AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Vanda (70)

Adolescente, elle détestait aller à la piscine avec l'école. Elle se souvient des moqueries des deux bâtards de sa classe, en quatrième, parce que personne ne lui avait expliqué qu'il fallait se raser les jambes. Sa mère ne risquait pas de lui donner ce genre de conseil, elle était trop occupée à plier sous les conquêtes, espérant que l'une d'entre elles reste et l'épouse malgré son boulet de fille. Les deux connards avaient mimé un singe, des filles avaient gloussé. Pourtant elle était déjà belle, mais l'âge du collège laisse peu de place à la beauté. Il lui préfère la hargne et le lapidaire, l'ordre et le rang. Age de la bêtise de meute érigée en courage. La détestation de la piscine lui est restée.
Commenter  J’apprécie          50
Et puis ça remonte, l'écoeurement, elle a quitté la banlieue pour aller vivre à Paris, c'est pas pour revenir dans un endroit du même genre où elle a l'impression que les gens se sont habillés dans les poubelles ou avec ce qui leur est tombé sous la main, ou du camion. Ils sont laids, elle nierait bien sûr mais au fond c'est exactement ce qu'elle pense ; elle n'avait jamais réalisé à quel point elle aime ça, être entourée de gens qui, à défaut d'être naturellement beaux, font ce qu'il faut pour être élégants, assortis, qui font gaffe au regard des autres. ca lui fait honte, elle est de gauche.
Commenter  J’apprécie          20
Vanda voit surtout que ce sont deux choses contradictoires, un peu comme baisser le nombre d’enseignants pour promouvoir l’éducation ou faire sauter des allocs pour lutter contre la pauvreté. Elle n’est pas cortiquée pour ce type d’illogisme. Au rythme où se multiplient les non-sens, les hôpitaux psychiatriques vont se remplir de plus en plus, c’est tellement évident qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait Science Po pour s’en rendre compte. Ça pourrait bien la rendre folle, et d’autres avec elle. Les pulsations, aux tempes, lui serrent la tête. Dire qu’elle a envie de renverser lu bureau devant elle est un euphémisme.
Commenter  J’apprécie          20
Quand il ressort, le ciel est rose et et nuageux comme une pâtisserie.
Commenter  J’apprécie          20
Noé vit au cabanon depuis qu’il est né, c’est sa maison. Certains disent à Vanda qu’elle devrait partir. Qu’elle et Noé pourraient peut-être emménager dans un appartement du centre, avec de la hauteur et la lumière qui inonde les tomettes, des rideaux aux fenêtres, et une chambre chacun pour soi. Une machine à laver aussi, ce serait pratique. Là elle doit se cacher au boulot pour laver leur linge dans la buanderie collective. Vanda secoue toujours la tête, elle dit non, chez nous c’est ici, et puis il y a la mer. Parfois elle y pense tout de même, quand il fait froid malgré les poêles à fioul et que le gamin fait ses devoirs avec son anorak, ou si elle rentre avec un type. Toute façon j’ai pas les moyens, elle dit. Ça coûte moins cher qu’un deux-pièces au centre-ville. Et puis il y a la mer.
Commenter  J’apprécie          140
INCIPIT
Il restera pas
Elle l’a reconnu tout de suite, s’est arrêtée de respirer, glacée. Il boit près des enceintes, remue à peine dans un balancement raisonnable de la tête, le sourire ennuyé du mec qui n’a pas traîné dans ce genre d’endroit depuis longtemps.
Qu’est-ce qu’il fout là ? Vanda ne l’a pas revu depuis presque sept ans. Sept ans c’est loin, une autre vie – formule éculée pour une réalité charnelle. Le type ne bouge pas, il y a longtemps déjà il était comme ça, incapable de danser, le corps qui s’empêche, il n’y avait que dans le sexe qu’il devenait mouvant, surprenant de désordre et prêt à l’envol.
