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Sur une île (dont on ne connaitra jamais le nom, mais qui sent bon les embruns) , le facteur se met à distribuer des lettres anonymes . Au café " La Marine " , les regards se font suspicieux , le gendarme Gwenegan , observe .
Face au Corbeau malveillant, une gentille vieille dame devient La Corneille , et envoie des lettres sympas , histoire de rétablir l'équilibre .
Tour à tour dans la tête des uns ou des autres , Christophe Carlier nous offre un petit OVNI , de 174 petites pages... Aucun suspens, mais du charme à revendre .
Très poétique, remarquablement écrit, malicieux, "Ressentiments distingués" tient plus de la fable que du roman policier ,( et la présence d'un corbeau n'a rien à voir dans mon ressenti ...).
Un roman ciselé , rythmé et très distingué !
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Excellent! Grand enthousiasme à la lecture de ce roman! Merci à Babelio et aux éditions Phébus de m'avoir permis de découvrir, après l'original policier"L'assassin à la pomme verte", un autre livre de Christophe Carlier.


Déjà, bravo pour le titre, qui ,en jouant sur les mots, montre bien qu'il sera question de correspondance peu bienveillante...Le corbeau qui domine l'île, sur la première de couverture, confirme cette impression de missives anonymes et angoissantes .

On pense , bien sûr, au début, à "La plume empoisonnée "d'Agatha Christie,mais le thème est traité ici de toute autre façon.

Tout d'abord, la première partie du livre présente assez classiquement en apparence les diverses réactions des habitants de cette petite île, à la suite de l'envoi des lettres anonymes.En apparence seulement, car l'auteur sait créer une atmosphère particulière, en paragraphes courts, qui multiplient les points de vue, déroutent le lecteur et le tiennent en haleine.

Et surtout, il établit un parallèle entre l'île, personnage à part entière, inquiétant, dangereux, et ses corbeaux, annonciateurs d'événements funèbres , et le Corbeau épistolaire, planant sur ce microcosme humain et prenant plaisir à le dominer, à lui faire peur.

La deuxième partie est vraiment jubilatoire ! C'est le point de vue du Corbeau que l'on nous donne.Évidemment, je ne vous révélerai rien à son propos mais il est très intéressant de comprendre ses motivations, son ressenti face aux conséquences de ses actes.

Quant à ce que l'on pourrait appeler l'épilogue, il est tout simplement délicieusement ironique et cruel...

Ce livre n'est pas à lire comme un simple roman policier, je pense d'ailleurs qu'il pourrait plaire à tous , plus particulièrement à ceux qui aiment les histoires singulières , piquantes, et bien écrites. Car j'ai laissé pour la fin ce que j'ai apprécié par-dessus tout , c'est justement le style: enlevé, riche en images, vraiment réjouissant, tour à tour poétique, cinglant, réaliste. Une mention spéciale pour les portraits si expressifs, juste en quelques mots, des différents personnages.

Alors, je vous invite à faire la connaissance à la fois de la belle plume acérée de l'auteur et de celle, plus laconique mais plus virulente du Corbeau...
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À la lecture de la quatrième de couverture, j'avais trouvé une forte ressemblance entre Ressentiments Distingués et un autre livre également reçu lors d'une opération masse critique : La Lièvre et le Corbeau : Une enquête rurale de Philippe Loul Amblard.
Moyennant un environnement différent (d'un village occitan à une île bretonne) le pitch est identique avec la présence d'un corbeau semant la zizanie au sein d'une petite communauté. Soupçons, commérages, médisances et intrigues, le tout dans l'écrin resserré d'un petit microcosme.

Mais si le style raffiné de ce Christophe Carlier est plaisant, côté histoire je suis plutôt resté sur ma faim. Pourtant, le début de Ressentiments distingués se fait en fanfare : ne serait-ce que ce titre qui en dit long et qui est très bien trouvé. Dès les premières pages on rencontre le style recherché, littéraire, tout en métaphores et références de l'auteur. le contenu des premières missives anonymes est caché au lecteur qui est d'ailleurs mis dans la situation du destinataire, de la victime du corbeau, lorsque, pendant une première partie de très bonne qualité, l'auteur lui prodigue de minuscules paragraphes laconiques, brefs, n'entretenant pas toujours de rapport, mais jouissifs et frustrants, faisant qu'il accueillera avec joie le moment où les enchaînements se feront logiques.
Mais si l'exercice de style est réussi, une plume imagée ne fait pas tout et peut, parfois, dépasser le nécessaire ou l'agréable pour tomber dans la lourdeur et la fatuité. de plus, la particularité de l'histoire de lettres anonymes présentée ici tient au fait que le corbeau est mythomane ou plutôt fabulateur, et que les méchancetés qu'il rédige, sans qu'elles n'aient de fond de vérité, ne font mouche que grâce à leurs tournures vagues, leurs références floues, la mise en exergue de petits travers que l'on pourrait retrouver chez monsieur tout le monde. On est face à une version particulièrement nocive d'un corbeau tirant en aveugle, et c'est là une belle idée qui, à mon sens, n'est pas assez développée. La brièveté de ce roman y est peut-être pour quelque chose, mais j'ai souvent trouvé les bonnes idées sous-exploitées (la lettre d'un mort, la corneille face au corbeau, la disparition mystérieuse d'une habitante, etc.).
Après une première partie extrêmement plaisante, la suivante m'a fait l'effet d'une douche froide, la suite, heureusement relève le niveau.

