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3,65

sur 234 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un récit émouvant comme un chant qui oscille entre l'intime et l'universel.

C'est un long poème, où l'encre dessine les creux et les silences, esquisse les vides, où le passé “étreint les autres, ceux dont l'histoire se propage à Nina Bouraoui”. C'est un assemblage de textes, plus exactement d'humeurs, de pauses et de soupirs qui s'imbriquent dans un récit, qui retourne toujours à la mer.
Ce récit “Tous les hommes désirent naturellement savoir” est une sorte de sentier initiatique où la mère de Nina est celle qui protège mais aussi celle qui porte les secrets de toute la famille, les failles et les fantômes que la jeune fille peu à peu déplient.


La narration est peut être un livre de psaumes, où il n'y pas de Dieu, mais quelque chose qui procède de l'amour. Il se vit comme une suite de chants, qui vous installe dans une méditation, une atmosphère de solitude végétative, trouble que seule les femmes ont le droit de respirer, jusqu'à la suffocation. Nina parle de la voix de Ely page 35 “ c'est à sa voix si spéciale, que je la reconnais dans la nuit, cette forêt de femmes parmi lesquelles je me fraye un chemin pour la retrouver.


Cette mosaïque de mots parle de son enfance, chahutée par les multiples va-et-vient de ses parents, lui est algérien, elle est bretonne, ils se sont mariés à Rennes, mais ne se sont pas installés. La narratrice retrace le parcours de ses parents, elle ne trouvera aucune empreinte, car ils ne leur restent que des souvenirs, souvent flous, les photos de la famille sont rares, ces rues obscures de son enfance pourraient même suggérer un couple en fuite ou du moins, un couple qui cherche à passer inaperçu.


Dans ses souvenirs, elle évoque page 29 ses peurs ; dans les années 90, c'est la mort d'un médecin psychiatre qui marque le début de la "terreur algérienne." C'est la peur encore qu'elle associe à cette femme si belle, l'épouse du Docteur, car dit-elle,  " sa femme française portait des jupes à plis, des chemisiers si fins qu'il laissait voir sa peau parsemée de taches de rousseur ; chacune d'entre elles était l'impact d'un baiser donné, un baiser du Docteur G."


On pourrait dire aussi que ces textes, rassemble des chants d'amour, la quête inlassable de l'amour, celui que la jeune fille désire mais qu'elle a tant de mal à exprimer, à expliciter. C'est une crevasse qui s'ouvre sous elle, quand aucune de ces rencontres de lui permet de trouver une passerelle entre son corps et ses désirs, ses désirs d'amour, son besoin d'être aimée. La fréquentation du Katmandou, club pour femmes homosexuelles, est une sorte de provocation, une présence semblable à celle que suggère le brouillard.


Le chemin qu'elle trace, est celui de son adolescence, l'affirmation de ce qu'elle savait sans se l'avouer, son homosexualité, et le chemin est long, depuis la honte qu'elle éprouve, une forme de honte sociale, aux premiers émois entre les bras d'une jeune femme qui l'aime sans savoir vraiment jusqu'au ira son premier amour. Elle souligne page 89," je dois quitter mon enfance pour exister."


Savoir, on aimerait savoir, tout savoir de l'amour, et même l'amour de l'amour, Nina Bouraoui nous laisse quelques parcelles de ce savoir quand elle écrit :  "je désire maintenant et je suis désirée, je suis sans passé sans avenir et sans témoins, je pourrais disparaître entre ses mains et pourtant je renais."
Le chant envoûtant d'une jeune femme dévissant sur les fissures de l'âme. 

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«Tous les hommes désirent naturellement savoir.» C'est par ces célèbres mots que commence la Métaphysique d'Aristote. C'est aussi cette célèbre citation qui donne son titre au 15ème roman de Nina Bouraoui, qui à travers ces lignes, livre son enfance, son histoire familiale entre l'Algérie et la France.

