Reçu dans le cadre de Masse Critique de juin 2023,
Mémoires Veines de
Paule Brajkovic, édité chez Alba Capella est une belle découverte qui se déploie graduellement. C'est une somme de témoignages entremêlés d'un récit fictionnel donnant corps à la conscience collective d'une famille, prise dans les vents de la grande histoire, celle des pieds-noirs en Algérie.
Mémoires Veines est passionnant à plus d'un titre :
C'est une oeuvre qui parle de l'exil, du poids des souvenirs se transmettant aux générations ne l'ayant pas ou peu connu, mais qui modèle leur jeune personnalité. La réflexion sur l'histoire intergénérationnelle est extrêmement touchante, évoque d'autres récits/romans d'exilés, dont «
Tant qu'il y aura des cèdres » de
Pierre Jarawan et « L'île aux arbres disparus » de
Elif Shafak.
Ce récit familial fait découvrir à celles et ceux qui ne la connaissent pas, l'Algérie, au-delà de l'histoire enseignée à l'école, vécue et aimée profondément par ses habitants. Ces récits, lettres et témoignages sont riches d'enseignement. La réflexion qui s'en dégage est empreinte d'humanité, de détresse parfois quand les gens sont pris dans la folie de la guerre. Il n'y a pas de jugement historique mais des vies vécues qui s'entremêlent et se répondent.
La lumière est présente tout du long, les odeurs de fleurs, le sable, les noms des vents qui donnent à voir et à aimer le pays tout au long des récits. La vie de quartier à Oran, les habitudes des gens, la sociabilité, tous ces aspects sont particulièrement réussis.
Le livre est aussi un matériau d'étude : le retour des pieds-noirs en France est dramatique et la jeune autrice grandit en but à l'hostilité déclarée des autres, assimilée à un groupe, une histoire qui n'est pas reconnaissable ni dans ce qu'elle a connu ni dans les récits de ses parents. Jugés et condamnés.
A ce titre ces récits sont universels, notamment sur les exilés ou les retours d'exil.
Un livre captivant et émouvant donc, que je recommande !
Il faut prendre le temps de comprendre au premier abord que l'oeuvre est un prisme, que j'ai démarrée d'ailleurs par la lecture des photos de famille, pour (re)venir au début pour s'embarquer avec le narrateur sur le navire le Ramier, en 1834, vers l'Algérie.