Je remercie Babelio et les éditions Phébus pour ce beau petit roman (l'objet est d'ailleurs de bonne facture) qui aurait mérité d'être un peu plus consistant.
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Voici un petit livre bien original.
Une île aux habitants peu commodes, aux caractères forgés par des années de vie et d'isolement dans un climat bien rude : le décor et les personnages sont posés d'emblée.
J'aime l'atmosphère assez rugueuse et mystérieuse qui se dégage dès les premières pages.
L'insularité, avec ses particularités, offre une ambiance générale spéciale : dans ce petit milieu fermé tous se connaissent (ou croient se connaître) et s'épient.
Un corbeau venu mettre ses pieds (ou plutôt ses pattes !) dans le plat va faire voler en éclat l'équilibre de cette micro-société ; et comme partout, l'envers du décor n'est pas joli-joli...
Christophe Carlier, que je découvre à travers cette lecture, a concocté un excellent début d'histoire : le lecteur est bien accroché, les pages se tournent toutes seules, on veut savoir où l'auteur va nous mener.
Le hic, c'est que je suis une lectrice exigeante ; plus précisément, quand l'entrée en matière fait naître l'espoir d'une lecture de qualité, je veux cette qualité et pas autre chose. Je n'aime pas être déçue.
La citation d'Octave Mirbeau en exergue "Il y a des dos, dans la rue, qui appellent le couteau... Pourquoi ?...", le mystère des lettres anonymes et la présentation initiale des différents destinataires m'ont beaucoup plu. Pour la suite, je suis restée sur ma faim.
Le style est plaisant, les petites phrases s'enchaînent avec humour et ironie. En quelques lignes des portraits sont efficacement dressés. Par petits paragraphes l'auteur décrit l'île et ses habitants. C'est très réussi, c'est même par moments jubilatoire.
Mais, parce que vous avez bien compris qu'un "mais" allait arriver, la suite n'a pas été à la hauteur et je me suis un peu lassée de cette histoire qui ne me captivait plus.
Sur l'île, la vie reprendra son cours, "Le printemps fait reverdir l'herbe et refleurir les buissons.", et moi, je reprends le cours de ma vie de lectrice après cette petite parenthèse, pas désagréable du tout, mais pas inoubliable non plus.
Je remercie Babelio et les éditions Phébus pour leur envoi. Je suis curieuse de nature, j'ai des lectures variées, et découvrir un nouvel auteur est toujours un plaisir.
Un dernier mot pour parler de l'objet. le livre est vraiment très beau, les éditions Phébus soignent toujours la qualité de leur production. Belle couverture, très beau papier : c'est toujours un plaisir de lire un tel ouvrage.
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Christophe Carlier a l'art de nous surprendre.
Avec "L'Assassin à la pomme verte", c'est l'originalité du polar qui était de mise.
Pour "Ressentiments distingués", c'est dans le choix d'un sujet bien singulier et quelque peu pittoresque que l'auteur déploie son talent.

Imaginez une île de l'hémisphère nord, avec ses rafales de vent, son froid glacial de l'hiver et le renouveau d'un printemps attendu.
Imaginez une population disséminée parmi des bourgs et des villages, composée principalement d'insulaires d'âge bien avancé. Aux caractères rudes car vivant loin du continent. Dont certains ne savent plus quoi inventer pour briser la monotonie de leur existence.
Imaginez un petit café de village où les marins, les pêcheurs et les bonne gens ont l'habitude de se retrouver pour partager les nouvelles du jour.
Le décor est monté. Simple et vivant.

Et d'emblée, un corbeau surgit avec ses lettres envoyées à tout va, presque au hasard, et ses petites accusations sans grand fondement mais, ô combien perturbantes pour cette population sans histoire. Jusqu'où s'arrêtera t-il ?

