Il en faut beaucoup pour se faire virer de la Guarda irlandaise... vraiment beaucoup ! Mais Jack Taylor aime les challenges et réussira haut la main l'exploit, accumulant l'alcoolisme à l'insolence, la violence puis les voies de fait sur un officiel.
Sans travail, mais ayant cependant besoin de liquidités (sic) pour financer son addiction, Jack se fait enquêteur privé... Entre deux cuites, il se voit confier la mission de trouver les véritables raisons de la mort de Sarah, dont la mère est convaincue qu'il ne s'agit pas d'un suicide. Avec l'aide de
Sutton, un autre poivrot dont il se serait bien passé, Jack va avancer, cahin-caha, vers la vérité.
Un flic/ex-flic/privé porté sur la bouteille, rien d'étonnant ni d'original. Mais ici, l'alcoolisme du personnage principal est porté au rang de véritable religion ! Avec son cérémonial, ses fanatiques et ses moments de grâce.
Cette addiction, qui est en elle-même un personnage de ce roman, rend Jack Taylor sympathique et attachant. Car ici, « le problème de boisson » comme on dit pudiquement, ne provoque pas la pitié ou le dégoût du lecteur, bien au contraire. On suit les descentes et les tentatives d'abstinence de Jack avec empathie, se réjouissant de ses victoires et replongeant en sa compagnie avec compréhension.
Beaucoup de cynisme dans « Delirium tremens » donc, aussi bien chez les personnages que dans l'histoire, car les méthodes de Jack et
Sutton pour confondre les coupables sont pour le moins expéditives ! La place n'est pas à la demi-mesure ! du coup, la narration s'en trouve agrémentée de passages parfois foutraques, loufoques et excessifs, ajoutant une dose d'humour noir à cette histoire déjà sombre.
L'intrigue en elle-même se déroule sans surprise et sans effet de style. L'intérêt de cette lecture n'est pas là. Plus que de savoir si Jack va découvrir le pourquoi et comment de la mort de Sarah, le lecteur est happé par les relations complexes, conflictuelles et résolument drôles de Jack avec ses comparses. Des rapports entre haine et amour, sans filtre, parfois violents, mais profondément sincères. Irlandais, quoi !
Un mot sur le style de
Ken Bruen, qui démarque agréablement des romans noirs habituels : une écriture concise, sans fioriture, donnant une grandes part aux dialogues déjantés. Et puis des listes, des notes, qui sont autant d'essais pour ordonner des pensées souvent tumultueuses. Et cerise sur le gâteau : une playlist très sympathique.
Déjà lectrice de
D. Westlake, que K.
Bruen rejoint dans l'humour noir et le cynisme, je me réjouis d'avoir découvert par hasard cette première aventure de Jack Taylor. « Delirium tremens » apporte ce qu'il faut d'ébouriffements et de sourires pour que l'on en redemande rapidement.