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Françoise Marrou-Flamant (Traducteur)
EAN : 9782070312818
112 pages
Gallimard (01/01/2004)
3.21/5   98 notes
Résumé :
Dans la jeune Union soviétique des années 1920, Korotkov, modeste chef de bureau au Premier Dépôt central de matériel pour allumettes, est renvoyé du jour au lendemain. Révolté par cette injustice, il découvre peu à peu qu'il vit dans un monde peuplé de cauchemars dont seule la folie lui permettra de s'échapper.
Une dénonciation satirique et fantastique d'une bureaucratie tentaculaire et diabolique par l'auteur du Maître et Marguerite.
Que lire après Endiablade ou comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureauVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Korotkov est chef de bureau titulaire au premier Dépôt central d'allumettes. L'homme est persuadé d'être indéboulonnable, mais bientôt son assurance subit un démenti cinglant. Après avoir reçu en guise de salaire des paquets d'allumettes, invendables de surcroît (ce qu'il découvre en manquant de perdre un oeil pour en avoir imprudemment gratté une) il est licencié sous un prétexte futile.

À partir de là K. qui poursuit son chef pour avoir une explication va se heurter à un monde fou. Sur sa route des secrétaires blondes qui courent de cage en cage, un type couché sur une table qui téléphone, une vieille femme qui pèse un poisson séché et malodorant. Jusqu'à son chef qui s'est dédoublé...

K. veut comprendre, mais il est en but avec un système — peuplé de gens bizarres — qui le dépasse et le rend fou. Alors, assuré de son bon droit mais aspirant à la tranquillité, il décide d'abandonner : « Je me trouverai une autre place, une bonne place où j'aurai un travail paisible et sans histoire. Moi, je n'embête personne, et personne ne m'embête. Et je ne porterai pas plainte ...». Seulement ce n'est pas si simple...

Parue à Moscou en juillet 1925, cette nouvelle fantastique pleine d'humour est vite confisquée et retirée des librairies. À l'évidence les censeurs ont vu là une satire de la bureaucratie soviétique, dont l'absurdité et la diablerie poussent l'homo sovieticus, au mieux, à renoncer à ses droits. Comme Boulgakov qui accepte un poste subalterne dans un théâtre, après que Staline lui a refusé l'exil, alors même qu'il lui est interdit de vivre de son métier d'écrivain.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Ce récit délirant sent le soufre et vous fait perdre la boule. Je vous aurai prévenus.