L'auteur décortique la nature humaine de manière habile et franchement, on n'est pas au bout de nos surprises !

Je remercie Babelio et les éditions Phébus pour ce très très bon moment de lecture.
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Coup de coeur pour ce récit. Les habitants d'une île vont voir leur vie paisible basculer à l'arrivé d'un corbeau qui prend un malin plaisir à envoyer des lettres aux habitants. Une première partie sur la vision des personnages et une deuxième partie où le corbeau se raconte.
Un régal !
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Voici un charmant petit livre qui se déguste comme une friandise. Une prose élégante, de la légèreté dans le style mais de l'efficacité dans la narration, des images qui évoquent la Bretagne et la Grande-Bretagne... Ceux qui cherchent un livre pour accompagner leur five o'clock tea peuvent miser sur ce Ressentiments distingués pour lui donner un petit goût épicé à souhait.

Sur l'île (qui n'est jamais ni située ni nommée), de mystérieuses missives anonymes font soudain irruption dans les boîtes aux lettres des habitants. Pas de menaces mais des sous-entendus qui laissent entrevoir une entreprise malveillante de déstabilisation. Qui peut bien jouer au corbeau sur cette île où tout le monde se connaît et se regarde désormais avec des soupçons plein la tête ? Quelles rancoeurs peuvent bien motiver ce petit jeu qui menace le calme légendaire de l'île ? Au Café La Marine, les commentaires vont bon train. Seule Valérie, la jolie serveuse, ne semble ni concernée ni inquiète, plus intéressée par les beaux yeux de Gwenegan, le gendarme arrivé du continent quelques temps auparavant et qui observe cette agitation avec flegme tout en menant une enquête sans grande conviction...

"Les cartes ne contiennent ni anathème ni imprécation. Ce sont des cailloux jetés dans de l'eau noire. Des cris dont on n'entend pas l'écho. - Toute la vie est une question sans réponse, avance un buveur philosophe. - Et on ne sait jamais qui vous la pose, reprend un autre, qui a deux verres d'avance."

L'auteur nous offre une merveilleuse galerie de personnages et de situations qui pourraient s'apparenter à un huis-clos. Il décortique parfaitement le mécanisme qui conduit à la méfiance et à la suspicion à partir de quelques phrases pourtant très ambigües mais suffisamment bien tournées pour déclencher la machine à fantasmes. le contexte ilien est bien sûr favorable à créer ce climat typique des lieux trop fermés. Mais il le fait à la façon d'une vieille dame indigne qui regarde avec autant de tendresse que de perversité ses personnages se débattre au milieu des regards perçants et interrogateurs.

Ce livre délicieux est également l'occasion d'un petit hommage nostalgique aux échanges épistolaires pratiquement disparus. Une parenthèse temporelle dans un endroit où les soirées d'hiver sont longues, où l'on prend encore le temps de s'ennuyer et de contempler les paysages. Où l'on prend encore le temps de s'interroger sur le sens et le pouvoir des mots.

"Toutes les îles se ressemblent. Bretonnes, grecques, écossaises. Même beauté, même déchaînement les soirs d'orage, même langueur dans les accalmies. Même étouffement. Jadis, les passions calaient leur rythme sur celui du courrier. On s'aimait follement à l'époque où l'on prenait la plume. On s'espérait des années. On apprenait à s'écrire et à se ressembler. Puis, un jour, au bout d'une allée, on voyait poindre une silhouette que le temps avait transformée. Et l'on mesurait la supériorité de la vie épistolaire sur la vie réelle."