L'auteur se plonge dans ses errances et nous emmène avec elle à travers sa honte, sa culpabilité d'être une femme différente. Une femme qui découvre son homosexualité. Une femme à la recherche de ses désirs et de ses amours. Mais surtout une femme qui cherche à se faire aimer.

Une quête de soi, en parallèle d'une quête identitaire, entre l'Algérie de son enfance et la France de ses années étudiantes. C'est avec la violence née en Algérie que sa honte fait surface et devient viscérale au point qu'elle cherche à s'effacer, à s'engloutir dans ses conquêtes, dans ses errances.

Des errances qui la mènent, peu à peu, à l'acceptation de ses différences.

Fille d'un couple mixte, elle grandit dans l'amour familiale mais elle se sent étrangère entre ses deux pays, mais aussi étrangère au sein de ses propres désirs.

Elle couche les mots pour raconter sa haine d'elle-même, sa haine de ses désirs homosexuels. Elle est tour à tour homosexuelle et homophobe, tiraillée entre ses désirs et son éducation. Grandir dans un pays musulmans laisse des traces, elle devient schizophrène à force de se perdre dans ses choix, ses idées et ses désirs.

Comment trouver sa place, à la fois dans son esprit et dans son quotidien ? Nina Bouraoui exprime avec brio ce tiraillement entre l'éducation et les désirs et enfin l'acceptation de soi.

Un livre qui raconte, comme une histoire, racontée à haute voix et même si cela semble parfois décousu,cette manière de se livrer fait que le lecteur s'immerge dans ses souvenirs.

J'ai grandi en Tunisie et par beaucoup d'aspects, je me suis retrouvée dans ce que raconte l'auteur. La place de le femme, ses désirs, les rejets, mais surtout dans l'opposition que l'on ressent entre éducation et aspirations profondes.

L'auteur se livre et nous parle du déracinement, de son enfance et de sa quête identitaire.

Je ne suis pas fan d'autobiographie et je dois dire que lorsque j'ai sollicité le livre sur NetGalley je n'avais pas compris que cela en serait une. Pour autant, je ne regrette pas cette lecture, qui même si elle m'a déstabilisé par sa construction, a été agréable à lire.

Lien : https://julitlesmots.com/201..
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💕🌈💕🌈💕

Se souvenir…
D'Alger. de ma vie avant.
Des garçons puérils, au regard glissant. C'est la peau de ma mère qu'ils désirent. Testostérone en stock. Ils me dégouttent.
De cette ombre qui l'a agressée, déchirée, bafouée un soir. C'est mâle. Ça me répugne.
Je suis avec papa. Je suis son double masculin, le fils de substitution que mes parents n'ont pas eu.
Je suis pied noir, je suis blanche. Je fuis la haine des hommes, les massacres de Kabylie.
Retour en France…

Savoir…
Rennes. La vie avant moi.
Grand-père absent. Grand-mère fuyant.
Parce que tu es blonde maman. On n'épouse pas un musulman quand on est blonde, c'est grand-mère qui l'a dit.
Alors on t'ignore. Encore. On t'a toujours ignorée. Avant ça, on a laissé l'ami entrer, te toucher. On ne voyait rien. Que racontes-tu ma fille. Tu ne seras jamais bonne à rien.
Exil…

Devenir…
Paris. Je deviens femme. Mais ce n'est pas moi dans ce corps.
𝘑'𝘢𝘧𝘧𝘳𝘰𝘯𝘵𝘦 𝘥𝘦𝘶𝘹 𝘧𝘰𝘳𝘤𝘦𝘴 𝘦𝘵 𝘥𝘦𝘶𝘹 𝘧𝘳𝘢𝘨𝘪𝘭𝘪𝘵é𝘴 : 𝘮𝘢 𝘯𝘢𝘵𝘶𝘳𝘦 𝘦𝘵 𝘮𝘢 𝘷𝘪𝘳𝘨𝘪𝘯𝘪𝘵é.
Je me débats dans cette chrysalide. Je deviens un papillon de nuit, écumant les boites à la rechercher d'une identité. Je suis la blanche héroïne. Je fais mes emplettes aux amphet'.
J'écris. Je crie. C'est ma thérapie pour m'assumer…