Tournant le dos à la scène, Vanda traverse le groupe de danseurs, pousse les corps en sueur, les torses qui tressautent et se heurtent. Les visages luisants et orangés sont tordus dans la lumière, les dents à découvert. À mesure que le groupe sur scène s’excite de plus en plus et que l’ambiance du bar monte encore d’un cran, elle réalise qu’elle est déjà drôlement bourrée. Le vertige de l’alcool et l’impression d’être envahie sur ses terres. Lui, près des enceintes, il ne fait plus partie de son paysage. Il s’y superpose tel un insecte sur un tableau aimé. Il faut qu’elle rentre, elle doit fuir l’autre, rejailli d’entre les disparus, bordel il faut vraiment qu’elle bouge avant qu’il la voie. Elle se coule vers le comptoir, commande une vodka. La dernière, elle annonce au serveur, qui lui sourit sans y croire. Il s’en tape qu’elle mente, il en voit tous les soirs des pires qu’elle. Et elle aussi il la voit souvent, depuis longtemps. Ce bar, c’est une fausse famille à force, des gens avec qui rire sans en avoir vraiment envie, des ivrognes qui deviennent plus familiers que les cousins avec qui on faisait les marioles ou que ses propres gosses. Il n’y a que dans cet endroit qu’on peut encore écouter des groupes de punks qui font de la musique comme on défonce un abribus ou un distributeur de billets. Du rock un peu sale, pour des fêtards d’un même tonneau. Ici, il y en a d’autres qui lui ressemblent, des abîmés qui ont oublié de vieillir. Vanda boit sa vodka d’un seul mouvement, une longue gorgée qui pique à peine, repose le verre sans douceur sur le comptoir.
Parce qu’elle plie sous l’urgence, elle tient parole et décline d’un geste la proposition du serveur qui ressort la bouteille. C’est rare qu’elle refuse le dernier verre offert par la maison, mais là il faut qu’elle se tire, elle n’a pas le choix, trop à perdre et les mains qui tremblent.
Sur le trottoir des types fument, et l’un d’entre eux lui fait des signes d’au revoir, il titube en rigolant.
– Salut Vanda, fais gaffe sur la corniche.
Elle allume une clope sans répondre avant d’ouvrir sa Renault 21 hors d’âge qu’elle n’aura jamais les moyens de remplacer. Elle a laissé un bras au garagiste pour la dernière courroie de distribution, maintenant ça fait moins de bruit quand elle roule, un luxe. Secouée par un rire anxieux elle se glisse dans l’habitacle, un rire de femme saoule ou de jeune fille qui fait le mur. Un rire excentrique et embarrassant. Mais avant qu’elle ne démarre il est là, tout près, si près qu’elle sursaute – il a posé une main sur la portière, là où la vitre est descendue. Il ne dit rien, lui sourit simplement. Elle peut voir qu’il a vieilli, ça lui va pas si mal. Comme elle reste interdite, bouche cousue, il finit par reculer son visage, gêné peut-être.
– Je suis dans le coin pour quelques jours, ce serait bien qu’on boive un verre.
Pour ne pas répondre elle grogne, bave un ouais qui dit l’inverse, fait démarrer la bagnole. Il faut qu’elle parte. Il restera pas.
Elle appuie sur l’accélérateur pour filer le plus vite possible, alors il est obligé de lâcher la portière.
Vanda coupe par le centre-ville et rejoint la mer qu’elle longe, la tête penchée vers la fenêtre, pour le plaisir et la claque fraîche qui lui permet de tenir la route. Elle pense à Simon, il est temps de rendre son nom au mec croisé au bar, le mec d’il y a longtemps. Un copain du copain d’un copain, à cette époque ils étaient nombreux à traîner en bande, courir les vernissages pour boire l’apéro à l’œil et remplir leurs poches de cacahuètes, ils étaient tous plus ou moins artistes, certains moins que d’autres, tous plus ou moins allumés, certains plus que d’autres. Ils rigolaient bien. Ça a duré quelques mois leur histoire et puis il est parti, elle ne comptait pas qu’il revienne, vraiment pas.
En faisant des grimaces dans la nuit, Vanda tente de chasser le souvenir, chantonne en roulant des épaules pour un public invisible. C’est seulement quand elle s’engage dans la traverse qui rejoint la plage qu’elle se tait et s’apaise un peu. Ici il y a le bruit des vagues, l’aspiration animale du ressac. Elle ne ferme pas la voiture, personne n’en voudrait. Elle la gare toujours au même endroit, tout contre le parapet qui surplombe la plage ; les voisins ne disent rien, ceux des villas – ça fait longtemps qu’elle vit ici, même si elle n’a pas vraiment le droit. Du sable est collé sous la calandre et dans les sillons des pneus presque lisses. À l’intérieur aussi il y a du sable partout, sous ses fesses et au sol, un bordel monstre à l’arrière, les sièges rabattus. Des pots de peinture et de la térébenthine, du white spirit, des morceaux de bois, une pelle en plastique. Et le duvet déroulé, bossu.
