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sur 1269 notes
Dix-huitième siècle. le vicomte génois Médard de Terralba rejoint l'armée du Saint-Empire romain germanique en guerre contre les Turcs. Toute l'absurdité de la bataille est démontrée d'une manière cinglante à travers cet évènement : le vicomte, frappé par un boulet de canon, finit en bouillie. Mais peut-être devrait-on parler de semi-compote… ?


« Quand on retira le drap qui couvrait le vicomte, on vit son corps effroyablement mutilé. Non seulement il lui manquait un bras et une jambe, mais tout ce qu'il y avait de thorax et d'abdomen entre ce bras et cette jambe avait été emporté, pulvérisé par ce coup de canon à bout portant. Pour la tête, il n'en restait qu'un oeil, une oreille, une joue, la moitié du menton et la moitié du front : de l'autre moitié, il ne subsistait qu'une bouillie. Pour résumer, il ne demeurait plus qu'une moitié de lui, la moitié droite, du reste parfaitement conservée, sans une égratignure, à part l'énorme déchirure qui l'avait séparée de la moitié gauche réduite en miettes. »



En effet, le vicomte Médard, plus absurde que la guerre, a été scindé en deux parties strictement symétriques. L'une, a priori irrécupérable, est laissée à l'abandon. L'autre fera l'objet des soins acharnés de médecins d'abord passionnés par la biologie avant d'être dévoués à la cause humaine : c'est pourquoi ils passeront tout leur temps à réparer la moitié récupérable de Médard au détriment de petits blessés moins stimulants, qui finiront bon gré mal gré par rendre l'âme. A l'issue de ces soins, la moitié se relève, triomphante. Dispensée de guerre, elle retourne à Terralba et montre sa nouvelle nature : mauvaise, elle dispense sa cruauté sans distinction d'âge ni de sexe. Il semblerait que ce soit la mauvaise moitié de Médard qui ait survécu…

Le récit est pris en charge par le neveu de Médard, un orphelin un peu vagabond qui, par son statut même, permet au lecteur de prendre conscience des répercussions engendrées par les méfaits du vicomte sur l'ensemble du territoire de Terralba. La jeunesse du narrateur, dont l'âge ne dépasse pas la dizaine d'années au moment des faits, permet de porter sur les évènements un regard innocent qui frôle souvent la naïveté. Les actes, de quelque cruauté qu'ils soient, sont décrits avec un détachement et une neutralité qui feraient presque passer le jeune neveu pour un maître de l'humour noir. Toutefois, son innocence permet aussi d'atteindre à des emportements de bonheur sincères et à un humanisme primordial, dénué de toute considération cynique portant sur l'être humain. A ce moment-là, l'écriture se teinte d'imaginaire et devient plus poétique.

La vie à Terralba, centrée autour des péripéties engendrées par le vicomte, prend un tournant lorsque celui-ci tombe amoureux de Paméla, une bergère bonne vivante pour qui les sentiments amoureux sont un constituant de la vie au même titre que les travaux agricoles ou que le repos dans le pré. Se marier avec la cruauté même ne semble pas être le gage d'un avenir réussi… Mais l'hésitation ne tarde pas à se faire sentir lorsque de plus en plus de villageois témoignent de ce fait incroyable : le vicomte se montre parfois bon. L'amour métamorphoserait-il notre homme ? Que non ! La réalité est encore plus fantastique : la deuxième moitié du vicomte, que tout le monde croyait disparue, est revenue à Terralba.

Le récit prend une tournure symbolique et met en scène l'affrontement de la force du bien contre celle du mal. La confrontation n'est pas immédiatement directe : elle se met en place à travers les répercussions des actes de chaque moitié sur la vie des villageois, qui pâtissent plus que jamais de cette cohabitation des deux moitiés dans un même lieu. Elle finira dans un affrontement concret qui se cristallise autour de la possession de Paméla.