Délicieux, je vous dis. Je ne serais pas étonnée que l'auteur ait quelques ancêtres britanniques.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Quelle prose délicieuse pour nous conter une histoire qui ne l'est pas moins…
Sur une île qui n'est pas nommée mais que l'on imagine aisément au large des côtes bretonnes, les habitants se mettent à redouter la venue de Gabriel, le facteur, celui qui fait si bien son travail, n'égarant jamais aucune lettre…
En effet, depuis quelque temps, ce sont des lettres anonymes qui pleuvent sur l'île. Théodore est le premier à en recevoir une, puis viendra le tour de Firmine, de Léocardie et de Pierre… Evidemment, les lettres ne sont pas signées, évidemment, on se met à soupçonner un peu tout le monde et surtout son voisin, d'autant qu'elles sont postées… de l'île.
Le corbeau est dans la maison et le poison s'immisce dans les veines…
On se méfie d'Irène qui vit un peu à l'écart ou bien d'Adèle qui sait toujours tout sur tout. D'ailleurs, on finit par se méfier un peu de tout le monde.
A vrai dire, ce ne sont pas des lettres bien méchantes : « Vous avez la plus belle maison de l'île. Serait-elle à vous si vous aviez toujours payé vos impôts ? », « Quand vous déciderez-vous à rappeler votre soeur ? » Pas bien méchant mais bon, ça gêne aux entournures, ça inquiète et puis, ça finit par empêcher de dormir.
« Si un esprit frappeur, affranchi des superstitions, relevait la tête, et demandait qu'on traite l'affaire par le mépris, il était aussitôt sommé de se taire. Son attitude apparaissait comme une provocation. On se sentait cerné par le vieil ennemi invisible et maléfique, qu'on conjurait jadis en poignardant des chouettes à la porte des granges. »
Alors, qui ?
Aux gendarmes d'enquêter… mais, bon, « il n'y a pas là matière à une enquête. A un petit traité, plutôt : Criminologie des intentions, sociologie de l'ennui. Qui donc se soucierait de l'écrire ? »
Au café La Marine, les suppositions vont bon train :
« - Toute la vie est une question sans réponse, avance un buveur philosophe.
- Et on ne sait jamais qui vous la pose, reprend un autre, qui a deux verres d'avance. »
Et le vent de souffler et de souffler inlassablement… « Derrière l'écume et les falaises, on distingue à présent des pans d'étoffe mal ajustés, des coutures irrégulières, aussi inévitables que, sous la peau, l'enchevêtrement des veines et des ligaments. L'affreux désordre que révèle le spectacle des écorchés. » (Waouh, quelle écriture : il y en a qui maîtrisent…)
Alors, on cherche, on émet des hypothèses. Je ne résiste pas au plaisir d'ajouter cette citation, si juste : « On jasait. Qui donc avait envoyé ces cartes ? Un homme, une femme ? Un jeune, un vieux ?
- Les hommes n'écrivent pas, observa l'un.
- Les jeunes non plus, assura l'autre.
- Et ils font des fautes d'orthographe, ajouta un septuagénaire.
Or, à cet égard du moins, le corbeau semblait irréprochable.
On soupçonna l'institutrice et la secrétaire de mairie. »
(Ça, c'est le clin d'oeil de la prof de lettres qui a passé son week-end à corriger des copies…)
Et si le besoin de divertissement (tiens, décidément, l'hiver, on ne parle que de ça (cf le dernier article sur Chaleur) était impossible à rassasier… (pour plagier le fameux titre de Stig Dagerman) jusqu'où le corbeau serait-il prêt à aller ?
Un roman dont la prose magnifique pénètre par petites touches légères (ou faussement légères) et amusantes l'âme humaine, soulevant les masques et entrouvrant les portes afin de montrer ce qui se cache derrière…
L'air de rien, on dit l'essentiel, comme ça, en passant, le sourire aux lèvres…
Un vrai petit plaisir d'hiver…

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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La Feuille Volante n° 1103
RESSENTIMENTS DISTINGUES – Christophe Carlier – Phébus.

