C'est dans un univers très riche que nous embarque
Charlotte Bousquet avec ce premier tome de l'Archipel des Numinées : inspiré du Quattrocento, on retrouve dans la cité d'Arachnae une ambiance qui n'est pas sans rappeler les bas fonds du Londres Victorien, pauvreté et insalubrité, prostitution, drogues et meurtres ; confrontés au faste, à l'abondance, aux goûts de l'art et des lettres ainsi qu'au libertinage du siècle des Lumières. L'auteur va même jusqu'à donner à certains personnages secondaires des noms de de personnes ayant réellement frayé dans
L Histoire italienne : Borgia, Sforza, etc. Ça donne un accent vraisemblable à son roman, pourtant bel et bien ancré dans l'imaginaire : magie et mythologie sont au rendez-vous. Arachnae est presque un personnage à part entière du roman ; on découvre chacune de ses facettes tout au long de notre lecture et on apprend à l'aimer autant que ses habitants, bien qu'il n'y ai pas toujours de quoi.
Ce roman est profondément sombre et noir : complots, vices, trahison, destins brisés, violences, meurtres, viols ... personne n'est épargné : ni les riches et puissants, ni les pauvres dont on ne connait même pas le nom. C'est une vague de meurtres sordides qui nous ouvre les portes d'Arachnae : de jeunes enfants sont violés et torturés jusqu'à la mort puis abandonnés dans les rues de la ville. Dans le même temps, on découvre qu'un groupe d'individus pratique des rites sacrificiels et anthropophages - qui pourraient s'apparenter à l'idée qu'on se fait du satanisme - au cours de soirées libertines réunissant la haute société. Théodora, personnage central du roman, se retrouve mêlée à l'enquête menée par le capitaine Gracci et devra faire cesser ces horreurs. Aucun détails ne nous est épargné ! Mais le talent de
Charlotte Bousquet permet de ne jamais tomber ni dans le voyeurisme, ni dans le sordide. Tout nous est suggéré si efficacement que les descriptions n'ont pas besoin d'être poussées à l'extrême.
Au delà de l'intrigue, quasi-policière, c'est avant tout les personnages qui m'ont passionné. Chacun d'eux est torturé, double, complexe et terriblement réaliste ! Malgré les dons dont certains sont munis, ils sont tous très humains, avec des failles, de mauvaises réactions, des doutes, etc. Peut être que Théodora est un peu caricaturale au départ, avec des postures typiques d'héroïne de fantasy, forte et combative, un peu rebelle et provocante mais avec un fort sens de la justice ! on apprend vite qu'elle est bien plus complexe que ça : parfois elle se montre faible ou torturée par ses aventures amoureuses... c'en est presque décevant, mais c'est tellement humain ! Et c'est comme ça pour presque tous : au fur et à mesure du roman, chacun se révèle et nous surprend par un tempérament qu'on avait pas vu venir.
Je lis très peu de fantasy, mais j'ai adoré ce premier tome de l'Archipel des Numinées, et je lirai sans doute les suivants. Je garde aussi bien en tête le nom de
Charlotte Bousquet : ça faisait très longtemps que je n'avais plus entamé un livre en me disant "waw ! quelle plume !", et ici ça a été le cas, donc je ne risque pas de la lâcher de sitôt !