Je découvre
Nina Bouraoui avec son 16éme roman
Tous les hommes désirent naturellement savoir, titre tiré de la première phrase d'
Aristote dans Métaphysique, pour nous embarquer dans un voyage personnel, celui du savoir, ceux de son existence et de son passé qui englobent sa famille.
Nina Bouraoui est franco-algérienne, de son père algérien et d'une mére bretonne de Rennes, cette mixité de culture par son enfance entre ces deux pays, devient une vraie richesse. Son premier roman, sera publié en 1991 à l'âge de 24 ans, avec La voyageuse interdite aux éditions Gallimard, puis s'en suivra beaucoup d'autres comme
Mes mauvaises pensées aux éditions Stock publié en 2005, obtenant le prix Renaudot 2005, son dernier
Otages aux éditions C Lattès, publié en 2020 recevant le prix
Anaïs Nin 2020, ces romans sont traduits dans beaucoup de pays, le style de
Nina Bouraoui est multiple, autofiction, autobiographique, avec des thèmes propres à sa vie, comme la nature humaine, la fracture sociale, l'amour, l'homosexualité et toute la poésie qui l'habite, cette douceur d'âme et ce cri de violence à cette violence humaine.
Ce roman est un cahier de souvenir prit dans un tourbillon, pour déchirer ces pages et les rassembler pêlemêle dans un désordre certain, laissant resurgir dans ce présent tout ce passé qui anime sa famille et sa vie, un récit autobiographique croisé entre la Bretagne et l'Algérie, ces deux cultures que forment sa personne et nous pouvons aussi en rajouter une troisième son homosexualité.
Nina Bouraoui considère à appartenir à ces cultures, la France, l'Algérie et l'homosexualité, c'est ce qui fleurit tout ce roman ces trois territoires.
Chaque parties de sa vies est compartimentées par des titres, des verbes à l'infinitif, trois exactement, se souvenir, devenir et savoir, mais un quatrième s'invite à la fin, Être pour insister sur ces passages de sa vie comme primordiaux à ce qu'elle sera, est serait plus juste,
Nina Bouraoui a toujours su ce qu'elle était très jeune déjà, voir même avant sa naissance, homosexuelle et écrivaine sont sa nature, dès qu'elle a ouvert les yeux, c'est la force de cette auteure, comme sa répartit à l'émission de François Brusnel sur l'origine de son homosexualité, lui répondant qu'il y avait pas de réponse comme le fait de son hétérosexualité . Il y a 124 petits récits, dont 70 aux titres Se souvenir, 16 aux Savoir, 35 aux Devenir et 3 pour Être, tous ses petits chapitres, plus ou moins inégaux, de quelques lignes à quelques pages, toujours très court, sont un kaléidoscope de son enfance entremêlant celle de ses parents et ces grands-parents en filigrane, ces paragraphes sont indépendants l'un de l'autre, avec un récit croisé de ses premières années amoureuses.
Je ne connaissais pas
Nina Bouraoui, et je la découvre à travers ce roman poignant, autobiographique sur sa traversé d'adolescence avec son homosexualité, qu'elle assume depuis l'âge de ces 4 ans, elle a vécu grâce à sa famille, surtout sa mére dans une sorte de gynécée, découvrant la beauté des femmes, la sensualité, l'exotisme, puis Paris et cette adolescence qui dérive vers sa nature d'homosexuelle , l'assumer envers les autres , mais la société lui donne un sentiment de honte, de rejet, de peur qu'elle écrit avec beaucoup de force, « Je souffre de ma propre homophobie », puis « Je reste enfermée dans ma peur », « … mes drogues sont la peur, l'angoisse et la mauvaise image que j'ai de moi, je ne m'aime pas… », tous ces mots expriment ce rapport malsain que les gens ont envers les homosexuelles, comme elle l'a subit à Zurich à l'âge de 15 ans, elle fût insultée de lesbienne, de gouine dans son lycée français, puis mise à l'écart de cette meute, des parents refusant que leurs filles viennent dormir chez elle. Sans parler de ce passage,
Nina Bouraoui, laisse au fil de sa prose, les émotions qu'elle glane au fil des évènements qu'elle n'oublie pas, allant de Paris, Rennes, l'Algérie, et autres lieus qui nourrissent ses territoires qu'elle grave au fond de sa chair, comme ce lieu laissé le 17 juillet 1981 à Alger, et cette phrase qui cristallise sa mémoire, « Je suis son architecte et son archéologue. »
Nina parle de son désir d'écrire, elle dit être une architecte, pour construire un édifice amoureux afin de la protéger du monde qui lui semble être injuste pour les plus fragiles. La genèse de ce roman prend racine dans les paysages du désert qu'elle visite avec sa mère dans la GS Bleue, elle découvre les peintures rupestres lui donnant l'inspiration de ce livre.