Être… Enfin…


💕🌈💕🌈💕



🎶
𝘓'𝘰𝘮𝘣𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘦𝘴 𝘤𝘪𝘭𝘴 𝘶𝘯 𝘴𝘦𝘶𝘭 𝘳𝘦𝘨𝘢𝘳𝘥
𝘓'𝘰𝘮𝘣𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘦𝘴 𝘤𝘪𝘭𝘴 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘶𝘯 𝘳𝘦𝘮𝘱𝘢𝘳𝘵
𝘓𝘦 𝘱𝘭𝘢𝘪𝘴𝘪𝘳 𝘧𝘢𝘤𝘪𝘭𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘢𝘮𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘥'𝘶𝘯 𝘴𝘰𝘪𝘳
𝘔𝘦𝘶𝘳𝘦𝘯𝘵 𝘥'𝘶𝘯 𝘰𝘶𝘣𝘭𝘪 𝘴𝘶𝘣𝘵𝘪𝘭 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘦 𝘯oe𝘶𝘥 𝘥'𝘶𝘯 𝘧𝘰𝘶𝘭𝘢𝘳𝘥
𝘊𝘰𝘮𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥𝘦 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴 𝘤𝘰𝘮𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥𝘦 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴
𝘚𝘪 𝘰𝘯 𝘳𝘦𝘴𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘧𝘢𝘤𝘦 à 𝘧𝘢𝘤𝘦 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘶𝘯 𝘮𝘰𝘵
𝘚𝘢𝘯𝘴 𝘶𝘯𝘦 𝘨𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘦𝘧𝘧𝘢𝘤𝘦
𝘊𝘰𝘮𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥𝘦 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴 𝘤𝘰𝘮𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥𝘦 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴
𝘌𝘵 𝘫𝘦 𝘣𝘰𝘪𝘴 𝘫𝘦 𝘣𝘰𝘪𝘴
𝘌𝘵 𝘫𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘴𝘢𝘰𝘶𝘭 𝘥𝘦 𝘵𝘰𝘪 𝘴𝘢𝘰𝘶𝘭 𝘥𝘦 𝘵𝘰𝘪
🎶
Combien de temps, 𝗦𝘁é𝗽𝗵𝗮𝗻 𝗘𝗶𝗰𝗵𝗲𝗿


Les paroles de cette chanson de Stephan Eicher, citée dans le livre, résonnent en filigrane au fil de cette lecture.

En toile de fond, les années 80 et 90. C'est le début de la démocratisation de l'Algerie. C'est les années Sida en Europe. C'est l'éveil d'une homosexualité qui ne s'assume pas encore pour des milliers de jeunes français et françaises.

