vice-président de la Reichsmuzikkammer.
Le musicien accepte, parce qu'il a toujours été un homme sensible aux marques de reconnaissances.
Il vient de chausser le mauvais étrier.

*
Xavier-Marie Bonnot retrace d'une plume assurée toute la montée en puissance de ce régime barbare. Avec toutes les manipulations et les divers degrés de chantage afin de resserrer les rênes du pouvoir.
Un musicien, c'est sacré, bien plus qu'un vulgaire soldat. Chair à canon, chair à musique.
Comme Strauss, Furtwängler fait désormais partie des projets nazis. La nouvelle Allemagne se doit d'avoir ses monuments, vivants si possible. Les deux hommes deviennent l'escorte sonore du Führer. Hitler en a décidé ainsi. Personne ne touchera à l'idole des Allemands.
*
Juin 1954, l'opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d'orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler

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Voici donc une biographie, en partie romancée, du plus grand chef d'orchestre allemand des années 30, 40 et début 50. Je suis impressionné par la somme des connaissances que l'auteur a du accumuler pour réussir à s'imprégner de la réalité historique de ces époques. Et, évidemment, de son amour immense pour la musique classique sans lequel il lui aurait été impossible de rendre ce roman aussi vivant. J'ai beaucoup lu sur la seconde guerre mondiale, je n'avais jamais entendu parler de Wilhelm Furtwängler, j'ai pourtant trouvé cette lecture passionnante. Elle m'a aussi permis de mieux comprendre comment un non sympathisant du nazisme arrive à vivre avec, quitte à accepter quelques compromissions.
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Ah quel roman!! je ne connaissais par le chef d orchestre allemand wilhelm furtwangler , le chef d orchestre préféré de hitler , pendant les annees noires à Berlin ;. Tout le roman tourne autour de trois personnages, bien sur le chef d orchestre, rodolphe Meister , fils d une celebre cantatrice ( christa meister) qui a hélas une ascendance juive. La musique est le theme central du roman , comment peut ton rester en allemagne nazi et continuer à diriger des orchestres dont certains musiciens sont juifs. Et comment Furtwangler peut serrer la main de hitler ou de goebbels mais ne pas etre adhérent du parti nazi!! On plonge dans ce monde barbare, on plonge dans le camps de concentration où christa va survivre et retrouver son fils qui va devenir un grand chef d orchestre. J incite les lecteurs de Babelio a lire " berlin requiem " car il dévoile comment l ame humaine peut etre tiraillé entre la passion musicale et l envie de survivre, Un tres beau livre , merci à masse critique de babelio de m avoir permis de le decouvrir et de l apprécier
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Berlin requiemXavier Marie Bonnot : Berlin, 1932. Wilhelm Furtwängler est l'un des plus grands chefs d'orchestre allemands. Il dirige l'orchestre philarmonique de Berlin et éblouit son public par son génie virtuose.1934. Hitler est chancelier et détient tous les pouvoirs, c'est le début des années noires. le nazisme s'impose et dépossède les artistes de leur art. Les juifs sont exclus de l'orchestre et contraints de s'exiler. La culture devient politique. Wilhelm Furtwängler fut un grand chef d'orchestre, peut-être même le plus grand qui dirigea l'Orchestre philharmonique de Berlin ! Cette biographie romancée le raconte pendant la montée en puissance du nazisme jusqu'à la fin de la guerre.
Il n'a jamais voulu s'exiler, n'a jamais voulu quitter son pays, son Orchestre, ses musiciens, juifs pour les plus talentueux ! Il n'avait pas pris la mesure de la détermination des nazis et a fait preuve de pas mal de naïveté à ce niveau, ce qui ne l'empêcha pas de défendre ses musiciens. A-t-il eu raison, a-t-il eu tort ? Est-ce possible de savoir ce que d'autres auraient fait à sa place ? Comment imaginer se mettre dans la peau des personnes qui ont vécu à cette période ? Au procès du chef d'orchestre, on l'accuse d'avoir voulu profiter du régime pour son confort personnel, il répond : je ne regrette pas d'avoir agit ainsi, l'art doit se placer au-dessus de la politique. Il déclare : l'art n'a rien à voir avec la politique, rien à voir avec la guerre. Je me sentais responsable de la musique allemande et il était de mon devoir d'aider à surmonter cette crise autant que je le pouvais. Je ne regrette pas d'être demeuré parmi les allemands qui devaient vivre sous la terreur de Himmler. Deux personnages ont été inventés dans ce livre mais c'est tellement bien écrit qu'ils sont dans l'histoire comme s'ils avaient existé. (gros coup de coeur pour ce livre)
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J'évoquais, voilà quelques jours, un phénomène curieux de liens : après avoir vu une série évoquant des diamants de sang, voilà qu'avec Marchands de mort subite, je retrouvais une thématique proche, avec des minerais de sang. Et bien voilà que cela se reproduit, même si c'est un peu plus à distance : après avoir vu déjà apparaître Wilhelm Furtwängler dans le Stradivarius de Goebbels, en début d'année, le voilà cette fois-ci au centre de ce livre. Et, toujours au rang des liens entre livres, il faut peut-être citer L'offrande grecque, de Philipp Kerr.