Au bruit que fait le hayon en s’ouvrant, ça s’agite dans le duvet. L’enfant se réveille mais pas complètement, juste ce qu’il faut pour s’extirper du duvet et s’agripper à sa mère, qui l’attrape contre sa hanche, le portant à moitié – malgré ses six ans il ne pèse pas grand-chose. Dans son état, la descente des marches jusqu’au cabanon est acrobatique, mais elle a l’habitude, c’est souvent qu’elle l’embarque et rentre avec lui dans la nuit. En revanche dans le sable c’est plus dur, elle manque de s’effondrer et son pied tape dans une canette de bière oubliée. Ça la fait ricaner mollement, elle ne se sent plus si saoule pourtant – la route, le vent, et l’odeur de la mer à présent, son mouvement. Et le corps de l’enfant, sa tête qui roule contre elle.
Le plus doucement possible, elle ouvre le volet efflanqué puis la porte, la referme sur eux et sur la pièce unique, aveugle. Elle accompagne l’enfant dans le grand lit, il se coule sous la couette, un bras hors du drap, et se rendort instantanément, la bouche entrouverte, les tempes encore mouillées par une suée nocturne. Vanda s’accroupit près de lui, enfonce le visage dans son cou pour le sentir, renifler ses odeurs de nuit. Elle l’embrasse comme on dévore, au risque de le réveiller à nouveau.
– Mon bébé, mon Bulot, je t’aime, je t’aime.
Une litanie, une chanson douce et folle – son garçon au sommeil lourd ne se réveille pas.
Commenter  J’apprécie          30
Vanda a admis très tôt qu’elle était seule, comme on est seul au jour de sa mort.
Elle en a consommé la douleur jusqu’à en faire une identité, une armure. Les autres comptent un peu, mais ils s’en vont, disparaissent. Regarde sa meilleure amie d’école primaire, celle avec qui elle jouait sous les draps, et la petite bande du lycée dont la principale préoccupation était de fuir le coin au plus vite. Elle ne sait pas ce qu’ils sont devenus, ils n’ont pas résisté au temps, à l’absence. Et les amours terribles, de celles qui donnent du sens aux pulsations, pour qui on pense pouvoir mourir, ou qui nous ont tué en partant. C’est des conneries, on n’en meurt pas.
Quand son fils est né, quand elle l’a reçu contre elle pour la première fois, ça a déchiré quelque chose, en dedans. Il était là et il n’avait qu’elle. Il va t’aimer toute sa vie, elle se répétait, et elle ne savait pas si c’était Un bonheur ou une putain de malédiction.
Commenter  J’apprécie          160
Noé s'est entortillé dans sa couette, son visage endormi vers l'oiseau. C'est un vertige de le regarder dormir sa respiration, son corps détendu et cette vie intérieure qui sinue dans son sommeil
Commenter  J’apprécie          60
Mais au fond de son sac, personne ne sait qu'elle trimballe toujours un tee-shirt sale de Noé. Un qui porte son odeur, dans lequel elle enfonce son visage quand le monde devient trop menaçant.
Commenter  J’apprécie          140
Simon n'est pas revenu depuis sept ans et ces quelques jours ressemblent à un mémorial de lui-même. Il n'est pas là pour rien, bien sûr qu'il ne serait pas revenu sans la mort de sa mère.
Les bars sont les mêmes, et chaque lieu lui donne l'impression de s'y voir " il y a sept ans ". çà donne de l'épaisseur et un statut d'homme mûr, il y a sept ans. C'est plein et symbolique, ça fait mec qui a vécu.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (830) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Frangine de Marion Brunet

    Pourquoi Laura se fait-elle harceler au lycée?

    Car sa mère est handicapée physiquement
    Car son père sourd-muet
    Car elle a deux mères
    Car elle a deux pères

    10 questions
    42 lecteurs ont répondu
    Thème : Frangine de Marion BrunetCréer un quiz sur ce livre

    {* *}