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Un super roman dont je conseille fortement la lecture.
Beaucoup de violence malheureusement. le choix des japonais est ignoble: kidnappings, viols, prostitution quotidienne et répétée pour leur petit confort. Un crime que rien ne pourra effacer.

Mary Lynn Bracht a fait le choix de rendre hommage à ces victimes de guerre, à ces femmes violentées dans leur corps et leur âme à travers deux soeurs Hana et Emy. On découvre l'histoire d'Hana, kidnappée, violée et prostituée en 1943 et parallèlement Emy en 2011, cette petite soeur sauvée par sa grande soeur du déracinement et des atrocités.

Le dénouement est formidable. Une bouffée d'espoir que la majorité des femmes de confort et leur famille n'ont pas eu mais qui permet à cette histoire terrible de trouver un dénouement plus léger pour Emy qui s'en va en paix. Et Hana qui ne finit pas cruellement dans les steppes mongoles avec son bourreau.

A lire absolument. Pour les mémoires de toutes les femmes de confort ayant subi des atrocités et toutes les autres dans les multiples guerres à travers L Histoire.
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Filles de la mer de Mary Lynn Bracht m'a été envoyé par les éditions Robert Laffont, via le site net galley. Et je les remercie chaleureusement :)
Sur l'île de Jeju, au sud de la Corée, Hana et sa petite soeur Emi appartiennent à la communauté haenyeo, au sein de laquelle ce sont les femmes qui font vivre leur famille en pêchant en apnée.
Un jour, alors qu'Hana est en mer, elle aperçoit un soldat japonais sur la plage qui se dirige vers Emi. Aux deux filles on a maintes fois répété de ne jamais se retrouver seules avec un soldat. Craignant pour sa soeur, Hana rejoint le rivage aussi vite qu'elle le peut et se laisse enlever à sa place. Elle devient alors, comme des milliers d'autres Coréennes, une femme de réconfort en Mandchourie.
Avec Filles de la mer, j'ai découverte la communauté haenyeo, que je ne connaissais pas du tout, même de nom.
Et j'ai également découvert que pendant la seconde guerre mondiale des jeunes filles (souvent mineures) étaient enlevées, déracinées de chez elles, pour devenir femme de réconfort pour les soldats japonais.
Même si Filles de la mer est un roman, j'ai apprécié tout le coté historique de l'histoire, qui permet vraiment d'apprendre des choses sur ce qui s'est passé pendant la seconde guerre mondiale en Asie.
J'ai adoré les personnages de Hana et Emi. On les découvre de nos jours pour Emi, avec des retours dans ses souvenirs. Et en 1943 pour Hana. Il est impossible de se perdre car les allers retours sont bien définis, de même que les personnages sont bien identifiés en début de chapitre.
J'ai aimé l'histoire, très bien ficelée. Et j'ai apprécié l'ambiance du roman même si certains passages sont évidemment difficiles à lire vu le sujet.
Filles de la mer est un roman qui m'a beaucoup touché, je l'ai lu tout doucement, en prenant mon temps ; et je suis ravie de ma lecture.
Je l'ai terminé depuis deux jours mais Emi et Hana ont du mal à quitter mon esprit, je pense me souvenir d'elles d'eux pendant un petit moment :)
Je mets évidemment cinq étoiles à cet excellent roman.
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"Nous plongeons dans l'océan comme nos mères et nos grands-mères et nos arrière-grands-mères l'ont fait avant nous depuis des centaines d'années."

