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La Feuille Volante n°1017– Février 2016
La controverse de ValladolidJean-Claude Carrière – Presse Pocket.
Historiquement, ce débat a eut lieu dans un couvent de Valladolid (Espagne), en 1550, sous le règne et à la demande de Charles Quint et le pontificat de Jules III. En présence du légat du pape, il réunit des théologiens, des administrateurs et des juristes qui devaient initialement dire, selon le voeux du roi, si les Espagnols avaient le droit de coloniser et dominer les Indiens du Nouveau Monde en mettant fin à certains éléments de la civilisation précolombienne et notamment aux sacrifices humains rituels, mais aussi le cannibalisme et l'adultère. Ces séances furent dominées par le dominicain Bartolomé de la Casas et le théologien Juan Ginés de Sepulveda dont le livre devait ou non être mis à l' « l'Index ». Cela donna lieu entre eux à des querelles théologiques, l'un soutenant que les sociétés païennes sont aussi dignes et légitimes que les sociétés chrétiennes, que les Aztèques ont une civilisation aboutie, pas moins cruelle que celle de l'occident, et que, de ce fait , nul n'a le droit de convertir de force les Indiens et de les réduire en esclavage, l'autre prétendant que l'Évangile édicte un devoir universel de conversion au non du Christ mais aussi de l'humanisme, justifiant ainsi la guerre et ses atrocités inévitables pour y parvenir. le débat réel est celui de savoir si les indiens ont ou non une âme et met en opposition parfois véhémente ces deux religieux, La Casas, plus empirique, plus impétueux, davantage dans l'émotion, dans la passion, plus informé puisqu'il a longtemps vécu sur place, défend les Indiens, les inscrivant sans aucun doute dans l'espèce humaine tandis que Sepulveda plus calme, plus froid, plus intellectuel et dans la rhétorique, soutient qu'ils sont « esclaves par nature ».
L'issue du débat ne fait aucun doute et on conclut que les indiens ont bien une âme et qu'il convient donc d'adoucir leur sort, de faire cesser les massacres et l'esclavage, c'est donc la thèse De Las Casas qui l'emporte. Cependant le débat était aussi économique et la reconnaissance de la nature humaine des Indiens privait les colons espagnols d'une main- d'oeuvre gratuite c'est pourquoi le légat du pape encouragea l'utilisation des Africains, jugés moins humains, plus frustres que les indiens, comme esclaves. Bien sur Las Casas protesta mais le débat fut déclaré clos, sans véritable vainqueur.
A titre liminaire, l'auteur indique que son oeuvre n'est qu'une interprétation personnelle de faits historiques et qu'il n'est même pas sûr que Las Casas et Sepulveda, s'ils ont largement débattu sur ce sujet par écrit, se soient physiquement rencontrés. D'autre part, la question de l'humanité des indiens, qui semble être le centre des débats, a déjà été tranchée par le pape lui-même dès 1537 dans la bulle « Sublimis Deus », seule le mode d'évangélisation a été examiné.
Ce sont bien deux argumentations parfois spécieuses et contradictoires mais surtout deux tempéraments qui s'opposent. Avons-nous assisté une nouvelle fois à une de ces querelles byzantines comme les affectionnait l'Église catholique en ces temps bénis (Exemple : le sexe des anges, l'existence du purgatoire, la véritable nature du Christ…) ou étions-nous encore en pleine hypocrisie puisque, aux yeux de l'Église, les noirs étaient considérés comme une sous-catégorie de la race humaine et, à ce titre, pouvaient être réduits en esclavage. Cela justifiera peut-être le « commerce triangulaire » puisque l'Église donnait sa bénédiction.
Au-delà de la dialectique, des arguments échangés par les deux parties, je ne peux pas m'empêcher de relever un paradoxe. Quand l'Amérique fut découverte, le Pape confia à l'Espagne le soin d'évangéliser les nouvelles populations. Si ce prosélytisme est inévitable, les jésuites et autres missionnaires ne se sont pas privés de l'appliquer, d'autant qu'ils étaient persuadés de détenir « la vraie foi ». La  contradiction réside sans doute dans l'exemple qu'ont donné les Espagnols aux indiens qu'ils voulaient convertir, leur enseignant des préceptes religieux qu'eux-mêmes n'appliquaient pas. Non seulement ils ont détruit leur civilisation mais ils les ont aussi exterminés, perpétrant un véritable génocide, leur prouvant par là que la religion qu'ils voulaient leur imposer était bien moins tolérante que la leur. Les Espagnols étaient en effet censés combattre les sacrifices humains, mais n'ont pas hésité à assassiner les indiens avec d'ailleurs beaucoup de cruauté gratuite. Ne parlons pas des vols et autres spoliations perpétrés au nom de Dieu pour extirper le péché !
Cette oeuvre a été adaptée au cinéma en 1992.
© Hervé GAUTIER – Février 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Je n'avais jamais entendu parler de cette pièce de théâtre jusqu'au jour où la petite soeur l'a achetée "parce que la prof' de français à dit qu'il serait bien de la découvrir".