Endiablade ou Comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureau fit une entrée tonitruante sur la scène littéraire soviétique. le début de la gloire et des persécutions pour le jeune Boulgakov qui avait abandonné la médecine pour se consacrer à l'écriture. L'ouvrage fut publié dans l'Almanach Nedra en 1924 puis retiré de la vente un an plus tard sous l'influence de la critique prolétarienne. Celle-ci condamna le pamphlet antisoviétique. Mais une partie de la critique défendit Boulgakov. Les modérés virent en lui le continuateur des satiristes du XIXe qui s'étaient attaqués à la bureaucratie à la suite de Gogol (le Manteau, le Journal d'un fou). Les modernistes saluèrent un talent prometteur. Evgueni Zamiatine écrivit dans les Izvestia :"L'auteur, sans aucun doute, a été bien inspiré de choisir pour cadre un fantastique, enraciné dans la vie quotidienne, rapide, comme dans un film »(...) » on peut s'attendre à du bon travail ». Endiablade s'inscrit dans la tradition et annonce par bien des aspects le Maître et Marguerite.
Pour le résumé, tout est dans le titre !
Bartholomé Korotkov (« Petit homme ») est un petit blond paisible, un brin candide, qui compte bien terminer sa carrière à la Glavtsentrbazspimat (spimat en abrégé, Premier Dépôt central de matériel pour allumettes ) où il est chef de bureau .Mais, le 21 septembre 1921 le caissier arrive avec une poule dans les bras. Il n'y a plus d'argent. Les salariés seront désormais payés en produits de la firme. Trois jours plus tard en effet, le camarade Korotkov rentre chez lui avec de jolis paquets colorés qui contiennent... des allumettes. Mais, il est d'un naturel optimiste le brave Korotkov et compte bien les vendre. Il se rend chez sa voisine, en larmes car elle a été payée avec quarante six bouteilles de liquide rouge. de l'encre ? Non, du vin de messe ! Elle lui apprend que ses allumettes sont de mauvaise qualité car elle ne brûlent pas. Inquiété par les allégations de son idiote de voisine, Korotkov retourne dans sa chambre et teste les allumettes. L'une d'elle se fiche. dans son oeil gauche. Mais il ne se démonte pas car est vaillant et persévérant, il se fait un beau pansement et toute la nuit il craque des allumettes à la flamme verdâtre. Il réussit à en allumer soixante-trois, de quoi détromper son idiote de voisine et défendre l'honneur de la Spimat. Au matin, la chambre est remplie d' une étouffante odeur de soufre. Il s'endort. Il rêve d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. Il se réveille, il lui semble bien qu'elle est toujours là et qu'elle répand une forte odeur de soufre puis elle s'évanouit et il s'endort, cette fois-ci pour de bon. le lendemain, au bureau un tout petit homme chauve large d'épaules lui apparaît dans un pré vert, le bouscule et le dispute vertement. Korotkov lui répond. Or c'est le nouveau chef de service Kalsoner, le bien nommé. Korotko va commettre sur ce nom une confusion croquignolette qui lui vaudra d'être injustement renvoyé. Ce qui s'en suivra sent le soufre et sera mené à un train infernal jusqu'à la fin annoncée.

L' histoire comme le remarque Zamiatine est enracinée dans les folles années 20 post-révolutionnaires. Il n'y a pas d'argent et les gens sont payés en nature, ils changent sans arrêt de travail du jour au lendemain, virés par de petits chefs virés à leur tour. de vrais pickpockets agissent dans les transports publics et volent les papiers des gens. Les produits manufacturés sont de mauvaise qualité. Les camarades vivent entassés dans des appartements collectifs surveillés. Les gens qui critiquent le système sont ostracisés, culpabilisés, broyés.
Endiablade est une nouvelle fantastique et tragique. C'est le récit d'un cauchemar ou le journal d'un fou-schizophréne . En tout cas le texte est délirant, plein de rythme, de fantaisie et d'humour caustique mais il est terrible. Quand le paisible Korotkov reçoit dans l'oeil l'allumette, il ne réagit pas tout de suite. Il fait apparaître la boule chauve qui diffuse l'odeur de soufre, à cause de son zèle stupide à faire craquer les allumettes, complice du système qui causera sa perte. le texte jusqu'alors plausible plonge dans le fantastique absurde et débridé. les corps se déforment, se dédoublent, les personnages apparaissent puis disparaissent à un rythme effréné. Limogé arbitrairement, Korotkov poursuit son directeur mais il ne parvient jamais à mettre la main sur un corps qui lui échappe, qui change de forme, qui change de nom, qui l'entraine d'escaliers en ascenseurs jusque dans une tour administrative labyrinthique dotée d'une centaine de portes avec des employés interchangeables. le lecteur lui même s'y perd car les noms changent et leurs référents sont de moins en moins évidents. Korotkov étouffe et fuit à son tour des policiers qui l'ont pris pour un autre et le poursuivent implacablement. le rythme du récit accélère encore et devient un tourbillon endiablé.
le diable c'est donc la machine bureaucratique totalitaire qui dans l'esprit pour le moins embrumé de Korotkov prend l'apparence d'une force diabolique protéiforme irrésistible. Les motifs maléfiques et apocalyptiques sont très nombreux. On les retrouvera dans le le Maître et Marguerite.
Un petit livre diabolique qui vaut la peine d'être découvert.
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Le diable est dans les détails, dit-on.