En 1910, le Japon annexa la Corée, ses richesses, et ses gamines. C'est le début des répressions contre les traditions et la culture coréennes. Hana est l'une de ces gamines, plongeuse, en eau profonde comme l'était sa mère. Elle appartient à cette communauté "hanenyeo" , dans laquelle les femmes font vivre leur famille en pêchant en apnée  poulpes, coquillages ou abalones et ainsi subvenir aux besoins de leur famille sans jamais dépendre des hommes....
Dès leur plus jeune âge on lui a appris, comme  aux autres gamines à se méfier des soldats japonais.
Elle sort de l'eau et voit l'un de ces soldats d'approcher d'Emi, sa petite soeur. Rapidement elle atteint le rivage et se faire enlever à sa place. Hana est emmenée vers un camion par deux soldats.
Elle est violée, plusieurs fois, comme d'autres gamines. Certaines, trop petites, mourront à la suite des hémorragies consécutives à ces viols.
Hana va quitter sa Corée natale et être emmenée en Manchourie, où elle deviendra "femme de réconfort"  fille à soldats. Six heures par jour elle doit les satisfaire, à la chaine, et suivre les mouvements de ces troupes afin d'être toujours à la disposition de ces soldats pour les satisfaire. Cette fiction, s'appuyant sur des témoignages recueillis par l'auteure auprès de quelques survivantes a le mérite de mettre en lumière des faits méconnus, bien peu dignes pour le Japon. le roman fait alterner les récits de Hana et de Emi qui manifeste contre l'attitude et la politique du Japon, et donne ainsi la parole à ces presque 200 000 « femmes de réconfort » qui ont été déportées en Mandchourie.
Ce roman historique est poignant et dérangeant . Difficile aussi.
On ne compte plus le nombre de livres qui mettent en lumière ou romancent les évènements petits ou grands, les atrocités commises durant la Deuxième Guerre mondiale. Celui-ci est différent car il se centre sur la Corée et la Manchourie, rarement évoquées par d'autres titres, Corée dont toutes les coutumes ancestrales ont peu à peu été effacées à la suite de cette annexion depuis 1910 par le Japon.
"Lorsque le Japon avait déclaré sa guerre au monde en envahissant la Chine, la répression contre les Coréens colonisés s'était encore durcie. L'interdiction de tous les livres d'histoire et de la littérature coréenne avait été renforcée, empêchant purement et simplement l'étude de la culture du pays." (P. 215)
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Mary Lynn BRACHT. Filles de la mer.

Une belle claque dans la figure. Un récit quasi insoutenable. Il ne s'agit pas de fiction.Les évènements se sont déroulés au 20ème siècle ! Une révélation pour moi que la narration de cet épisode tragique dont les femmes sont les malheureuses héroïnes…

Sur l'île de Jeju, au sud de la Corée, Hana, 16 ans vit avec ses père et mère, et sa petite soeur Emi, 9 ans. Une petite vie tranquille, insouciante. Avec sa mère, Hana appartient à la communauté haenyeo. Les femmes pratiquent la pêche sous-marine en apnée et permettent à la famille de subvenir à leurs besoins. Mais les guerres sino-japonaise et la seconde guerre mondiale frappent la population civile. Les soldates japonais ont coutume de kidnapper les jeunes femmes, les jeunes filles. C'est un trésor de guerre et ces femmes sont appelées « femmes de réconfort », livrées aux assauts des soldats avant leur départ pour le front.

Nous allons partager le quotidien de Hana, enlevée sur la plage mais qui s'est livrée volontairement afin de protéger sa petite soeur. le roman est bâti de façon binaire et entrelace le récit de Hana en 1943, et la narration de Emi en 2011, à Séoul. Emi n'a jamais cessé de penser à sa grande soeur. Elle l'a recherchée, fréquentant assidument les manifestations du mercredi, dédiées à la mémoire de ces femmes martyrisées, meurtries dans leurs chairs, déracinées, exilées, soumises à l'homme, avec bestialité.

Cette page d'histoire a été oblitérée, cachée pendant de longues années. Il est impossible de chiffrer le nombre de victimes, réduites à l'esclavage sexuel par l'armée japonaise. Lorsque Mary Lynn BRACHT écrit son livre il ne reste plus que 44 survivantes. Elle nous narre le long voyage imposé à Hana et les pensées de Emi. Nous espérons que cette dernière , non seulement retrouve sa soeur, mais trouve la paix. Elle a caché l'existence de Hana à ses enfants et à son petit fils. Mais le temps des secrets est révolu. Malade, affaiblie, elle veut revoir la statue de la paix. Pour elle, il s'agit de Hana. Combien de larmes versées, combien de chrysanthèmes blancs, symbole de la mort déposés au pied de cette statue. Toutes mes félicitations à cette autrice : elle nous dévoile un épisode douloureux de ces guerres successives. Je recommande la lecture de ce bouleversant témoignage.
( 25/05/2023)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Un gros coup de coeur !