Nina Bouraoui débute l'écriture lorsqu'elle commence à fréquenter un club lesbien le Katmandou, « le kat », elle a 18 ans, la plus jeune de ce club. Elle se défend d'écrire sur les massacres d'Algérie, par peur et étant la fille de la Française, elle s'en donne pas le droit, beaucoup de pudeur et de douceur semble caresser cette auteure, sa prosaïque est un chant langoureux, une ode que l'on conte comme ces ancêtres algériens, de son nom Bouraoui signifiant en arabe conteur, mais aussi de ces ancêtres bretons, de formidable orateur de fables. Lorsque les mots de
Nina Bouraoui flottent dans votre regard, une poésie chante dans votre coeur où respire au loin la douceur d'être de Nina, son souffle, ses murmures, ses silences tourbillonnent dans ce roman où son amour bourgeonne à chaque page, comme ces incertitudes, ses doutes, ses joies, ses peurs, sa mére, son homosexualité, ses envies, son Algérie, ses paysages, sa famille, la violence…
J'aime beaucoup la douceur des mots de
Nina Bouraoui lorsqu'elle évoque ce territoire paternel, ainsi que sa violence, avec ces drames sur les femmes, l'agression de sa mère, le meurtre de la pharmacienne à cause de son fils, le manque de respect sur sa mère, les femmes qui se battent contre la montée de l'intégrisme, refusant le voile, la gentillesse de la femme qui lit dans l'empreinte de sa main dans le sable, ces femmes enveloppent sa vie, comme celles au Kat, ces femmes qu'elle n'aurait jamais rencontré, des prostituées, des avocates, des délinquantes, des princesses, ce vertige féminin est une part de
Nina Bouraoui, c'est sa chair, son sac de peau, son âme , son esprit, c'est elle qui dans l'ombre chasse l'amour , qu'elle cherche dans ces nuits parisiennes, avec ces ombres nocturnes comme Ely qui se perd dans les vapeurs de la fête, Laurence emprisonnée dans la drogue et sa sexualité, Lizz est un électron libre, petite amie volage de la belle Laurence, Julia son coup coeur, proche de trente ans, attirée par cette femme mais aura peur de franchir le pas, pas ses névroses sociétales et le sida, ce cancer gay, puis Fred l'antillaise , qui discute avec elle, elle a plus de 50 ans, et Nathalie R.
Les hommes sont présents aussi, comme son père, souvent absent, c'est un homme important, qu'elle présente dans des histoires politiques, avec son frère de lait Algérien, son ami d'enfance du même âge Ali, qui ont une fraternité secrète, « nous sommes, aussi, frère et soeur de jouissance. », Tarek, le fils de la pharmacienne, entrainant Ali dans son sillage, ce garçon tuant sa mére par sa frustration sexuelle, et tuant aussi l'amitié entre Ali et Nina écrit cette phrase si brutale et franche, « Je détruis les images, détruisant par la même occasion sa mémoire – pour moi, il est comme mort. », et cet étrange homme, monsieur B , un pâtissier aidé par ses grands-parents à la sortie de la guerre, sortant d'un camp de concentration, qui aime faire des étreintes étranges aux enfants la nuit, que dénoncera sa mère à sa grand-mère qui la traitera de perverse….
Ce roman est une fraicheur de lecture,
Nina Bouraoui est une fleur qui s'épanouit dans les mots et parsèment ces pétales dans le vent de son inspiration, la beauté des couleurs scintillent chaque pages de l'amour de l'auteure
Nina Bouraoui, un plaisir à savourer à chaque instant.