Malgré l'interprétation symbolique évidente de cette confrontation, on ne peut pas dire que la lecture du Vicomte Pourfendu soit vraiment marquante. La forme du conte est en partie responsable du caractère anecdotique d'une intrigue pourtant originale et qui aurait pu donner lieu à des approfondissements plus intéressants. La singularité de l'écriture, à la fois cruelle et enchantée, truffée de passages burlesques qui prêtent à sourire, ne parvient pas à compenser la banalité d'une conclusion moralisante qui étonne surtout pas son évidence. Malgré le caractère anecdotique de l'intrigue, il n'empêche que la lecture du Vicomte Pourfendu laisse le souvenir d'un divertissement stimulant qui donne envie d'aller creuser plus loin dans l'oeuvre d'Italo Calvino.
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Livre très original, agréable à lire. C'est une dualité entre le bien et le mal. le héros, Médard de Terralba a été coupé en deux par un boulet de canon. Ces deux moitiés vont subsister, l'une manifestant une extrème méchanceté, l'autre une grande bonté. Texte très différent du "baron perché", mais cependant très intéressant et inventif.
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Ni tout noir ni tout blanc et heureusement, tel est l'être humain et la morale de ce conte philosophique à l'humour un peu ubuesque. En effet, si trop de mal provoque le malheur de l'humanité, trop de bien ne l'améliore pas forcément d'autant que ce qui semble être un bien peut devenir un mal selon les circonstances.
Bref dans ce livre Calvino démonte les mécanismes du manichéisme et rend à l'humanité ses droits, c'est-à-dire sa part de bien tempérée par une part de mal qui semble-t-il lui serait nécessaire, évitant ainsi dogmatismes, fanatismes et autres ismes néfastes au bonheur de l'humanité.
A qui me dira que résumer ainsi ce livre est un peu simpl...iste, je répondrai que Calvino renvoie chacun à sa conscience et à son libre arbitre, lui laissant le soin d'interpéter son histoire comme il l'entend.
A bon pourfendeur, salut !
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Je retrouve Italo Calvino que j’avais découvert dans les années 80. Je me souviens encore que des amis m’avaient offert Si par une nuit d’hiver un voyageur, roman étonnant ! J’ai lu ensuite Cosmicomics. Ce n’est que très récemment que j’ai eu envie de lire soit Les villes invisibles, soit l’un des romans de la Trilogie « Nos ancêtres », à savoir Le vicomte pourfendu (1952), Le baron perché (1957) ou Le chevalier inexistant (1959). J’ai donc choisi de faire connaissance avec ce vicomte.