Un livre magnifique, captivant, poignant et déchirant ! Je l'ai dévoré
Il nous raconte ce qui était infligé aux femmes Coréennes captivé par les Japonais en 1943.

Deux destins tragiques de deux soeurs Hana et Emiko...
Hana, pour sauver sa soeur des griffes des Japonais sera capturer et vivra des horreurs.

Le récit alterne avec l'histoire d'Hana et d'Emiko maintenant âgée qui ne s'est jamais remise de la disparition de sa soeur et qui espère savoir ce qu'elle est devenu.

C'est déchirant mais tellement beau!

J'ai découvert une partie de l'histoire que je ne connaissais pas, c'était très intéressant.

Une vraie claque pour l'écriture, le destin de Hana, la découverte historique.

J'ai du mal à m'en remettre.
Je n'oublierai jamais Hana.
Excellent
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Quelle bouleversante lecture sur des événements dont on parle peu d'autant plus que les femmes victimes se sont tues jusqu'à très récemment.

L'histoire de ces deux soeurs Hana, l'aînée enlevée par les japonais pour devenir "femme de réconfort", quel euphémisme qui se résume en fin de compte à femme de bordel réservé aux soldats, et Emi, la cadette, restée auprès de ses parents pêcheur et femme plongeuse en apnée, Haenyo, mais dont le sort n'a pas été non plus des plus heureux.

Les deux voix alternent dans la narration à deux époques différentes : à chaque chapitre l'on suit soit Hana en 1943 lors de son enlèvement et pendant son douloureux périple que lui impose les événements et son ravisseur : Morimoto, et Emi en 2011 qui fera le voyage inverse, dans ses souvenirs. Un lien indestructible lie les deux femmes, même à travers les années, même si elles ont été séparées depuis plus de 60 ans. Toutes les deux auront subi des atrocités, contraintes par les faits à subir leur jeunesse et leur dans d'atroces conditions, mentales ou physiques.

Comment peut-on survivre à une prostitution forcée, à 16 ans, dans des conditions effroyables d'hygiène, de condition, de respect, lorsque vous n'êtes plus qu'un morceau de chair utile au bien-être des hommes sur le front, sans valeur, dont la vie ne tient qu'à un fil et qu'au bon vouloir de vos bourreaux ?

Hana a l'impression de n'être qu'un plat sur un menu, que l'on convoite, choisit, puis consomme. (p107)

Comment survivre quand la fatalité vous oblige à épouser un monstre à double visage, le père de vos enfants, ne rien révéler pour protéger ceux-ci d'une vérité difficile à accepter ? Comment survivre à la séparation de sa famille, de ses racines, de cette soeur que vous aviez pour mission de protéger, que vous avez sauvée mais qui vous manque ? Vivre loin de la mer, votre élément, où vous avez la fierté d'une profession rare, réservée aux femmes de votre île, qui est transmise de mère en fille.

Ma lecture a été parsemée d'émotions, de terreur, de colère, de découverte également de faits dont j'avais déjà entendu parler mais sans trop me rendre compte à quel point ces femmes avaient souffert.

Grâce à Kim Hak-Sun, coréenne, ancienne "femme de confort" qui a révélé en 1991 ces faits, nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas, mais est-ce pour cela que les choses changent .....

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que tout ceci reste d'actualité : les femmes payent la double peine : pays en guerre mais aussi viols ou enlèvement pour devenir des femmes esclaves sexuelles : Daech etc...., des femmes-enfants parfois, qui y laissent leur vie d'une manière ou l'autre.

