Franchement, ça vous dirait de devenir espionne ?
Avant de répondre, prenez conscience de la dangerosité de la chose. Ce n'est évidemment pas de tout repos et vous risquez assez souvent votre vie. Eva Delectorskaya, alias Eve Dalton vous le dira. Elle le dira d'abord à sa fille à qui elle se confesse au bout de trente ans de silence.
Le bon côté de l'affaire, c'est que les spécialistes chargés de vous former, vont faire de vous une espionne de haut vol en appliquant une méthode imparable : l'espionnage pour les nuls, qui va vous apprendre une foule de choses, toutes plus utiles les unes que les autres, et faire de vous une personne pleine de ressources, apte à faire face à n'importe quelle situation, même les plus désespérées !
N'oubliez pas tout de même qu'il vous faudra de la chance et surtout la capacité de vous transcender à tout moment. Eve Dalton, elle l'a !
Intelligemment orchestré par
William Boyd, qui, comme il l'indique dans la post-face de cet ouvrage s'est basé sur des faits réels pour concocter cette brillante mise en scène, vous serez pris dans les filets de cette intrigue basée sur la désinformation, l'invention de "nouvelles" suffisamment crédibles pour déstabiliser les certitudes des dirigeants, pour influer sur le cours des événements et tenter, rien que ça, de faire entrer les Etats-Unis dans le conflit mondial en 1940 et briser leur isolationnisme forcené.
Un pur régal de lecture. Intelligemment construit, oscillant des années 40 à l'année76, celle de la canicule, le lecteur solidement appâté, va déguster cette friandise et apprendre qu'il ne faut faire confiance à personne, personne m'entendez-vous ?
Les incursions dans l'année 76, outre qu'elles permettent de respirer entre deux chapitres des aventures survoltées d'Eve Dalton, sont là pour prouver que même, en période de paix et de prospérité, les dangers sont à notre porte : manifestations contre le shah d'Iran, évocation de la "Fraction Armée Rouge", du terrorisme et du procès d'Andreas Baader .... et la fille d'Eve Dalton, alias Eva Delectorskaya, alias Sally Gilmartin, aura un rôle non négligeable à jouer dans l'imbroglio où se débat sa mère, ce qui permet d'établir le lien entre les deux époques, sans que ce changement n'apparaisse artificiel.
Bien écrit et solidement documenté, ce roman, entre autres qualités, déconstruit totalement le mythe de l'espionnage, souvent pressenti comme romanesque, (pas de James Bond à l'horizon), et le ramène à ce qu'il est : de sales combines destinées à enfumer l'adversaire et où tous les moyens sont bons, l'être humain n'étant réduit qu'à la fonction de pion sur l'échiquier des manigances politiques.