Comment critiquer le régime stalinien sans tomber sous le joug des autorités ? Ce roman, c' est la réponse qu'imagine
Mikhaïl Boulgakov.
Le récit commence dans un parc de Moscou, le rédacteur en chef d'une revue littéraire demande à un auteur de revoir son travail sur le thème de l'existence
réelle ou imaginaire de Jésus Christ. Un troisième personnage s'insinue dans la conversation, un certain Woland. A partir de cette rencontre une immense pagaille va régner dans Moscou. Nous nous retrouvons dans un «pays des Merveilles» cauchemardesque avec en alternance deux scènes d'action, l'une dans le Moscou des années trente, l'autre dans la Judée de l'époque du Christ.
A Moscou Woland (Satan moderne) s'en donne à coeur joie avec les interventions de trois diables loufoques qui permettent au passage une critique du système.
Des situations surréalistes, kafkaïennes s'enchaînent dans un univers onirique, bouffée d'évasion du réel. Plus on avance dans le roman, Un pur délice.
Quand l'action se passe dans l'antiquité, elle est centrée sur la rencontre entre Ponce Pilate et Yeshoua Ha-Nozri (Jésus). Yeshoua est un homme paisible et doux, qui décèle dans la moindre parcelle de bonté dans le coeur de chacun, et qui est suivi par Matthieu Levy qui recopie ses propos en les déformant.
Pilate est condamné à rêver nuit après nuit, année après année, qu'il a laissé la vie sauve à Yeshoua pour réaliser tous les matins réalise que celui-ci est mort
Il pense avoir vendu son âme au Diable en sacrifiant un innocent à la réussite de sa carrière. Pilate, bien sûr, c'est
Boulgakov. de même que Pilate aurait pu gracier Yeshoua,
Boulgakov aurait pu refuser l'aide de Staline pour survivre malgré l'interdiction de ses oeuvres, l'un a préféré préserver sa carrière en laissant condamner un innocent, l'autre n'a pas eu le courage d'affronter le goulag ou un procès après tortures.
Je m'arrête là car une critique n'est pas un résumé...
Le style est poétique et léger, aérien, teinté de cynisme et d'humour. La construction narrative semble sans logique apparente, mais tout s'enchaîne avec aisance. En bref, c'est un des meilleurs roman russe du XXème siècle.
A lire absolument.
J'oubliai, c'est aussi un livre qui a inspiré beaucoup de monde dans des registres divers : plusieurs groupes de rock («Sympathy for the Devil», ...),
Salman Rushdie pour «
les versets sataniques » qui sont dans la même verve,...