Bouleversant témoignage, sans concession, implacable, direct et réaliste, un livre qui restera en mémoire, pour longtemps. Une belle lecture malgré un sujet terrible mais  j'aime quand un récit allie des faits, réels mais aussi une histoire cohérente, vraie et empreinte de demande de justice et de reconnaissance.

Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Cela fait un petit moment que ce livre me fait de l'oeil et j'ai enfin trouvé le temps de sortir celui-ci de ma liseuse, de plus ce sujet m'intéressait fortement car j'ai très peu de connaissance ce qu'on vécu ces femmes en Corée.

J'ai donc pris le temps de découvrir ce récit qui change des lectures habituelles sur la Seconde Guerre Mondiale se situant en Europe, l'auteur à également eu la très bonne idée de nous narrer le récit du point de vue de deux jeunes femmes.

La première Hana qui est enlevé par un soldat japonais alors qu'elle est partie pêcher avec sa mère et sa soeur, leur famille faisant partie de la communauté haenyeo ou les femmes chassent en étant en apnée.

Hana va vouloir protéger sa plus jeune soeur et va revenir rapidement sur le rivage devant un soldat japonais, dès lors elle va être embarqué dans un long périple jusqu'à sa destination finale avec de nombreuses jeunes filles tout comme elle durant l'année 1943.

C'est le récit de la voix d'Hana qui m'a plus plu car c'est la que nous en apprenons le plus sur la situation dans le sud de la Corée à cette époque.

L'autre partie nous est narré en 2011 par Emi qui se bat pour que cette situation soit connue est reconnue, beaucoup de femmes étant concernées par le sujet et cela est toujours aussi tabou. Cette situation a été reconnue dans les années 1991 soit bien des années plus tard et de mon côté je n'en avais jamais entendu parler avant cette lecture.

J'ai trouvé la plume de l'auteur très agréable à suivre les choses étant narrées avec justesse à mes yeux, sans tomber dans le pathos ou le sordide et pourtant le destin d'Hana est plus que sordide car ces jeunes filles sont envoyés dans un border pour servir de "femmes de réconfort" pour les soldats japonais.

Un livre qui me change de mon registre habituel et dont je garderai le souvenir durant un petit moment.
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Hana est une haenyeo, une femme de la mer. Tout comme sa mère, elle plonge dans les profondeurs glacées de la petite crique de son île coréenne. Elle sonde les fonds aquatiques pour dénicher abalones, oursins, conques et poulpes rouges.
Sur la plage de galets, sa petite soeur Emiko surveille la pêche et tient lieu de phare rassurant lorsqu'Hana émerge des eaux froides.
En cette année 1943, la Corée est un pays occupé par les Japonais. Enfouies la langue et la culture coréennes, l'identité d'une nation. À sa place, la peur, peur de l'uniforme japonais, peur des soldats envahisseurs. Peur du japonais Morimoto qui arrive vers la crique, peur que sa petite soeur tant aimée soit enlevée. Hana va au devant de l'ennemi pour protéger Emiko.
Les peurs se multiplient, peur de l'éloignement, peur de quitter son pays, peur de ne plus jamais revoir la petite Emi. Dans le ferry, puis dans le train roulant vers la Mandchourie, l'infâme envahisseur dort tranquillement pendant qu'une terreur de plus en plus sourde habite ces filles kidnappées pour devenir d'avilissantes femmes de réconfort.

Des dizaines d'années plus loin, Emi trouve le silence, la quiétude, dans les mêmes fonds marins. Les souffrances de son corps de 77 ans s'apaisent dans les eaux glacées. Les réminiscences sont trop douloureuses, elle tente de taire ses souvenirs mais ils se manifestent tout de même dans ses cauchemars.

Comme en plongée en apnée, la respiration s'interrompt parfois lors de cette lecture poignante et douloureuse.
Comment ne pas être broyée par ces kidnappings, ces viols répétés, ces tortures, cet avilissement et ces humiliations subits par toutes ces femmes, ces jeunes filles, ces enfants ?
Le mot dégoût est bien trop léger pour qualifier la sensation éprouvée devant cette ignoble page de l'histoire japonaise.

