Elle ne parvenait même plus à être en colère. Seule une tristesse infinie persistait dans son esprit comme dans son cœur… Et voilà que, reléguée à une place mineure, elle s’effaçait comme une quantité négligeable, un objet dépourvu d’intérêt devenu transparent, autant à ses propres yeux qu’à ceux des autres, ce constat engendrant une insupportable souffrance. Elle voulait tant exister ! Prouver à chacun sa force, son talent dans tous les domaines, son indéniable supériorité. Donner l’impression que, pour elle, se battre ne lui demandait aucun effort, que séduire un garçon, n’importe lequel, ne nécessitait qu’un claquement de doigts. Elle, une femme dans un monde encore trop réservé aux hommes avait combattu chaque jour pour résister aux réflexions sexistes de ces mâles arrogants, leur démontrer, quand elle les mettait à terre, que leurs mots ne l’atteignaient pas et que ses aptitudes naturelles les rabaissaient au rang de marionnettes entre ses mains. Alors, comment accepter que son frère, en un instant, fût capable de détruire tout ce qu’elle avait édifié, lui volant l’amitié de Merielle, provoquant l’adhésion de Sekkaï sans aucune action particulière ? La magie… Son cœur s’enfla, mais une nouvelle fois la tristesse l’emporta sur la colère. Pourquoi lui ? Pourquoi ? Comme un cri intérieur de désespoir, sa question explosa dans son esprit. Pourtant, elle croyait tout posséder, tout, se battant avec hargne et panache, et se découvrait presque pitoyable, privée par la vie de ce qui lui revenait de droit. C’était injuste ! Elle se retourna et une larme trouva le chemin de sa joue avant de s’écraser sur le sol. Elle ne pourrait jamais accepter de ne pas être au centre de leurs préoccupations. Exister ! Et elle existerait, devrait-elle leur pourrir chaque heure de chaque jour ! Demain, elle leur prouverait à tous qu’elle ne passerait pas au second plan sans résister.
Refusant d’accepter son échec, elle ne bougea pas et Hang soupira :
— Que tu peux être têtue ! Donc je l’écrase un peu plus. Toujours pas ? Bon, tu me signales quand tu ne peux plus respirer, sinon je continue.
Joignant le geste à la parole, il resserra son étreinte. Soudain, elle se mit à frapper sur son bras frénétiquement et, aussitôt, il relâcha la pression. Naaly se laissa tomber sur le sol, cherchant à reprendre son souffle.
— Tu es complètement fou, finit-elle par lâcher entre deux quintes de toux.
— Tu peux voir ça comme ça. D’un autre côté, avec un autre que moi, tu serais morte…
— Je te déteste !
— Mais oui, Naaly, je sais. Te rends-tu compte que c’est la seule réponse que tu es capable de rétorquer pour expliquer toutes les déceptions que tu rencontres ? Tu détestes ta mère et ton frère parce qu’ils te font de l’ombre. Tu détestes Sekkaï parce qu’il est insensible à ton charme, alors que tous les garçons tombent dans tes bras comme des mouches. Tu détestes Merielle parce que, contre toute attente, elle s’est rapprochée de Tristan et que tu ne veux pas la partager. Tu détestes ton oncle et ton grand-père parce qu’ils ne devraient aimer que toi et que, malheureusement pour toi, ils apprécient aussi ton frère et, en ce moment, tu me maudis, car je liste, sans le moindre remord, tout ce que tu n’as pas envie t’entendre. Tu vaux bien mieux que l’image que tu donnes de toi ! Ras-le-bol de cette fillette capricieuse dont le seul objectif consiste à pourrir la vie des autres !
Il lui tendit la main pour l’aider à se relever, mais elle la refusa.
Présentation des huit tomes de la saga de fantasy et de la promotion sur La Dame Blanche (tome 4) en janvier 2019