Quatre mois après, elle ne l'a toujours pas lu, mais pour moi, c'est chose faite ! Et je dois dire que je l'ai beaucoup apprécié : elle est vraiment très intéressante !

Cela dit, comme je n'ai pas envie de faire un commentaire littéraire sur l'intérêt de cette pièce (cela dit, je n'en serais sûrement pas capable...), je vais vous en parler très simplement.



Je dois dire que j'ai été très étonnée que ce texte soit si récent : il me semble qu'il est paru pour la première fois en 1992. J'étais persuadée que Jean-Claude Carrière devait être un contemporain de Marivaux (d'un autre côté, si j'avais réfléchi un peu, je m'en serais sans aucun doute aperçue plus tôt !).

Du coup, le langage est moderne et la pièce n'a pas franchement une forme classique : elle tient plus du récit que de la pièce de théâtre. En effet, il n'y a, à proprement parlé, ni actes ni scènes.



Je dois dire que certaines réflexions m'ont quelques peu dérangées, voir choquées. D'un autre côté, il y a un monde entre les esclavagistes du commerce triangulaire et moi (et tant mieux !). Je ne doute pas que l'on pouvait penser ainsi à une époque et même il y a quelques dizaines d'années, il n'empêche que ça m'a personnellement dérangée de lire autant de bêtises en aussi peu de temps. Ça m'a pas mal révoltée et du coup la pièce m'a beaucoup plu : je ne pense pas que je l'oublierais de sitôt.



Il y a peu de personnages dans cette pièce et ce n'est pas plus mal, ça simplifie totalement la situation la rendant extrêmement claire : il y a celui qui affirme que certains peuples sont fait pour être dominés (Sepulveda), celui qui prône l'égalité (Las Casas) et l'homme à convaincre.

Personnellement, je ne me suis pas franchement attachée à l'un des personnages : bien sûr Las Casas à toute ma sympathie, mais ça s'arrête là. Cela dit, la dernière scène m'a énormément plu : elle m'a bien fait rire et à totalement renforcée mon "soutient" à ce dernier.



J'ai beaucoup aimé l'écriture claire et sans chichi de Jean-Claude Carrière : il va a l'essentiel et j'aime beaucoup ça. Il s'agit juste de convaincre l'autre que ce que l'on est la vérité et non de faire de très jolies phrases pleines d'entourloupes façon combat de politiciens... J'ai vraiment trouvé ça très agréable d'autant plus que ça rend La controverse de Valladolid accessible à de jeunes lecteurs comme des collégiens.