Roman poignant, au style poétique, direct, tranchant, écrit au présent pour mieux s'ancrer dans le quotidien d'une jeune héroïne anonyme à la recherche des sens et de sa sexualité. Un excellent roman de Nina Bouraoui !
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Les premiers mots de « La Métaphysique d »'Aristote donne le titre à ce livre magnifique.
Découvrir toutes les sensations à travers la mémoire, c'est de là que provient l'expérience. C'est ce que démontre avec beaucoup d'émotion dans de courts chapitres N.Bouraoui.
Cette jeune femme qui je l'espère a trouvé maintenant la sérénité, retrace son enfance , son adolescence, ses années d ‘étudiante, tiraillée entre deux soleils, celui de l'Algérie aimée jusqu'au fantasme, et celui de Rennes plus pâle où elle a passé de nombreuses années près du Thabor chez ses grands parents. C'est le mariage de ses parents , lui algérien, elle bretonne qui a engendré ce grand trouble, 2 pays c'est beaucoup pour une petite fille.  Surtout quand la violence dans les années 90 est de retour à son comble enAlgérie ( de très belles pages). Et quand elle ressent les prémices d'une homosexualité, le trouble devient angoisse et honte.
Avant d'assumer cette préférence, Nina va fréquenter à Paris quand elle est étudiante, une « boite » réservée aux femmes, acceptée, mais dans un coin, elle observe que la violence, le mensonge en particulier font aussi partie de ce milieu, elle en gardera une méfiance pendant longtemps ; jusqu'à enfin s'assumer.
Cette dualité de racines, de sexualité, dans des chapitres intitulés -Devenir- Se souvenir- Savoir- alternativement explique la personnalité de l'auteur, quel courage et quelle lucidité !J'ai été particulièrement émue à la lecture de ce texte, et c'est très rare.
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Avec "Tous les hommes désirent naturellement savoir", Nina Bouraoui se livre a coeur ouvert avec un retour aux sources, aux souvenir, à la mémoire, à la vérité.
Ce roman est beau, il émeut, il touche grâce a cette sensibilité qu'à Nina Bouraoui, une écriture agréable, des chapitres court et incisifs qui s'articulent autour du "savoir, "se souvenir, "devenir et "être".

L'auteure fouille sa jeunesse dans le meilleur comme dans le pire, à la recherche du sens de son désir, de sa propre identité, à la quête des origines de la différence. le récit est poignant car Nina Bouraoui tente de joindre ce qu'elle aime, ce qu'elle ressent, son attitude de jeune femme et la "normalité" qu'on attend à cette époque.

"Tous les hommes désirent naturellement savoir" est aussi un témoignages d'une époque : celle d'une France conservatrice refoulant l'homosexualité, celle de l'Algérie avant la guerre civile...