Au départ l'exergue, dont il ne faut jamais négliger la lecture, surtout dans un roman de Christophe Carlier nous donne le ton « Il y a des dos, dans la rue qui appellent le couteau… Pourquoi ?... ». Et il y a aussi ce titre en forme de jeu de mots et de formule de politesse clôturant une lettre formelle. Un corbeau qui habite une île perdue en mer, y sème la panique par l'envoi de cartes postales anonymes qui accusent, invectivent. Ainsi s'installe dans ce microcosme une véritable psychose entre ceux qui reçoivent des lettres, ceux qui craignent d'en recevoir, ceux qui s'en écrivent eux-mêmes pour ne pas être en reste… Et que dire de ceux qui disparaissent sans explications ! Quant à Gabriel, le facteur rhumatisant, il a du mal à bien faire son métier, partagé entre son devoir de distribuer le courrier et ses états d'âme puisque, malgré lui, il entretient cette anxiété et devient l'auxiliaire de la Camarde après un suicide inévitable. C'est bizarre toutes ces lettres à une période où les gens ne s'écrivent plus et chacun, après avoir mené sa propre enquête, s'en remet à la maréchaussée qu'incarne Gwenegan pour qui tout le monde est coupable mais que cette affaire laisse sans voix dans un village où chacun se connaît, s'épie mais garde le silence, jugeant, condamnant, détruisant la vie d'autrui, drapé dans sa bonne conscience et sa tartuferie. Pourtant l'Ordre Public motivant une enquête n'est pas vraiment menacé, les cartes ne bousculant que les consciences, les soupçons ne suffisent pas et les preuves manquent. Il y a le café où fleurissent les fantasmes les plus fous, où chaque buveur se transforme en philosophe et y va de son adage de comptoir avec sa voix empâtée par l'alcool. L'ennui que distille d'ordinaire une île pourrait parfaitement expliquer un tel comportement qu'on attribue à une femme seule, aigrie, qui n'a jamais connu d'homme pour exorciser sa méchanceté. A moins que, là comme ailleurs, l'espèce humaine ne retrouve ses vieux démons surtout dans une île où tout est différent, ne réveille la médisance, la jalousie, la vengeance, la peur ancestrale et diabolique de la mort et des revenants qui sommeille dans l'inconscient de chacun et contre quoi la religion, ses rituels et ses croyances ne peut rien.
J'ai retrouvé avec plaisir le style délicat et poétique de l'auteur, ses phrases festonnées, dentelées, percutantes, délicieusement jubilatoires que j'avais aimés dans « Singulier » (la Feuille Volante n° 1083)et « L'assassin à la pomme verte »(la Feuille Volante n°1058), son sens du suspens entretenu par une présentation en courts paragraphes qui composent ce roman comme un tableau pointilliste dont chaque personne serait une touche de couleur plus ou moins vive, ses aphorismes pertinents, son regard posé sur l'espèce humaine désireuse de porter préjudice à son prochain pour son propre bénéfice ou son simple plaisir. Ce n'est pas un simple roman policier mais une véritable étude, rédigée comme le journal intime d'un témoin invisible de ce spectacle à huis-clos à qui rien n'échappe de toutes ces tranches de vie, des relations adultères ni des tentatives sentimentales avortées, qui met en évidence la solitude des individus mais aussi la jalousie, la délation, les secrets, l'orgueil, la suffisance, le sentiment de puissance, la vanité, l'hypocrisie... et cette volonté de nuire du corbeau que ne rachète pas la volonté d'apaisement d'une bienveillante corneille ou d'un redresseur de tort, fut-il manipulateur, comme deux faces d'un Janus bizarrement humain.
Les choses ne vont pas toujours comme on le souhaiterait même s'il est facile de faire prévaloir les apparences sur la réalité et ainsi vivre à nouveau en paix, comme si rien ne s'était passé et que la vie reprenait son cours, ordinaire et banal !

© Hervé GAUTIER – Janvier 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Cette lecture s'est faite aussi dans le cadre de la sélection pour le Prix Charles Exbrayat 2017, remis à la Fête du Livre de Saint-Étienne, à laquelle participe la médiathèque de ma commune. Par ce biais, je découvre Christophe Carlier, encore un nouvel auteur qui s'ajoute à mon CV de lectrice.

L'histoire se déroule sur une île, que je situerai volontiers en Bretagne si je me fie aux rigueurs climatiques. L'existence de ses habitants y est plutôt tranquille (certains diront ennuyeuse...), rythmée en autre par le passage du facteur. Mais voilà que ce dernier, bien contre son gré, devient porteur de missives anonymes : un corbeau sévit sur l'île. Rien de bien méchant dans le contenu mais chaque message pointe un travers ou une attitude peu glorieuse de son destinataire. Chaque habitant étant susceptible d'en recevoir un, le facteur est désormais accueilli avec crainte. le seul gendarme de l'île dont le principal défaut est de venir du continent, est plus intéressé par la tenancière du bistrot que par la résolution de cette énigme. Bientôt les langues se délient (surtout les mauvaises), les discussions ne tournent plus qu'autour de l'identité du délateur et les soupçons sèment la zizanie sur l'île.

Ce qui me frappe dès le début du livre, c'est l'écriture de Christophe Carlier, d'une grande classe et d'une précision chirurgicale (si j'osais, je dirais peut-être trop, cela entraine un léger manque de modernité). Il se comporte comme un voyeur à l'affût du comportement des habitants qu'il s'empresse de nous retranscrire.
Une chose est certaine : j'adore les îles et les romans qui s'y déroulent car cela crée un effet de huis-clos intéressant. L'auteur s'en sert bien sûr, et nous dépeint magistralement ce petit bout de terre battue par les flots ainsi que l'atmosphère qui en découle. Le roman se divise en deux parties : la première où tout le monde ignore qui est le corbeau et la deuxième où seul le lecteur est au courant de son identité.
Même si ce roman est très court, ma lecture a manqué d'entrain, faute de rebondissement réel (à part celui de la fin). On est loin du roman d'action ; l'auteur s'attache à décrire une ambiance en mêlant la psychologie de ses personnages et leurs réactions face à la menace. Cette légère déception se traduit par un 12/20. Un bon point tout de même pour le titre si bien choisi...
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