La controverse de Valladolid est un livre qui ne m'a pas laissé indemne en émotion !
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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Jean-Claude Carrière vient de mourir, le 8 février 2021, à l'âge de 89 ans. En son hommage, il est donc temps de lire ou relire certaines de ses oeuvres.
La Controverse de Valladolid met en scène Bartolomé de Las Casas, frère dominicain, pour une évangélisation pacifiste, qui plaide la cause des Indiens, et Sépulvéda, chanoine, qui justifie les guerres menées contre ce peuple, et leur soumission, notamment en se référant à la théorie d'Aristote sur les esclaves par nature.
Il semble qu'un tel débat ait effectivement existé en 1550, entre les deux hommes, même s'il a peut-être été plutôt épistolaire et sans rôle historique.
Sur la forme, présenter la controverse quasiment comme une audience, avec le légat, représentant du pape, qui interroge et statue, face aux deux thèses en présence, donne du rythme au récit.
Sur le fond, les motifs évoqués pour prétendre que les Indiens sont inférieurs font réfléchir sur le racisme primaire : face à l'incompréhension de l'autre qui a des références culturelles différentes (notamment sur le beau, le drôle, le sacré), il y a une peur qui entraîne le rejet et la volonté de soumettre.
Mais au-delà des deux thèses des religieux, il ne faut pas oublier l'arrivée d'un autre personnage central, le colon, qui met en avant l'importance de l'argent comme nerf de la guerre : déclarer l'autre inférieur permet de l'exploiter et de faire plus de profits…Et si ceci n'est finalement pas possible avec les Indiens, d'autres en subiront les conséquences, en l'occurrence le continent africain, avec un déplacement massif de populations pour les réduire en esclavage et permettre la conquête du Nouveau Monde.
Ce texte fait réfléchir sur l'appât du gain, les rapports dominant/dominé et le respect d'autrui.
J'ai apprécié cette lecture. Cependant, le format d'une pièce de théâtre n'est pas celui que je préfère pour faire réfléchir sur d'importantes thématiques comme l'égalité entre les hommes ou encore les origines de l'esclavage.
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Au XVIème siècle, les Espagnols se croient les Maîtres du Monde. Ils dominent une partie de la planète. Ils ne se sentent plus depuis qu'un certain Colomb a traversé l'Atlantique.
Ils pillent l'or de leurs nouveaux territoires et évangélisent au forceps des peuplades que le colonisateur n'hésite pas, en parallèle, à violer, torturer et tuer.
Eh oui! le bon catholique nouveau est arrivé. Il est le seul à savoir ce qu'est la vie, le seul à sauver votre âme. D'ailleurs, il vient de virer les méchants musulmans d'Espagne (par la Reconquista) et ne veut plus des juifs.
C'est donc, dans ce contexte, qu'a lieu à Valladolid une confrontation entre deux religieux à propos des Indiens d'Amérique. Doit-on les prendre pour des êtres inférieurs? S'ils sont convertis à la foi Catholique, Dieu pourra-t-il sauver leur âme? Vaste programme sur lequel Sepulveda (le méchant) et Las Casas (le gentil) vont s'affronter devant le Légat du Pape.
C'est fort dans la discussion. Personne ne lâche le morceau. L'un évoque la cruauté et l'avilissement des conquistadors sur les autochtones, et l'autre parle de sous-développement notoire chez ces gens, l'impossibilité d'épouser le comportement occidental.
Cette pièce de théâtre est bien, forte, dure, désespérante. Hélas, on en a encore un gros écho aujourd'hui.

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La Controverse de Valladolid oppose Las Casas, prêtre dominicain qui condamne les agissements des Espagnols et le théologien Sepúlveda sous le souhait de Charles Quint. Il s'agit de répondre à la question : les Indiens sont-ils des Hommes ?