Chez Boulgakov, le diable est dans la bureaucratie soviétique, embusqué derrière les cloisons des administrations, à l'affût , dans les claviers agiles des secrétaires, sous les casquettes cirées des fonctionnaires.

Le pauvre Korotkov en fait l'expérience à ses dépends..

Il a maille à partir avec son chef de bureau, un certain Caleçoner.. Dès lors tout dérape: on ne lui paye plus son salaire qu'en nature, avec la production elle-même - des allumettes diaboliques qui vous explosent dans les doigts, vous font de terribles coquards et laissent un sillage inquiétant de soufre derrière elles. Il perd ses papiers: il n'est plus personne, même son patronyme est écorné..
Son tortionnaire lui-même se dérobe à toute explication: Caleçoner se dédouble, tantôt chauve et violent, tantôt fourbe et fuyant, doté d'une barbe assyrienne: impossible pour le pauvre rond-de-cuir de trouver un sens à ce dérèglement irrationnel qui se termine dans une apocalypse grotesque digne de Jérôme Bosch...

On comprend bien la vindicte de Boulgakov à l'égard de la bureaucratie stalinienne qui lui fit mille et une misères , mais j'ai largement préféré Coeur de chien, pour la satire et le Maître et marguerite pour les diableries d'un pouvoir machiavélique..

Le récit est haut en couleurs mais le fantastique, un peu vain, ne m'a pas frappée de stupéfaction comme dans le Maître ni fait rire jaune comme dans Coeur de chien..C'est très bien écrit, très bien traduit aussi et illustré mais cela m'a laissée un peu froide..

Diable, diable,il me faut des émotions plus fortes pour m'émouvoir que ces petites diableries de bureau...
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Le diable est dans les détails, dit-on.

Chez Boulgakov, le diable est dans la bureaucratie soviétique, embusqué derrière les cloisons des administrations, à l'affût , dans les claviers agiles des secrétaires, sous les casquettes cirées des fonctionnaires.

Le pauvre Korotkov en fait l'expérience à ses dépends..

Il a maille à partir avec son chef de bureau, un certain Caleçoner.. Dès lors tout dérape: on ne lui paye plus son salaire qu'en nature, avec la production elle-même - des allumettes diaboliques qui vous explosent dans les doigts, vous font de terribles coquards et laissent un sillage inquiétant de soufre derrière elles. Il perd ses papiers: il n'est plus personne, même son patronyme est écorné..
Son tortionnaire lui-même se dérobe à toute explication: Caleçoner se dédouble, tantôt chauve et violent, tantôt fourbe et fuyant, doté d'une barbe assyrienne: impossible pour le pauvre rond-de-cuir de trouver un sens à ce dérèglement irrationnel qui se termine dans une apocalypse grotesque digne de Jérôme Bosch...

On comprend bien la vindicte de Boulgakov à l'égard de la bureaucratie stalinienne qui lui fit mille et une misères , mais j'ai largement préféré Coeur de chien, pour la satire et le Maître et marguerite pour les diableries d'un pouvoir machiavélique..

Le récit est haut en couleurs mais le fantastique, un peu vain, ne m'a pas frappée de stupéfaction comme dans le Maître ni fait rire jaune comme dans Coeur de chien..C'est très bien écrit, très bien traduit aussi et illustré mais cela m'a laissée un peu froide..

