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Lors d'un séjour en prison, Alphonse Boudard a croisé Joseph Joanovici. Né en 1905 en Bessarabie, cet homme est arrivé en France sans le sou en 1925 ; grâce à son sens du commerce, il s'est rapidement fait un nom dans le milieu des ferrailleurs. Lorsque survint la seconde guerre mondiale il sut profiter rapidement des besoins des Allemands en métaux, qu'il récupérait et leur vendait. Joseph était juif mais entrait dans la catégorie des "juifs utiles", ce qui l'a préservé du sort réservé beaucoup de ses coreligionaires. Mais Joseph ne fut pas un simple collaborateur, il sut aussi mettre une partie de son influence et de sa fortune au service de résistants. Lors de son procès en 1949, il plaidera avoir travaillé avec les Allemands pour mieux les duper par ailleurs et pour sauver des personnes recherchées ou poursuivies pour leur judéité ou pour faits de résistance.
Ses contributions à la résistance semblent cependant minimes au regard des millions qu'il a gagnés en commerçant avec les Allemands. Un témoin dit de lui : « J'ai l'impression que ce personnage, n'ayant pas de patrie à trahir, jouait sur les deux tableaux, c'est-à-dire qu'il ménageait à la fois le présent et l'avenir ». Joseph semble en outre avoir trempé dans quelques louches assassinats, et on lui a prêté une appartenance au Kominterm... Autant dire qu'il alimente beaucoup de fantasmes et de rumeurs !

La gouaille et la personnalité de Joseph ne pouvaient que plaire à Boudard, en tout cas comme sujet d'écriture… Boudard, lui, était clairement dans le camp de la résistance pendant la guerre.

On retrouve l'ambiance des années d'après-guerre, telle que le cinéma français a pu nous la montrer (« Tractions avant, police derrière… une épopée du gangstérisme dont le cinéma s'est servi pour le meilleur et pour le navet. »)

De cet auteur, j'avais beaucoup apprécié « le banquet des léopards ». Son langage est riche, parsemé d'expressions argotiques propres aux milieux qu'il a fréquentés et qu'il décrit. J'ai sporadiquement retrouvé ces qualités ici, mais l'auteur m'a semblé parfois dépassé par la complexité des choses, avec quelques longueurs.

Ce récit a au moins le mérite de montrer que le comportement de beaucoup de Français durant l'occupation allemande fut souvent ambigu, qu'il n'y eut pas seulement de méchants collaborateurs et d'héroïques résistants (ou l'inverse pour certains !), mais aussi des gens qui firent de leur mieux pour survivre pendant des années bien troubles.
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J'ai découvert Monsieur Joseph via l'excellente série de BD de Fabien Nury et Sylvain Vallée. J'ai découvert Alphonse Boudard grâce à Monsieur Joseph... Entendons-nous bien, je connaissais Alphonse Boudard de tronche, et pour ses apparitions télé... mais je ne l'avais jamais lu.

Le style d'abord. C'est vif, cash, sans ambage, mais avec une poésie gouailleuse très folklo. On pourrait qualifier cela de "parler vrai". Beaucoup d'argot. Des néologismes de bon aloi. Quand il faut inventer un mot pour résumer sa pensée, Alphonse, il fonce.

Le fond ensuite. Alphonse Boudard a croisé Monsieur Joseph, dans les couloir d'une prison. A ce moment, Boudard ne sait pas qui est ce type qui fait tourner les geôles autour de lui, s'octroyant des avantages et des faveurs, y compris de la part des matons..

Bien des années plus tard, on lui commande la bio de Joseph Joanovici. Alors Boudard instruit à charge et à décharge. Il compulse, interroge, fouille, embrouille, débrouille... et quand il trouve il le dit, et quand il ne sait pas, il n'élabore pas. Il déclare tout de go qu'il ne sait pas. C'est anecdotique, sans doute, mais moi cela m'a plu cette franchise. Les supputations boudardiennes sont présentées pour ce qu'elles sont. Pas comme des faits.

Résistant ou collabo? Vrai candide ou franche ordure? Innocent ou manipulateur? Simple commerçant ou menteur patenté? Boudard ne tranche pas vraiment. Parfois on sent poindre une once d'empathie, pas de la sympathie. Mais une forme d'inclinaison. de compréhension. Voire d'admiration quand les personnes qu'il interviewe continuent à décrire le charisme, la tchatche, l'aura de Monsieur Joseph, bien des années après sa mort.

Et parfois, le Boudard, il est perdu. Il avoue son désarroi face aux manoeuvres de Monsieur Joseph. Comme quand il part en Israël avec de faux papiers, afin de se faire reconnaître comme Juste parmi les Justes. C'est vrai que ce départ, plongeant Joanovici dans l'illégalité ressemble à un coup de force de la dernière chance. S'il avait réfléchi, il se serait sans doute rendu compte qu'Israël, état naissant, n'avait pas le choix de le rejeter...