En effet, l'une des questions soulevées par ce livre est clairement celle de la responsabilité de Furtwängler, accusé par les américains, notamment, mais, plus largement par les alliés, de ne pas avoir quitté l'Allemagne pendant la guerre, et donc d'avoir implicitement mis son talent au service des nazis. Pourtant, on voit nettement, dans l'histoire que nous raconte Xavier-Marie Bonnot, qu'il n'existe aucun "bon choix", quand L Histoire vous joue le tour de cochon de vous placer dans une telle situation. Fuir, c'est laisser la place libre, et donc faire preuve de lâcheté ; rester, et survivre, c'est pactiser.

Ainsi, comme Bernie Gunther, Wilhelm Furtwängler apparait comme un de ces allemands qui ont été broyés par l'histoire de leur pays. Quitter l'Allemagne, on le voit d'ailleurs au travers des personnages de Christa et de Rodolphe, ce n'est pas non plus l'assurance de vivre bien. Et rester, c'est prendre le risque d'effleurements qui pourraient un jour être considérés comme coupables.

Également très intéressante, l'attitude des américains après la défaite du Reich. La citation qui figure au début de cet article, je l'ai choisie parce qu'en lisant ce passage, j'ai eu l'impression de lire quelque chose que les nazis auraient pu écrire des juifs : "dressage", "tricherie", "ils sont toujours là et ils réfléchissent à demain"... je trouve cela glaçant. Et quand on lit (pages 245 à 260) la façon dont le général Robert McClure, et le major Steve Arnold, s'arrogent le droit de juger sans tenir compte des avis et des témoignages - par exemple, la lettre de Yehudi Menuhin, venant défendre le Maître -, alors même que les mêmes américains n'inquiètent pas Herbert von Karajan, qui, lui, avait pourtant demandé et obtenu sa carte du NSDAP... et, surtout, qu'ils sont en train de faire leurs "courses" parmi les scientifiques nazis. Ainsi, l'opération Paperclip a consisté à exfiltrer et embaucher près de 1500 scientifiques allemands ayant contribué à la mise en place du complexe-militaro-industriel nazi. Realpolitik, peut-être... mais surtout pas très propre !

Et puis, évidemment, on suit ce jeune Rodolphe. Il a 8 ans quand les nazis prennent le pouvoir, il est impressionné par les uniformes, l'ordre, le décorum. Il n'a jamais connu son père, et sa mère refuse de lui dire de qui il s'agit, si elle le sait seulement - certaines périodes de sa vie sentimentale ont été agitées -. Elle le laisse souvent, lorsqu'elle part donner un concert, à la garde d'Eva, une jeune allemande fraîche et séduisante, dont il tombe amoureux, et à qui il jure de l'épouser, plus tard. Décidée à quitter l'Allemagne, elle part finalement pour Paris, mais les nazis, ne supportant pas qu'elle ne se plie pas à leurs exigences, lui trouvent un grand-père juif. Finalement arrêtée, elle est envoyée à Drancy, puis à Birkenau, d'où elle revient brisée.

