Durant la première moitié du livre, je n'ai pu que constater le talent de l'auteur et la force littéraire du roman.
Mais par la profusion de personnages dont j'emmêlais les noms, il me fut difficile d'entrer dans l'histoire.
Et puis, petit à petit, je me suis laissé prendre par cette ambiance particulière où le diable se mêle aux hommes, par cette satire où la politique est opprimante et oppressante, par ces situations burlesques, par ces évènements invraisemblables qui amènent les personnages à la folie.
La transposition du vécu des russes sous la dictature de Staline dans une fiction fantastique est remarquable.
Mais, des longueurs ont succédé à des regains d'intérêt.
Moralité, j'ai aimé sans aimer et je ne suis pas mécontente d'avoir terminé.
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Encore un livre culte dans lequel je ne suis pas entrée; j'ai souvent l'impression que la version audio nuit aux grands textes. S'il s'agit d'un livre déjà lu, la version audio permet de raviver la mémoire et découvrir des aspects qui avaient échappés. Là, je n'ai pas encore lu.
Ici, je me suis ennuyée au long du premier CD, la suite est mieux passée mais il me semble évident qu'il me faudra passer par la version papier (ou au moins réécouter dans d'autres conditions.)
fin juillet, deuxième écoute; j'ai mieux compris mais ne suis toujours pas séduite.
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Jubilatoire! Ou comment Boulgakov renverse le mythe de Faust en faisant de Marguerite l'instrument de la rédemption de l'homme qu'elle aime. Rédemption qui passe par un jeu de massacre orgasmique où tous les représentants de l'ordre établi moscovite se font dézinguer allègrement. C'est une révolution féminine qui donna bien du mal à la censure soviétique...
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Ce livre est le plus déjanté, le plus fantastique qu'il m'ait été donné de lire. A titre d'exemple, le personnage principal se transforme en sorcière pour participer à un bal donné par le Diable, des passages se passent à l'époque de Ponce Pilate, le reste dans la Russie communiste de l'entre-deux-guerres. C'est une expérience dépaysante et géniale.
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Comme tous les bons romans, celui-ci est un morceau de vie. Plus précisément, la fin de vie de Boulgakov, préservée entre ces pages alors qu'elle fuyait à la fois son corps malade et un milieu littéraire moscovite gangréné par la censure stalinienne, où l'on ne pouvait guère publier sans accepter de rudes compromis. Ainsi Boulgakov ne se pardonnait-il pas d'avoir négocié avec Staline, acceptant au passage de brûler une partie de ses manuscrits en l'honneur du dictateur : sans doute un pacte avec le diable, de son point de vue… de quoi lui inspirer le thème principal de cette oeuvre écrite dans la totale liberté de ne pas s'attendre à être publié, comme un acte pour se racheter à ses propres yeux, mais aussi aux yeux de la postérité… et des forces mystiques évoquées dans ce livre.
Toutefois, Boulgakov n'a pas la prétention d'implorer directement son pardon auprès de Dieu. Comme il l'écrit dans son livre, ce dernier abhorre la « lâcheté », le « pire de tous les défauts »... dont Boulgakov estime s'être rendu coupable.
Alors, plutôt que de pleurer son sort, il choisit d'en rire : ce renversement des thèmes et des valeurs est au coeur du roman, comme une exaltation de la vie à l'approche de la mort.
Le premier de ces renversements est le rôle du diable. Dans un monde où Dieu vous abandonne, le diable s'avère, mieux qu'un moindre mal, un allié pouvant distordre la ville moderne totalitaire et la faire glisser vers une Russie où la magie a encore sa place. Sous le nom de Woland, Satan s'insinue dans la ville, ensorcelle ses habitants, et frappe des institutions culturelles délétères, exerçant une vengeance comique (donc cosmique : il n'y a qu'à voir l'ampleur qu'elle prend) contre les ennemis de Boulgakov. En se jouant d'eux par ses illusions, Satan révèle paradoxalement les hommes pour ce qu'ils sont. Comme dans certains courants satanistes influencés par le gnosticisme, il devient donc un prophète dressé contre l'irréalité du monde. C'est pourquoi il me paraît plaisant d'envisager que les escamotages du diable de Boulgakov ne sont finalement peut-être pas des illusions, mais plutôt des signes annonciateurs que la vraie vie est ailleurs, la promesse qu'il existe un univers plus réel que la Russie du démiurge stalinien.
Au-delà de ces considérations, ce diable et ses serviteurs brillent par leur dynamisme et leur humanité. Pendant toute la première partie, qui se cherche un héros (rôle que peine à endosser le poète raté Ivan Biezdomny, une erreur de casting digne des anti-héros de Gogol), ce sont eux, les démons et autres vampires qui impulsent le rythme du récit et sont à l'origine de la quasi-totalité des péripéties. Ils avivent les âmes mortes de Moscou, sans même sembler s'intéresser au fait de les récolter. D'ailleurs je ne me souviens pas avoir lu une seule fois le mot « âme » dans tout le roman : un comble quand il est question du diable ! Ce diable-ci, Woland, est avant tout un gai-luron, dédié au jeu et à la fête. Ses bals flamboyants et l'alchimie entre ses démons (ah, les aventures de Béhémoth et Koroviev…) exaltent la libération recherchée par Boulgakov.
