Cahné Charlotte – "
Fatale descente" – Lattès / Masque, 2018 (ISBN 978-2-7024-4888-5)
Autant préciser d'emblée que – même si le récit est plutôt bien enlevé et bien mené –, le côté enquête et intrigue policière n'a rien d'original dans ce roman : l'auteur a pioché dans les schémas simples et efficaces du polar états-unisien façon détective privé, "loser" à la dérive et sans le sous.
L'intérêt principal de ce récit réside dans le tableau – au vitriol – du milieu de la publicité, que l'auteur est sensée bien connaître puisqu'elle en fait partie (nous dit l'éditeur). Reste à espérer (c'est un milieu que je ne connais guère, auquel je ne porte qu'un très très faible intérêt) que cette description sans fard est fortement exagérée, centrée qu'elle est sur la consommation de drogue (très à la mode dans ces milieux dits "branchés") et la fumisterie outrancière du paraître à tout-prix.
Même si le taux de véracité de ce récit ne devait pas excéder les cinquante pour cent, il n'en resterait pas moins effarant de penser que des ramassis de détraqués, comme celui qui nous est ici dépeint, constituent le rouage indispensable de la pub, ce véritable cancer rongeant les sociétés actuelles dorénavant fondées sur le consumérisme effréné et l'hédonisme narcissique, dont les individus sont constamment harcelés (le terme est faible) par d' omniprésentes publicités d'une abyssale vulgarité et d'un conformisme affligeant.
Il suffit de penser que les GAFA (google, face-book et autres réseaux de fichage systématique des citoyennes et citoyens) ne fonctionnent pratiquement qu'avec les recettes monstrueuses engrangées via cette activité nauséeuse dépourvue de la moindre utilité pour être convaincu que l'on va inéluctablement vers le "meilleur des mondes"...
Sous cet angle, la lecture de ce roman fait craindre le pire...
Petit à-côté : là où les détectives des polars des années cinquante-soixante du siècle dernier se noyaient dans l'alcool – ils en avalaient d'invraisemblables hectolitres au fil des pages – il va de soi que le détective paumé d'aujourd'hui se noie dans la drogue.
On constatera toutefois une différence de taille : si les gouvernements de ces anciens temps déployèrent des efforts considérables pour combattre l'alcoolisme, il n'est guère contestable qu'aucun gouvernement d'après mai-68 n'a réellement entrepris quoi que ce soit contre la consommation de drogue. Certains membres du gouvernement Jospin affichaient publiquement leur consommation, et toute une sphère journalistique matraque à longueur de colonnes l'impérieuse nécessité de "libéraliser" le commerce de la drogue (le quotidien "Le Monde" par exemple entretient depuis plusieurs années une campagne incessante en ce sens).
On ne sera donc pas surpris de constater qu'une fois de plus, nous avons ici affaire à un récit dans lequel il est implicitement et explicitement admis que tous les personnages consomment de la drogue sans rencontrer la moindre difficulté d'approvisionnement ni le moindre problème de police.
La jonction entre la drogue "physique" ingérée par les corps, et la "drogue" mentale pilonnée par la pub dans les esprits fournit un bon ressort à ce récit, qui se distingue donc surtout par sa valeur de témoignage sur les moeurs de certaines strates de la société occidentale actuelle.