Je me rends compte que cette chronique n'est pas très organisée, voire même carrément décousue. Mais, en y réfléchissant, il me semble que c'est peut-être normal. Ce roman est parcouru de sentiments, de sensations, et d'une quête - chaque personnage a la sienne. L'auteur parvient, par les mots, à faire vivre la musique et la tentative des chefs d'orchestre de faire revivre le génie des grands compositeurs, par une vibration, par un silence, par un temps suspendu. Et, cela, comment le raconter ?

Ce livre est un très beau livre. Il donne envie d'aller écouter la 9e symphonie de Beethoven, et Tristan et Isolde, sous la direction de Furtwängler... Il me semble que c'est précisément le signe que Xavier-Marie Bonnot a réussi son pari... Et vous, serez-vous sensibles à la plume de Bonnot, à la baguette de Furtwängler, à la détresse de Rodolphe ?
Lien : https://ogrimoire.com/2021/1..
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Maestro !

Ce roman fait revivre le Berlin d'avant guerre et plonge dans les coeurs contrastés des Allemands pendant la montée du nazisme.
Le Führer a besoin de symboles forts pour construire une Allemagne puissante et légendaire. La musique Allemande doit être la plus grande et Furtwrängler, chef d'orchestre du philharmonique de Berlin sera choisi pour servir cette cause malgré lui. Alors que de grands génies, des artistes fuient le regime nazi, lui, choisira de rester à Berlin, comme un capitaine sur son navire, malgré la barbarie qui s'empare de la ville, malgré la terreur dont ses musiciens juifs sont la cible, malgré le dégoût que lui inspire Hitler et ses sbires. Il restera parce qu'il pense que l'art, son art, passe avant tout et que sa place est ici près de l'orchestre.
Cela lui sera reproché et il sera jugé après la guerre.
C'est la question delicate que soulève ce roman, l'art et les artistes peuvent ils être au dessus de la politique et de la morale, question toujours d'actualité si on en juge les scandales récents qui ont secoué écrivains et cineastes….
Ce Furtwrängler a réellement existé, c'est l'un ou le plus grand chef d'orchestre du siècle dernier, plus grand que Karajan qui lui a échappé à la chasse aux sorcières alors qu'il était membre du parti nazi. Furtwrängler ne l'a jamais été.
D'autres personnages historiques traversent ces pages, comme le lumineux Yehudi Menuhin, et la plume précise oh combien imagée de Xavier-Marie Bonnot redonne vie et chair à Hitler, Goebbels mais aussi à des personnages de fiction plus vrai que nature, Christa la cantatrice et son fils prodigue Rodolphe qui vont fuir Berlin pour venir à Paris. le voyage se terminera dans les camps…
La musique vue par Furtwrängler est aussi un personnage à part entière et elle prend vie dans les pages du roman avec les yeux du grand chef. On aime même si on n'est pas expert.
C'est un roman fort, saisissant de réalisme, qui aborde une facette de l'histoire du nazisme sous un angle méconnu.
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J'ai une bonne culture musicale en ce qui concerne la musique classique et j'aime beaucoup l'opéra ; Bach, Beethoven et Mozart sont parmi mes compositeurs préférés. Par ailleurs, j'apprécie les romans historiques et je m'intéresse tout particulièrement à ceux qui font référence à la seconde guerre mondiale et à la Shoah. À la lecture de la quatrième de couverture, je n'ai donc pas hésité et je n'ai pas été déçue !

