Vivez tant que vous le pouvez
Tournoyez, dansez et aimez,
Oubliez donc vos cœurs seulets,
La mort se moque des regrets
Les dernières manœuvres terminées, la trirème s'éloigna. Massée sur l'embarcadère, une petite assemblée assistait au départ du magnifique navire. Sa figure de proue élancée, sculpture d'écume et de bois gris, évoquait une jeune vierge sortant des flots. Ses voiles, comme la bannière argent et nuit de la principauté d'Arachnae, claquait dans le vent. Mouettes et goélands saluaient son départ ; leurs cris moqueurs avaient remplacé les olifants accompagnant le noble cortège et les discours d'adieux, officiels et froids. Le spectacle des trois rangs de rames s'élevant et se baissant au même rythme était hypnotique ; plusieurs personnes comptaient, à voix basse, la cadence régulière.
Nola entra dans son échoppe. Comme toujours, les effluves de cuir, d'encre et de papier la rassurèrent. Le chat fila au fond de la pièce, là où elle gardait, dans un gros bahut de bois peint, quelques provisions et une jarre soigneusement fermée. Il miaula jusqu'à ce qu'elle lui donne de la viande séchée et une coupelle d'eau puis, rassasié, grimpa sur le coffre, se roula en boule et ferma ses grands yeux d'or.
A peine était-elle installée que la clochette tinta, annonçant un visiteur.
Me voici de retour, après un long exil.
Toute le journée, j’ai erré dans cette ville
Qui m’a vu naître ; pourtant j’y suis un étranger,
Aujourd’hui. Le souvenirs des jeunes années
N’étaient que des mirages sans goût ni odeur,
Destinés à me oublier ma douleur.
L’Hiver à ma porte m’emporte tournoyant
De flocons immaculés dans le vent soufflant
Neige et glace. Froidure et congères m’engloutissent ;
Dans un grand linceul blanc tissé de bleu je glisse.
[...] ce qui est difficile, ce n’est pas de se souvenir, c’est de dire.
Ballade des vanités :
Je contemple dans le miroir,
Les visages entremêlés,
De ma sinistre destinée ;
Sous le voile clair de l’espoir,
Se devine le crâne blanc
Au sourire sombre, effrayant
De la mort. Entre-deux, un masque
De chair à la grâce fantasque.
Lui, je l’ai longuement porté.
J’ai cru que ses vices nuances
Blondes, anis et rouge garance,
Suffiraient à ensorceler
Celui que je désirais tant.
Las ! Funeste naïveté !
Candeur gorgée de vanité !
A peine fut-il mon amant,
A peine ses baiser brûlants,
Eurent-ils entr’ouvert la fleure
De mon innocence, son ardeur
ternit. A mes bras s’arrachant,
Au loin l’indifférent s’enfuit ;
Et maintenant seulette suis.
Ma peau et mes yeux délavés
Sont ceux d’une pauvre noyée.
ENVOI
Exquises et douces beautés,
Soyez promptes à déchiffrer,
Dans le reflet d’une psyché,
L’énigme de la vanité.
Quatrains en rouge :
Une mélodie dans le vent
Éparpillée au fil du temps
En quelques notes insensées :
Et meurent nos amoures blessées.
Le fer heurte ms os blanchis
Par le temps, le vent et la pluie.
Un éclat jaillit dans le nuit,
Vestige de mon cœur trahi.
Mêlé à mes larmes, un ichor
Souille ma peau de noirs sillons :
Décharné, yeux crevés, un mort
Pleure et implore le pardon.
Las ! La savoir si proche, mais de lui amoureuse !
Je ne puis souffrir cette flèche douloureuse ;
La jalousie me ronge telle une gangrène,
Et mon amour pour elle se transforma en haine.
Le gain de temps, en politique, est l’atout le plus précieux des désespérés et des incompétents.