Un magnifique roman de la rentrée littéraire 2018, grâce à une prose émouvante, un sujet touchant, un bout de vie de Nina Bouraoui livré avec énormément de sentiment, entre exil, enfance, identité sexuelle et féminité.
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Je découvre Nina Bouraoui avec son 16éme roman Tous les hommes désirent naturellement savoir, titre tiré de la première phrase d'Aristote dans Métaphysique, pour nous embarquer dans un voyage personnel, celui du savoir, ceux de son existence et de son passé qui englobent sa famille. Nina Bouraoui est franco-algérienne, de son père algérien et d'une mére bretonne de Rennes, cette mixité de culture par son enfance entre ces deux pays, devient une vraie richesse. Son premier roman, sera publié en 1991 à l'âge de 24 ans, avec La voyageuse interdite aux éditions Gallimard, puis s'en suivra beaucoup d'autres comme Mes mauvaises pensées aux éditions Stock publié en 2005, obtenant le prix Renaudot 2005, son dernier Otages aux éditions C Lattès, publié en 2020 recevant le prix Anaïs Nin 2020, ces romans sont traduits dans beaucoup de pays, le style de Nina Bouraoui est multiple, autofiction, autobiographique, avec des thèmes propres à sa vie, comme la nature humaine, la fracture sociale, l'amour, l'homosexualité et toute la poésie qui l'habite, cette douceur d'âme et ce cri de violence à cette violence humaine.
Ce roman est un cahier de souvenir prit dans un tourbillon, pour déchirer ces pages et les rassembler pêlemêle dans un désordre certain, laissant resurgir dans ce présent tout ce passé qui anime sa famille et sa vie, un récit autobiographique croisé entre la Bretagne et l'Algérie, ces deux cultures que forment sa personne et nous pouvons aussi en rajouter une troisième son homosexualité. Nina Bouraoui considère à appartenir à ces cultures, la France, l'Algérie et l'homosexualité, c'est ce qui fleurit tout ce roman ces trois territoires.
Chaque parties de sa vies est compartimentées par des titres, des verbes à l'infinitif, trois exactement, se souvenir, devenir et savoir, mais un quatrième s'invite à la fin, Être pour insister sur ces passages de sa vie comme primordiaux à ce qu'elle sera, est serait plus juste, Nina Bouraoui a toujours su ce qu'elle était très jeune déjà, voir même avant sa naissance, homosexuelle et écrivaine sont sa nature, dès qu'elle a ouvert les yeux, c'est la force de cette auteure, comme sa répartit à l'émission de François Brusnel sur l'origine de son homosexualité, lui répondant qu'il y avait pas de réponse comme le fait de son hétérosexualité . Il y a 124 petits récits, dont 70 aux titres Se souvenir, 16 aux Savoir, 35 aux Devenir et 3 pour Être, tous ses petits chapitres, plus ou moins inégaux, de quelques lignes à quelques pages, toujours très court, sont un kaléidoscope de son enfance entremêlant celle de ses parents et ces grands-parents en filigrane, ces paragraphes sont indépendants l'un de l'autre, avec un récit croisé de ses premières années amoureuses.
Je ne connaissais pas Nina Bouraoui, et je la découvre à travers ce roman poignant, autobiographique sur sa traversé d'adolescence avec son homosexualité, qu'elle assume depuis l'âge de ces 4 ans, elle a vécu grâce à sa famille, surtout sa mére dans une sorte de gynécée, découvrant la beauté des femmes, la sensualité, l'exotisme, puis Paris et cette adolescence qui dérive vers sa nature d'homosexuelle , l'assumer envers les autres , mais la société lui donne un sentiment de honte, de rejet, de peur qu'elle écrit avec beaucoup de force, « Je souffre de ma propre homophobie », puis « Je reste enfermée dans ma peur », « … mes drogues sont la peur, l'angoisse et la mauvaise image que j'ai de moi, je ne m'aime pas… », tous ces mots expriment ce rapport malsain que les gens ont envers les homosexuelles, comme elle l'a subit à Zurich à l'âge de 15 ans, elle fût insultée de lesbienne, de gouine dans son lycée français, puis mise à l'écart de cette meute, des parents refusant que leurs filles viennent dormir chez elle. Sans parler de ce passage, Nina Bouraoui, laisse au fil de sa prose, les émotions qu'elle glane au fil des évènements qu'elle n'oublie pas, allant de Paris, Rennes, l'Algérie, et autres lieus qui nourrissent ses territoires qu'elle grave au fond de sa chair, comme ce lieu laissé le 17 juillet 1981 à Alger, et cette phrase qui cristallise sa mémoire, « Je suis son architecte et son archéologue. »
Nina parle de son désir d'écrire, elle dit être une architecte, pour construire un édifice amoureux afin de la protéger du monde qui lui semble être injuste pour les plus fragiles. La genèse de ce roman prend racine dans les paysages du désert qu'elle visite avec sa mère dans la GS Bleue, elle découvre les peintures rupestres lui donnant l'inspiration de ce livre. Nina Bouraoui débute l'écriture lorsqu'elle commence à fréquenter un club lesbien le Katmandou, « le kat », elle a 18 ans, la plus jeune de ce club. Elle se défend d'écrire sur les massacres d'Algérie, par peur et étant la fille de la Française, elle s'en donne pas le droit, beaucoup de pudeur et de douceur semble caresser cette auteure, sa prosaïque est un chant langoureux, une ode que l'on conte comme ces ancêtres algériens, de son nom Bouraoui signifiant en arabe conteur, mais aussi de ces ancêtres bretons, de formidable orateur de fables. Lorsque les mots de Nina Bouraoui flottent dans votre regard, une poésie chante dans votre coeur où respire au loin la douceur d'être de Nina, son souffle, ses murmures, ses silences tourbillonnent dans ce roman où son amour bourgeonne à chaque page, comme ces incertitudes, ses doutes, ses joies, ses peurs, sa mére, son homosexualité, ses envies, son Algérie, ses paysages, sa famille, la violence…