J'ai tremblé et tant souffert pour Hana.
J'ai haï Morimoto, un concentré de méchanceté, de brutalité, de sadisme.
J'ai peiné sous le fardeau d'Emi, cette souffrance enfouie, cette inévitable culpabilité ressentie toute sa vie face au sacrifice de sa soeur.
J'ai été révoltée par les difficultés à faire reconnaître comme crimes de guerre cet esclavage sexuel, au refus du gouvernement japonais à s'excuser devant les victimes.

Lecture bouleversante mais heureusement romancée pour nous, pauvres lecteurs, impuissants à changer l'Histoire et toutes les atrocités inhumaines qui la composent.

Au-delà de cette horreur, c'est une très belle relation sororale avec l'image d'Hana, qui, pour survivre aux viols, retient sa respiration tout en s'imaginant serrer la main de sa petite soeur et entendre son rire cristallin.
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Tout d'abord je tiens à remercier Ladybirdy qui, par sa jolie critique si poignante, m'a donné envie de lire ce livre.
J'avoue que je connais assez peu l'histoire de l'Asie, de la Corée principalement. J'ai appris beaucoup de choses et cela va m'amener à chercher à connaître encore davantage.

Quelle claque!!... Comment ne pas crier, ne pas pleurer, devant toutes ces scènes si dures et si réelles?
Hana est haenyeo: une pêcheuse sur une île de Corée. Son pays est envahi par les soldats japonais dont les parents lui apprennent à se méfier. Quand elle voit ce soldat sur la plage, qui s'approche dangereusement de sa petite soeur, elle se dévoile pour se faire enlever à sa place. Elle va vivre l'horreur quotidienne des "femmes de réconfort", ces Coréennes qui se font enlever ou piéger pour être enfermées dans des bordels où elles sont violées du matin au soir par des soldats qui les utilisent, au mépris de leur humanité...
Ce roman est bien écrit, extrêmement bien documenté, très réaliste. Heureusement, il est à 2 voix: on est aussi dans un passé beaucoup plus proche, avec la petite soeur, Emi, qui veut retrouver Hana près de 60 ans plus tard. Petit à petit, son histoire se dévoile, qui paraît moins lourde au premier abord. Cela permet au lecteur de souffler un peu tant les images et le récit de la vie d'Hana sont terribles.

On ressort de cette lecture complètement par terre... Comment est-ce possible que l'humain soit capable de tant d'horreur, de se comporter de manière aussi infâme, et de ne pas le reconnaître? On a envie juste de crier "Plus jamais ça"... Un livre à lire absolument, pour ne jamais oublier, et ne jamais laisser tomber ou passer à autre chose.
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Souvent les livres d'Histoire, ce sont des dates, des événements et on a beau savoir que ces derniers ont charrié avec eux des vies humaines par centaines de milliers, elles restent anonymes, oubliées... A qui la faute? L'humain est ainsi fait qu'il préfère parfois l'ignorance, que le présent l'occupe tout entier... Et puis, il y a L Histoire qui nous est proche et celle des autres. L'Occident darde son regard sur l'Occident le plus souvent: on a moins mal de ce qui est loin, on se sent moins concerné, moins blessé.
Et puis parfois, une histoire, une image et le regard va plus loin, au-delà des mers, s'enflamme pour une Histoire qui ne lui appartient pas. Pas plus qu'à ses ancêtres, redevient pleinement humain ("ô vous frères humains!" écrivait Cohen!) et ce miracle-là qui vient nous déciller, c'est souvent à la fiction qu'on le doit.