Voici la présentation faite par l'éditeur :
« Juin 1954, l'opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d'orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler, parvenu au terme de sa vie. Un jeune musicien est choisi : Rodolphe Meister, le fils d'une célèbre cantatrice. Tous trois sont nés à Berlin, se sont connus et fréquentés. Mais, en 1933, tandis que les nazis font de Furtwängler un trésor national, le destin de Rodolphe et de sa mère va basculer. L'enfant n'a que huit ans, et comme beaucoup le nazisme le fascine… Jusqu'au jour où la Gestapo découvre à sa mère une ascendance juive.

En 1954, lorsque Rodolphe retrouve Furtwängler, mourant, leurs histoires s'entrechoquent. Des questions surgissent entre un exilé, fils d'une mère déportée à Birkenau, et le chef qui a eu les honneurs de Hitler en personne… Comment Furtwängler a-t-il pu accepter la reconnaissance d'un régime barbare ? Dans un tel contexte, est-il encore possible de placer l'art au-dessus de la morale ?

À travers ce passé douloureux, les deux hommes vont découvrir que la musique n'est peut-être pas la seule chose qui les unit… »

Ce livre est dû à Xavier-Marie Bonnot, écrivain et réalisateur de documentaires, auteur de plusieurs romans dont La Dame de pierre, prix du meilleur polar francophone au festival de Cognac 2016 et le Tombeau d'Appolinaire, prix du Roman historique 2019 aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois.

Dans le prologue, l'auteur prévient que « seuls, les personnages de Christa et Rodolphe Meister relèvent de la pure fiction, les autres appartenant à l'histoire la plus sombre de l'humanité, celle du Troisième Reich ».
On voit se dérouler la vie de Christa et Rodolphe mais aussi celle du grand chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler parmi des musiciens comme le talentueux violoniste Szymon Goldberg, ou le chef d'orchestre Bruno Walter et qui est amené à côtoyer des personnages plus menaçants comme Goebbels, Göring et Hitler…

Furtwängler n'a pas voulu quitter son pays, son orchestre, ses musiciens, dont plusieurs étaient juifs ! Il n'a pas mesuré l'importance du danger et la puissance des maîtres de l'Allemagne, de ce troisième Reich qui l'a utilisé pour sa propagande. En cela, il a fait preuve de manque de discernement voire de naïveté. Il déclare page 65 : « Ma vie est ici. Si nous abandonnons l'Allemagne, ils auront les mains libres… Il faut résister à cette vague de bêtise qui contamine notre peuple. Ça passera ».
La question centrale du livre est donc : L'art peut-il se placer au-dessus de la morale ?
On assiste à la montée de la violence et de l'antisémitisme, on observe la Nuit de cristal, l'incendie du Reichtag, des livres sont brûlés, des compositeurs interdits, on constate les violences et les exactions ; mais à aucun moment le chef ne doute de son choix : il doit rester en Allemagne pour faire vivre la musique.
De la musique, l'auteur sait en parler avec sensibilité. de nombreuses oeuvres sont évoquées, deux d'entre elles sont au coeur du livre ; d'une part la Neuvième symphonie de Beethoven, dont des paroles prennent dans ce contexte un sens très fort :
Tous les hommes deviennent frères
Où ton aile nous conduit,
Si le sort comblant ton âme,
D'un ami t'a fait l'ami,
Si tu as conquis l'amour d'une noble femme,
Mêle ton exaltation à la nôtre !
D'autre part, l'opéra de Richard Wagner Tristan et Isolde avec, en particulier, l'air de la mort d'Isolde à l'acte III.

On apprend des détails de la vie de Furtwängler, on suit les péripéties des trois personnages principaux, on s'attache à eux au fil d'un livre qu'on ne lâche pas. En même temps, on s'imprègne de musique et de poésie, quelles que soient les circonstances. Pour ma part, je considère que ce livre est une réussite. Je l'ai lu en trois jours et cette lecture m'a donné envie d'en savoir plus à propos des musiciens cités et de réécouter des oeuvres d'une autre manière.
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