J'aime beaucoup la douceur des mots de Nina Bouraoui lorsqu'elle évoque ce territoire paternel, ainsi que sa violence, avec ces drames sur les femmes, l'agression de sa mère, le meurtre de la pharmacienne à cause de son fils, le manque de respect sur sa mère, les femmes qui se battent contre la montée de l'intégrisme, refusant le voile, la gentillesse de la femme qui lit dans l'empreinte de sa main dans le sable, ces femmes enveloppent sa vie, comme celles au Kat, ces femmes qu'elle n'aurait jamais rencontré, des prostituées, des avocates, des délinquantes, des princesses, ce vertige féminin est une part de Nina Bouraoui, c'est sa chair, son sac de peau, son âme , son esprit, c'est elle qui dans l'ombre chasse l'amour , qu'elle cherche dans ces nuits parisiennes, avec ces ombres nocturnes comme Ely qui se perd dans les vapeurs de la fête, Laurence emprisonnée dans la drogue et sa sexualité, Lizz est un électron libre, petite amie volage de la belle Laurence, Julia son coup coeur, proche de trente ans, attirée par cette femme mais aura peur de franchir le pas, pas ses névroses sociétales et le sida, ce cancer gay, puis Fred l'antillaise , qui discute avec elle, elle a plus de 50 ans, et Nathalie R.
Les hommes sont présents aussi, comme son père, souvent absent, c'est un homme important, qu'elle présente dans des histoires politiques, avec son frère de lait Algérien, son ami d'enfance du même âge Ali, qui ont une fraternité secrète, « nous sommes, aussi, frère et soeur de jouissance. », Tarek, le fils de la pharmacienne, entrainant Ali dans son sillage, ce garçon tuant sa mére par sa frustration sexuelle, et tuant aussi l'amitié entre Ali et Nina écrit cette phrase si brutale et franche, « Je détruis les images, détruisant par la même occasion sa mémoire – pour moi, il est comme mort. », et cet étrange homme, monsieur B , un pâtissier aidé par ses grands-parents à la sortie de la guerre, sortant d'un camp de concentration, qui aime faire des étreintes étranges aux enfants la nuit, que dénoncera sa mère à sa grand-mère qui la traitera de perverse….
Ce roman est une fraicheur de lecture, Nina Bouraoui est une fleur qui s'épanouit dans les mots et parsèment ces pétales dans le vent de son inspiration, la beauté des couleurs scintillent chaque pages de l'amour de l'auteure Nina Bouraoui, un plaisir à savourer à chaque instant.
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Nina Bouraoui, sous l'écorce.
Avec Tous les hommes désirent naturellement savoir , Nina Bouraoui se livre à coeur ouvert avec sincérité. C'est un retour à la vérité, un retour aux souvenirs. C'est un retour à la mémoire vive. Celle qui nous habite et nous construit.
Nina Bouraoui interroge et monte à rebours le chemin de sa vie personnelle et littéraire. L'histoire de ses parents se mêle à la sienne pour former un récit en trois points : “Se souvenir” et “Savoir” qui mélangent délicatement ses années d'enfance algérienne et française et la rencontre de ses parents. Quand “Devenir” se concentre davantage sur ses nuits parisiennes au Kat (*Le Katmandou, une boîte de nuit lesbienne) et la découverte du désir qui coïncide avec le début de l'écriture. Nina Bouraoui a toujours eu cette écriture mêlée à sa vie. Une imbrication qui lui fait vivre son désir à travers ses mots. Je crois à cette imbrication en douce violence.
Dire ce qui ne se dit pas.
Les chapitres courts se succèdent et racontent. Ils disent ce qui est tu. Ils disent la sincérité et la dureté de la vie. Ils disent l'homosexualité, sa découverte, son acceptation. Ils disent encore ce qui enfoui à l'intérieur et qui brûle, et qui fait bouillir les entrailles. Ils disent comme un rêve que l'on n'abandonne pas.
La famille est le terreau de la peur.
Ils disent aussi la famille, chambre interdite de la mémoire interdite.
Le vertige et l'équilibre.
Se construire sur ces deux mots.
Ce livre parle d'équilibre, de la violence du désir, de la douceur de l'écriture et de l'origine de ces sentiments mélangés. Tenter de savoir d'où l'on vient, toucher du bout des doigts ce que l'on veut devenir.
Le vertige, le beau vertige qui nous fait nous tenir encore sur le bord de la falaise et qui fait avancer les coeurs perchés en équilibre entre la mer et la vie. Nina, elle, plonge corps et â(r)me dans ce qui la définit, dans ses souvenirs. Elle raccorde, relie, rattache pour (r)assembler.
Ode à la mère.
Une personne évolue comme un astre au centre du récit c'est la mère de Nina Bouraoui. elle admire sa force, sa beauté, sa détermination. Elle grandit entre moments fusionnels et attentes de cette mère qu'elle se promet de chérir, de protéger, même de venger.
« Être » enfin.
Le livre est un chemin pour arriver aux derniers chapitres qui révèlent. Nina Bouraoui a tissé la toile de ses souvenirs et ancré ses racines dans la vie mais elle continue de chercher car elle sait qu'il y aura toujours du mystère et de l'inconnu (…) autour de ceux de nous aimons et qui nous aiment.
Oui, on écrit pour Devenir et pour savoir Être.
Lien : https://memoireduvivantblog...
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Coup de coeur, lu d'une traite. Nina Bouraoui a un talent fou pour narrer l'intime, pour mettre le doigt sur les émotions brutes et en faire des petites joyaux de phrases. J'avais envie de souligner tout le livre, corner toutes les pages. Entre passé et présent, « se souvenir » et  « devenir », entre la France et l'Algérie, c'est une superbe autrice que j'ai enfin pris le temps de découvrir.
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You all know I am a fan of fragmented prose.
This autobiographical novel excels at this! Nina Bouraoui goes back and forth "Devenir" (Becoming), "Se Souvenir" (Remembering), and "Savoir" (Knowing), retracing her childhood steps in Algeria and her experience as a young woman in France.