Ainsi, je n'étais pas sans savoir que le Japon avait occupé la Corée empli alors de ses désirs (de ses délires?) expansionnistes, que cette dernière, meurtrie et sanglante, porte encore aujourd'hui les stigmates de ces années d'horreur. Mais ce que je savais se résumait à trois paragraphes dans un livre d'Histoire, aux trois minutes et demi d'un reportage fugace diffusé à la télévisions, à deux articles grapillés sur internet. Les êtres, les victimes, les histoires dans L Histoire, je n'en savais rien et j'ignorais tout des "femmes de confort" dont l'épithète laisse pourtant deviner l'horreur.
Avec "Filles de la Mer", Mary Lynn Bracht m'a sorti de mon ignorance et m'a offert un récit âpre et prenant, qui m'a happée comme j'aime à l'être.

1943. La Corée est occupée par les japonais et la population survit tant bien que mal aux exactions commises par les soldats, aux spoliations, aux déportations, à l'obligation pour les jeunes hommes d'aller mourir sur un front qui n'est pas le leur, pour un pays qui les condamne et les torture. L'île de Jeju se situe au sud du pays et est essentiellement habitée par de modestes familles de pêcheurs dans lesquelles évoluent les femmes de la communauté des Haenyeo, des plongeuses en apnée, pêcheuses et sirènes, qui se transmettent leur savoir de mère en filles.
Hana a seize ans, Emi sa soeur en a neuf et elles grandissent au coeur d'un foyer aimant. Un jour qu'elle plonge au large, l'aînée repère sur le rivage un groupe de soldats japonais. Terrorisée à l'idée que sa soeur, demeurée sur la plage, ne tombe entre leurs griffes, elle se précipite sur la grève et parvient à dissimuler Emi dans un effort désespéré, un acte d'amour et de courage, sacrificiel même qui précipite sa fin et la mort de sa liberté. En effet Hana est ravie par les soldats, séquestrée, violée puis expédié dans un bordel en Mandchourie pour venir grossir les rangs des "femmes de confort" destinées aux japonais. Objet. Poupée. Esclave sexuelle.
Brisée par la culpabilité, Emi doit faire face au désespoir de ses parents et finit par occulter de sa mémoire cet épisode traumatique. Pour tenir. Pour ne pas mourir. Parce que le chagrin est trop violent et qu'il pourrait bien la lacérer. Parce qu'il faut être forte pour ce qui adviendra ensuite.
Des années plus tard pourtant, lancinant, le passé revient la hanter et les souvenirs reviennent déguisés en cauchemars.
La narration est bâtie sur une double temporalité et fait alterner les voix des deux soeurs: on est avec Hana en 1943 alors qu'on retrouve Emi en 2011 se rendant avec ses enfants aux manifestations du mercredi à Séoul, dans l'espoir de retrouver la trace de Hana qu'elle est convaincue d'avoir condamnée.

"Filles de la mer" est un roman poignant, déchirant (à cet égard, le récit du calvaire de Hana est à la limite du supportable!) qui s'inspire du destin des deux cent mille jeunes filles qui ont été enlevées aux leurs pour servir d'esclaves sexuelles aux soldats de l'armée japonaise. Au récit de ce crime de guerre que le Japon continue de nier alors même que la parole s'est libérée et démultipliée, le roman de Mary Lynn Bracht ajoute une dimension intime bouleversante. L'ouvrage se fait certes roman historique mais c'est aussi une saga familiale, des portraits de femmes intenses et blessés, le récit d'un deuil impossible et celui de la violence des hommes et de la guerre. Bouleversant. Edifiant. Douloureux.

Alors certes, la langue n'est pas foncièrement belle ou travaillée mais elle est claire, brute, âpre et puis, les personnages sont si bien incarnés...
Alors certes, le tout n'est pas exempt de quelques ressorts romanesques un peu faciles, mais la fin...
Et parce que j'ai voulu hurler, parce que j'ai failli vomir, parce que mes yeux me brûlaient et que ma gorge était si serrée, je me dis que cette lecture m'aura offert ce que j'attendais et bien plus encore: le feu et la révolte, une très belle histoire d'amour entre soeurs aussi, ce qui m'a le plus étreint le coeur.





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