Je retiendrai l'époque troublée, les trafics, les compromissions... Jacques Delarue dans un de ses livres montre également que si Monsieur Joseph deale dans les métaux, un autre Juif va faire le même parcours dans le textile. O tempora o mores...
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J'ai apprécié ce livre, non pas par sympathie pour le personnage principal ni vraiment par goût pour le style d'Alphonse Boudard, mais cette histoire n'est qu'ambiguïté (je l'écris à l'ancienne) et est complètement antimanichéenne, et ça j'adore ! Il importe peu en réalité que Joseph Joanovici ait été un collaborateur, un héros ou un opportuniste : il n'entre pas dans le cadre simple de l'histoire officielle et il est probablement tout cela en même temps en fonction du point de vue et de la situation.
Même si on sent un respect de Boudard pour le personnage, il me semble essayer d'être objectif sans nier les zones d'ombre, c'est à dire aussi les moments où on ne sait rien. Peut-être reste-t-il simplement objectif parce que la complexité du personnage et de l'époque interdit de prendre position sans avoir été soi-même impliqué.
Avec le ton sans fioriture d'Alphonse Boudard, on se laisser raconter l'histoire comme accoudée à un comptoir face à un passionné. Les BD de Nuri et Vallée, "Il était une fois en France" publiées après sont assez proches de l'histoire racontée par Boudard.
Ce livre est un bon document pour qui s'interroge sur la place et les actions des femmes et des hommes dans l'histoire, surtout tragique (mais ne l'est-elle pas toujours ?). L'autre question qui se pose est : qui sont les Joseph Joanovici d'aujourd'hui ?
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Il faut bien s'entendre sur les mots: Monsieur Joseph est incroyable.
Rusé, il transforme la ferraille en or, paluche des mains de nazis le matin et celles de la Résistance le soir et, à la fin de l'envoi, il touche.

Au fond Alphonse Boudard l'aime ce Joanovici. Cela crève les yeux et la plume de l'auteur: il est parti de rien, a un accent vaguement roumain et va berner non seulement la police, mais aussi toute la pègre reconnaissable à ses bruits de bottes. Milliardaire, son parcours est une mine d'informations sur cette époque.
La nuit tous les chats sont gris et l'auteur ne manque pas de rappeler à bon escient que les girouettes étaient légions. Dès que le vent tourne, un collabo devient amoureux de De Gaulle.
C'était aussi l'après Occupation. L'épuration partielle, l'administration en partie seulement rénovée, des ardoises épongées et des rancunes tenaces.

On ne saura jamais exactement le rôle de Monsieur Joseph, homme de lumière agissant à l'ombre.

Alphonse Boudard enquête et avoue même qu'au moment où il a écrit, plus beaucoup de personnes s'intéressaient à Joseph. Cela lui a pris "beaucoup de temps". La raison de cet acharnement? Il l'avait croisé le bougre, en prison. Et comme aux milliers de personnes croisées par Joseph, il lui avait fait forte impression.
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Alphonse Boudard nous fait découvrir un épisode de l'Occupation peu reluisante pour les Français : celle du marché noir, des trafics en tout genre, des personnes qui en ont profité pour s'enrichir.

Monsieur Joseph est juif. il est arrivé en France dans les années 20 et devient un ferrailleur réputé. Quand éclate la guerre, il comprend immédiatement que les Allemands vont avoir besoin de métal. Ses relations avec les nazis lui permettent d'aider des résistants et de faire libérer des centaines de prisonniers en échange de plusieurs millions qu'il paye à la Gestapo. Il a également fourni l'essentiel des armes ayant servi à l'insurrection de Paris et à la Libération. Bref, ses relations avec les nazis sont extrêmement ambiguës. Tout ce qui est sûr, pourtant, c'est qu'il a gagné beaucoup d'argent, mais jamais il ne s'est fait payer pour sauver quelqu'un des camps. Finalement, ce personnage est le reflet parfait de toutes les ambiguïtés de la société française de l'époque.
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Découverte d'un des personnages les plus ambigus de la période de l'Occupation. le destin romanesque d'un opportuniste prêt à tout pour gagner de l'argent. le tout magnifié par la plume et la verve canailles d'Alphonse Boudard.
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Le destin romanesque d'un embrouilleur, un opportuniste, personnage ambigu dans une époque qui n'a rien a lui envier, s'il en est et prêt à tout pour amasser de l'argent.
ni ange et ni démon, ni tout noir ni tout blanc.
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Lecture suite à la BD il était une fois en France. Découverte d'Alphonse Boudard. De l'argot, faut s'accrocher au début.Se lit vite. Et puis ça éclaire sur l'histoire : "une certitude maintenant, on sait qu'on ne saura jamais". Quelle époque !
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toujours en verve, l'auteur nous invite à découvrir un pan peu glorieux de notre passé : les compromissions petites et grandes de nos ainés pendant la guerre 39-45 ...
Nous sommes très loin du portrait de la France résistante !!!!

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L'Histoire revisitée par les coulisses ...
Tout n'est pas très propre derrière le rideau rouge de l'Histoire officielle
Evocation toujours pleine de verve par un auteur amoureux des mots et des phrases bien carrossées ...
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