C'est l’histoire du vicomte Médard, qui va dès la page 22 se faire couper en deux par un boulet de canon. Son corps, ou ce qu’il en reste, un bras, une jambe, un demi-visage, une moitié d’homme, est soigné et rendu à la vie par des médecins enthousiasmés par un cas aussi rare. Mais lorsque le vicomte revient sur ses terres, en son château, plus que son apparence fragmentaire, c’est sa méchanceté sans fond qui frappe le plus son entourage. Ce qu’il inflige autour de lui est pire que ce qu’il a eu le temps de voir sur le champ de bataille, c’est peu dire.
Il peut arriver dans la vie de se sentir incomplet, notamment à l’adolescence, ou lorsque l’on se retrouve seul après un deuil ou une séparation, le vicomte Médard a, lui, vraiment perdu la moitié de lui-même au combat, et il ne reste que la mauvaise part. Ce qu’il va en faire, il vous faudra lire le livre pour le savoir !
L’histoire, narrée par le neveu tout jeune et innocent de Médard, est un tourbillon de péripéties menées de main de maître par Italo Calvino. La méchanceté immense incarnée par le vicomte, l’imagination et l’humour sans bornes de l’auteur, les nombreuses références à l’univers du conte, les surprises que révèle la fin du texte, tout m’a plu dans ce court roman, que je recommande à qui veut découvrir l’auteur italien.
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Le vicomte de Terralba perd sa moitié à la guerre . Non, pas sa femme, sa moitié, son côté gauche, le côté du coeur... le voilà de retour chez lui, mais sans sa bonne moitié, c'est un micomte pardon, un vicomte cruel qui revient. Et le menuisier de construire des gibets perfectionnés pour assouvir la justice expéditive du Seigneur... D'aventure en aventure, il se trouve que la moitié gauche revient, mais ce bon vicomte n'est pas lui non plus exempt de reproches, ou du moins ses initiatives peuvent être aussi désastreuses que celles de l'autre moitié. Mais au cours d'un duel, le bien et le mal se réconcilient et le vicomte de Terralba retrouve son intégrité.
Un régal d'humour et de vivacité, une réflexion sur l'équilibre de l'esprtt... et un grand plaisir de lecture.
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Premier conte de la trilogie. Notre narrateur retrouve son oncle revenant de guerre, enfin plutôt, la moitié de son oncle, fendu aux combats dans le sens de la longueur. Il a bien changé cet oncle devenu méchant. Jusqu'au jour où son autre moitié revient aussi, elle gentille. Quelle moitié fait l'homme ? Qui va l'emporter même pourrait-on imaginer ? Si tant est que l'une doive l'emporter : rien n'est tout blanc ni tout noir. La gentillesse peut aussi avoir ses excès. Notre célèbre auteur italien fait ici oeuvre fantastique originale et légère. Je me dis qu'il aurait pu aller plus loin, approfondir encore... Mais c'est un conte, dont le succès n'est plus à faire. Continuons la suite...
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Le vicomte Médard de Terralba revient de la guerre contre les Turcs, mais amputé. Un boulet de canon l'a coupé en deux et a emporté la partie gauche. « C'est l'avantage d'être pourfendu que de comprendre dans chaque tête et dans toute chose la peine que chaque être et toute chose ressentent d'être incomplets. » (p. 60) Hélas, la partie droite restée intacte est la mauvaise moitié, celle d'un homme méchant et qui prend plaisir à tourmenter ses semblables. Au château de Terralba, on ne sait s'il faut se réjouir du retour du vicomte ou déplorer que la trajectoire du boulet n'ait pas dévié de quelques centimètres. « Pour beaucoup d'hommes valeureux [...], leurs ordures d'hier sont encore sur la terre alors qu'eux sont déjà au ciel. » (p. 8) Après quelque temps, quelle joie de voir finalement revenir la deuxième moitié de Médard, celle qui est bonne et généreuse. Mais les deux parties sont hélas extrêmes dans leur comportement : le vice et la bonté poussés à leur paroxysme sont finalement aussi intolérables l'un que l'autre ! « Nos sentiments devenaient incolores et obtus parce que nous nous sentions comme perdus entre une vertu et une perversité également inhumaines. » (p. 74) Ah, si seulement il était possible de réconcilier les deux moitiés du vicomte...

J'achève la trilogie Nos ancêtres par le premier texte. Après le baron perché et le chevalier inexistant, je peux affirmer que je n'ai pas pris autant de plaisir à des lectures depuis longtemps. Ces trois textes sont courts, mais riches d'une réflexion intelligente sur les caractères et ce qui fonde la nature de l'homme. Italo Calvino exploite avec talent le genre du merveilleux pour délivrer des contes aux allures de paraboles et d'allégories. En le lisant, on rit autant qu'on s'interroge, et c'est assez rare pour être souligné.
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Le vicomte Médard de Terralba n'était encore que "dans sa première jeunesse, âge où les sentiments n'ont qu'un élan confus dans lequel le bien et le mal ne sont point encore distincts, âge où l'amour de la vie rend chaude et trépidante toute expérience nouvelle, même inhumaine et macabre", lorsqu'un boulet de canon le coupa tout bonnement en deux, en pleine guerre contre les Turcs.