Belonging to two cultures, coming to terms with her sexuality whilst battling interiorised homophobia, unpacking her family's war trauma are the main themes of the novel. Despite the heaviness of the topics, Nina's text is full of beauty. Algeria is a dreamlike land, full of wonders. The war is tainting the beauty.

The writing is DELICIOUS.
The novel contains many meta-references. Writing is a fighting tool that has the power to protect and save you ("l'écriture parle pour moi et me délivre"). Nina uses writing as a way to heal, to work through her trauma.
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Nina Bouraoui se remémore sa jeunesse à Paris, dans les années 80, quand elle fréquentait les boîtes de nuit réservées aux femmes. En parallèle, elle replonge dans son adolescence à Alger, y cherchant l'origine de son homosexualité. le récit alterne ainsi entre sa vie parisienne, ses rencontres, le sentiment de honte et de haine de soi qu'elle y a ressenti, et les souvenirs de son enfance heureuse en Algérie. Jusqu'à ce qu'un soir, en boîte, une jeune fille se mette à l'obséder.
Ce roman initiatique est marquant par sa profonde sincérité, par un regard sur soi parfois dur et par le portrait juste d'une époque et du milieu de la nuit. La beauté du texte tient aux nombreuses sensations et réminiscences qui traduisent le trouble, les désirs de l'autrice, mais aussi la nostalgie de son enfance. Nina Bouraoui interroge son identité sexuelle et témoigne de la peur de l'homophobie qui l'oblige à se cacher. Elle dépeint sans fard des femmes en quête d'amour, confrontées au rejet de leurs proches, au mal de vivre, à la tentation du suicide ou à l'alcool. Mais elle évoque aussi la complicité avec sa mère, femme rejetée par sa famille pour avoir épousé un Algérien, et révèle le lien existant entre ses premiers émois amoureux et son désir d'écriture : les impressions jadis consignées dans un journal ont été la source de ce texte fort et poétique sur l'acceptation de soi.
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