Diable, diable,il me faut des émotions plus fortes pour m'émouvoir que ces petites diableries de bureau...
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"Endiablade" ( j'ai lu une traduction, dont le titre, est "Diablerie" ), est un bref texte, de Mikhaïl Boulgakov, valant principalement par son style picaresque, qui nourrit bien le côté quelque peu satirique, de ce bref récit.
Boulgakov, sait créer une ambiance très particulière, qui m'a tout simplement enchanté. Il faut dire qu'il sait très bien écrire, et que ces récits, sont parfaitement pensés et réfléchis.
J'ai eu plaisir, à découvrir ce récit bref et efficace. de la bonne littérature.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
 Et aussitôt émergea du tiroir en bois de frêne une tête aux cheveux blond lin bien coiffée, avec des yeux bleus fureteurs. Ensuite vint un cou qui se déroula tel un serpent, puis un craquement de col amidonné, puis apparurent un veston, des bras, un pantalon et, l’instant d’après, un secrétaire au complet débarquait du tiroir sur le feutre rouge en piaulant : « Bonjour ». Il se secoua comme un chien sortant de l’eau, bondit sur ses pieds, renfonça ses manchettes, sortit de sa pochette une plume brevetée et se mit sans plus attendre à gratter. du papier. 
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"Elle dit n'importe quoi, cette idiote, grommelait-il. Elles sont excellentes, ces allumettes."
Au matin, la chambre était remplie d'une étouffante odeur de soufre. Korotkov s'endormit à l'aube et fit un rêve terrible, sans queue ni tête : il était dans un pré vert, en présence d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. C'était tellement hideux qu'il poussa un cri et s'éveilla. Dans le noir et la brume où il était, il lui sembla pendant au moins cinq minutes que la boule était là, à côté de son lit, et qu'elle répandait une forte odeur de soufre. Mais ensuite tout cela disparut ; Korotkov se retourna sur l'autre côté, s'endormit, et cette fois ne se réveilla pas.
(p16)
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L’inconnu était si petit qu’il n’arrivait qu’à la ceinture du grand Korotkov. La médiocrité de sa taille était compensée par la largeur extraordinaire de ses épaules. Son tronc carré était posé sur des jambes torses, dont la gauche, de surcroît, était boiteuse. Mais ce qu’il y avait de plus curieux, c’était la tête. Elle avait la forme exacte d’un gigantesque modèle d’œuf, fixé horizontalement sur le cou, le petit bout en avant. Elle était également chauve comme un œuf et avait un tel éclat que des ampoules électriques brûlaient sur le sommet du crâne de l’inconnu sans jamais s’éteindre. Son visage minuscule était rasé de si près qu’il en était tout bleu. De petits yeux verts de la taille d’une tête d’épingle étaient enfoncés dans ses orbites profondes.
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Á l'époque où les gens étaient toujours en train de sauter d'un emploi à un autre, le camarade Korotkov jouissait d'une position stable au GlavVtsentrbazspimat (Premier Dépôt central de matériel pour allumettes), où il était chef de bureau titulaire, et cela depuis onze mois entiers.
Bien au chaud dans son Spimat, le ten- dre, paisible et blond Korotkov était parvenu à évacuer complètement l'idée qu'il existait en ce monde ce que l'on appelle des revirements du destin, et l'avait remplacée par la conviction que lui, Korotkov, conserverait son emploi au Dépôt jusqu'à la fin de sa vie terestre. Hélas ! il devait en être tout autrement...
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Poussant un cri perçant, un cri de victoire, il fléchit les genoux et s'envola dans le ciel. Aussitôt, il eut le souffle coupé. Vaguement, très vaguement, il vit une chose grise percée de trous noirs s'envoler vers le haut à côté de lui, comme soufflée par une explosion. Puis il vit très nettement que la chose grise était retombée alors que lui-même était remonté vers la fente étroite de la ruelle qui se trouvait maintenant au-dessus de lui. Puis un soleil couleur de sang éclata dans sa tête, et ce fut tout, il ne vit plus rien.
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Que faire quand on n'est plus libre de s'exprimer ? Quand des chefs politiques, tout en se déchirant pour le pouvoir, embrigadent, surveillent, intimident, déportent ou exécutent qui bon leur semble ? Réponse dans un roman sublime, un monument de la littérature russe.
« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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