La moitié droite fut retrouvée, soignée, et c'est vêtu d'une longue cape cachant l'autre moitié dans l'ombre, que Médard rentra enfin chez lui, semant la terreur, condamnant à mort de malheureux paysans, coupant en deux tout ce qui se trouvait sur sa route, incendiant, menaçant, torturant tout ce qui était sur son chemin et finissant par envoyer sa propre nourrice chez les lépreux.
L'autre moitié, la gauche, avait pourtant bien une vie à elle et était l'exact opposé, emplie de vertu et soignant la moindre petite bête en danger.
C'est ainsi que le jeune Médard fut directement en lien avec le bien et le mal.

Le narrateur n'est autre que le neveu du vicomte et observe les méfaits de son oncle, tout comme la lâcheté du docteur et l'hypocrisie des Huguenots avec une innocence et une honnêteté qui fait tout l'humour de ce roman onirique. La jolie paysanne Paméla, elle, est un modèle de sagesse et de vie dans cet univers absurde.

Un chouette conte moral sur la juste part de Bien et de Mal qui coexistent en nous.
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C'est un roman qui se lit par à coup, chapitre après chapitre, pour mieux comprendre les nombreuses significations, symboles et références culturelles tout au long du livre. Chaque chapitre peut à lui seul représenter une petite histoire, une évolution de cette histoire bien étrange mais tellement amusante et originale vers un dénouement attendu et prévisible.
Calvino nous réconcilie avec notre part de nous-même qui refuse de reconnaître notre mauvais esprit, notre part d'ombre, tout en renforçant notre côté positif. Nous sommes des êtres ambivalents, et chaque personnage a une part double ici. Personne n'est totalement bon, ni totalement mauvais. Quand on croit un personnage meilleur, on se rend compte plus tard qu'il a aussi des défauts. L'écriture est aussi double, Calvino joue avec les temps, les propositions et les paragraphes et la dualité se fait par la syntaxe. Enfin l'univers est à la fois réaliste et merveilleux, ensoleillé et pluvieux, en hiver comme en été. Calvino s'amuse lui aussi à écrire, à jouer avec le lecteur, car une seule lecture ne m'a pas permis de comprendre toutes les références littéraires, historiques et philosophiques.
La fin peut décevoir légèrement, elle tombe un peu à plat, mais elle symbolise bien, à travers le narrateur, l'absence de Dieu pour l'homme qui doit se débrouiller seul.
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Etonnante lecture qui tient du conte philosophique à la Voltaire.

Conte initiatique, ce récit traite, mine de rien et sous un mode particulièrement cynique, de nombreuses questions existentielles . La question du bien et du mal est omniprésente et démontre au lecteur médusé que la quête de l'absolu reste vaine, que son objet soit le bien ou le mal.
Différents modèles de société sont proposés, de la cellule familiale otarcique à la vie communautaire, en passant par le retour à la vie sauvage, Italo Calvino ne semble se satisfaire d'aucun modèle stéréotypé.
Le rapport à la sensualité est évoqué de façon très comique et l'initiation à la sexualité se fait de façon métaphorique et très amusante : en effet, tour à tour embarqué dans une scène d'orgie de lépreux, recueilli par une mère nourricière dépourvue de toute sexualité et débarqué au sein d'une histoire d'amour dévastatrice, le jeune homme que nous accompagnons finira par être le témoin d'un mariage pour le moins détonnant.
Le récit est court mais riche, il évoque, en filigranne la place de la femme dans une société menée par les hommes, le question de la "bonne" façon de gouverner, la science et le progré technique...

Une lecture qui peut également être proposée aux jeunes et aux adolescents parce qu'elle peut se faire à différents degrés. C'est d'ailleurs au collège que j'avais rencontré pour la première fois cet étrange vicomte pourfendu.
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