Dans le soir sans fissure…
Dans le soir sans fissure
l’extrême ― plaisir ou souffrance ― vient sans bruit
C’est un paysage sans lointain
c’est un cri sans passion de bête
cri jeté dans la nuit
comme on se jette d’une falaise
Entre les tambours du vide
et l’idée fixe des brasiers
flamboie l’inexplicable deuil de la soif
Les mains s’égarent dans les bois de l’ignorance
jusqu’à l’heure très incertaine
où l’espace se déploie
dans l’eau forte de midi
Il se promène…
Il se promène au bord du vent. Le cœur battant
des pluies hâte sa chute sans fin au fond des choses.
Il ignore la tristesse hors les murs, les herbes silen-
cieuses de la peur qui se croisent ainsi que carpes
des viviers, et la rumeur têtue au manteau des forêts.
Son cri est déjà blessure au silex ouvert. Son sang bat
à la mesure de l’ombre, pesante comme un fruit.
L'occulte rencontre étincelle
dans le soir brisé comme un palais de verre
Le silence mâche des herbes
Cruel éblouissement ne dure
— bête diaphane qui s'obscurcit
Son ombre doucement s'empoisonne
C'est l'heure où les chevaux ruissellent
sous la neige prise des phalènes
Un lieu probable nous attend
au-delà du galop des eaux
Nous ne tuerons jamais
la chimère glacée dans sa pelisse de flammes courtes
Dormeurs enfouis sous la rivière…
Dormeurs enfouis sous la rivière
enfants aux yeux rivés
à l’envers des lueurs
veilleurs ensorcelés
sous l’aile du mirage
nous sentons grandir entre nous
des paysages impalpables
Les dieux oubliés se consument
dans le halo des marécages
Nous épions le miracle
égarés entre deux vents endormis
entre les planètes aveugles
les arbres sans mémoire