Toute cette diablerie cathartique permet de soulever le voile, de laisser entrevoir un espace plus authentique où Boulgakov pourrait se retrouver peu à peu, à travers le personnage du Maître, dont l'apparition (très) longtemps retardée va jusqu'à être saluée dans le titre du premier chapitre qui le met en scène, exemple des nombreux clin d'oeil ludiques adressés au lecteur. Le Maître fait office de prête-nom pour tous les artistes authentiques : il pourrait aussi bien être Boulgakov que ses inspirateurs (tels que Gogol, duquel il emprunte les traits du visage)… ou que ses lecteurs hypothétiques. Le Maître mime la démarche de Boulgakov : paralysé par les institutions (ici incarnées par l'hôpital psychiatrique), il ne pourra reprendre son destin en main que de manière détournée, à travers la fiction. D'abord grâce au personnage dont il écrit l'histoire, un Pilate nouveau (avatar dans l'avatar), s'émancipant de son rôle dans la tradition chrétienne. Puis le Maître verra cette réécriture sulfureuse le délivrer à son tour, en appelant le diable dans sa réalité. Et le dernier ricochet de cette trajectoire complexe est bien sûr censé atteindre Boulgakov dans notre réalité à nous, pour lui accorder lui aussi le pardon tant attendu.
Mais en dehors de sa création littéraire, le Maître demeure très passif. C'est pourquoi Boulgakov lui adjoint un aspect féminin et proactif : Marguerite, qui aspire à s'unir à lui. Elle vivra des aventures pour eux deux, au point de devenir la véritable héroïne du roman dans la seconde partie, où elle retrouve sa jeunesse et sa joie de vivre dans des scènes baroques où Boulgakov recherche le luxe, le luxuriant, le confort, bref, le réconfort.
Parmi tous les encouragements que Boulgakov s'adresse, l'un des plus touchants est résumé par la fameuse réplique de Woland, faisant appel à son autorité de diable pour révoquer le pacte entre Boulgakov et Staline : « Les manuscrits ne brûlent pas ». Autrement dit, une fois créée, l'oeuvre d'art est indestructible. Peu importe qu'elle ne soit connue que de son auteur : quelque chose s'est produit, et a résonné dans le monde spirituel, qui l'a enregistré à jamais.
C'est ce que Boulgakov voulait croire pour se rassurer au moment de mourir sans savoir ce qu'il adviendrait de son oeuvre. Il aura été bien servi par son diable-enregistreur (par ailleurs polyglotte, amateur d'orchestres insolites et bête de scène). Au point que l'on peut suivre la trace de ce dernier jusque dans le cinéma, où il profère, comme un écho : « it's all recorded ».
PS : de même que Nastasia-B, je m'insurge contre les notes de bas de page envahissantes de l'édition Pavillon Poche, qui manquent de respect envers le lecteur, en lui dévoilant sans vergogne certaines péripéties à venir. Ces notes auraient mérité d'être redistribuées dans une annexe, malgré l'utilité de certaines d'entre-elles pour comprendre le contexte.
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Approchez spectateurs, approchez ! le diable est à Moscou ! Venez decouvrir son fâcheux dessein !
Tels pourraient être les mots d'un présentateur de théâtre au moment d'annoncer le Maître et Marguerite, roman allégorique au genre inclassable, pamphlet acide et ultime exutoire de son auteur, Boulgakov, celui qui ne se pardonnera jamais d'être devenu le "dramaturge favori de Staline".
Les années 1930. le diable est donc à Moscou. Il décide de s'attaquer, sans raisons apparentes, aux personnalités du monde du spectacle moscovite. Auteurs, dramaturges, gérants de théâtre se retrouvent persécutés, enfermés à l'asile, ou encore exilés à l autre bout du pays ... Cela nous rappelle quelque chose évidemment ... Les références sont parfois si évidentes que des passages entier furent biffés lors de la première parution du livre en URSS, en 1960, bien après la mort de Boulgakov.
Au milieu de ce tumulte, une jeune femme, Marguerite, va tenter d'intercéder auprès de Satan afin de sauver celui qu'elle aime, un écrivain surnommé "le Maître". Victime d'une dénonciation, ce dernier est enfermé dans un asile de fous où il réfléchit à sa dernière oeuvre : un roman sur la relation entre Jésus Christ et Ponce pilate, le jour fatidique de la crucifixion, le quatorzième du mois de Nisan.
Boulgakov nous propose alors un livre dans le livre, d'une qualité littéraire remarquable et dans un style exceptionnel. Son analyse de cette fameuse journée du mois de Nisan est fondamentalement blasphématoire, mordante, jubilatoire. On y ressent l'amour de Jésus et le mépris de ses disciples, de vulgaires falsificateurs ...
Quel rapport avec la Russie Stalinienne me direz vous ? Et bien selon moi, la remise en question du texte Biblique par le Maître, dans le roman fictif, fait écho à la contestation du régime soviétique dans le livre réel de Boulgakov. Et ce livre, nous l'avons dans les mains ! Il n'a pu être réalisé que parce son auteur bénéficia d'une certaine clémence de la part du régime. A l'instar de son personnage, Boulgakov a conclu un pacte avec le diable et son âme n'en trouva plus le repos. Il est désormais condamné à l'éternel remord de celui qui a chosi sa carrière plutôt que ses idées. Comme Ponce Pilate, il devra désormais contempler avec dégoût cette ville peuplée de lâches dont il est le commandant, mais à laquelle il ne pourra jamais imprimer sa marque. Il devra contempler le crépuscule engloutissant Moscou, comme le fit le procurateur de Judée, en quittant Jérusalem, le quatorzième jour du mois de Nisan ...
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