Cette pièce est une lecture essentielle car elle raconte un fait historique qui a eu un impact important et décisif dans le passé et qui peut nous en apprendre encore beaucoup. En effet, encore de nos jours, le jugement de ce qui est étranger à nous, à notre peuple, à notre société est présent. C'est pourquoi La Controverse de Valladolid est un excellent moyen de pousser à la réflexion. Bien que tout le monde connaisse les traitements infligés aux Amérindiens, la description des atrocités, la cruauté dont ils ont été victimes m'a touché. La lecture a été très limpide, ce à quoi je ne m'attendais pas forcément.
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Lire cet ouvrage me semblait essentiel. Je l'avais acheté il y a plusieurs mois, et il était resté dans ma bibliothèque. le résumé de la quatrième de couverture m'avait déjà fait comprendre que je risquais de vivre une expérience difficile durant ma lecture. Je ne m'étais pas trompé...
Colère, haine de la race humaine, haine envers l'Église d'antan. Les pages défilaient, et par moment, je devais me retenir de bondir sur mon siège et de plonger mes mains dans le livre pour étrangler certains protagonistes. A d'autres endroits de ma lecture, les larmes envahissaient mes yeux.
Qui, à l'heure d'aujourd'hui, ne peut s'émouvoir des discours enflammés De Las Casas ? Ou au contraire grommeler des froids discours, supérieurement logique, de Sepulveda ?

Tout en nous présentant ce cas de conscience divisant la Chrétienté au XVIème siècle, l'auteur nous met face à notre propre conscience, nos propres aprioris face à l'Étranger, face à ces drames lointains que nous ignorons délibérément ?
C'est avec une écriture forte, prenante, que nous nous retrouvons dans ce couvent, à suivre un débat vieux comme le Monde, sur l'esclavage, la supériorité d'une foi ou d'une race...

Un véritable récit coup de coeur, poignant. Un appel désespéré pour l'égalité.

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Ce livre m'a fait penser au film "12 hommes en colère" là ou 12 jurés doivent se prononcer sur la peine d'un homme.

Dans la controverse, c'est un peu la même chose, les différents protagonistes sont enfermés dans une pièce durant tout le temps du débat quasi.

L'histoire est bien racontée. On ne s'essouffle pas avec des détails lourds ni quoi que ce soit, c'est vraiment très bien écrit.
On attend le dénouement impatiemment et moi, je n'ai pas pour habitude de chercher à savoir la fin, même dans un policier, je lis et me laisse guider par ce que l'auteur a voulu me raconter. J'ai fait de même ici, jusqu'au bout je me suis laissée emmener par l'auteur.

J'ai trouvé la fin assez "pathétique" peut être MAIS, je n'en dirais pas plus. :-)
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Valladolid 1550.
Dans une salle d'un collège dominicain, deux hommes se font face. le philosophe Sepulveda et le prêtre Bartolomé de Las Casas. Entre eux, le cardinal Roncieri, légat du pape, va arbitrer la célèbre dispute et décider du destin de tout un peuple : les indigènes du Nouveau-Monde ont-ils une âme ? Sont-ils les égaux des chrétiens ? La réponse qui sera donnée entraînera maints bouleversements, et les deux adversaires savent que de leur argumentation dépendra le sort de l'Espagne, des colonies et de l'Europe toute entière. Sepulveda, partisan des colonies et de l'esclavage s'oppose à Las Casas, figure incontournable de son époque et ardent défenseur des Indiens.
Carrière a transformé cette controverse en récit à suspense, avec un diabolique ressort dramatique, qui se rapproche énormément du théâtre. D'ailleurs, ce récit a été adapté et la pièce fut montée à Paris, il n'y a pas très longtemps. Les dialogues sont brillants, la reconstitution minutieuse et la chute, incroyable, laisse la porte ouverte à d'autres réflexions, d'autres interrogations toutes aussi cruciales. Même si Carrière a pris quelques libertés quant à la forme, le fonds lui est plus que respecté. On découvre ainsi tout ce que la colonisation du continent américain doit au catholicisme, et pourquoi certains actes furent commis au nom de Dieu. Et puis évidemment, on ne peut qu'admirer Las Casas, passionné, humble, engagé, tirant la leçon de ses erreurs passées pour servir sa cause. Un grand homme qui a marqué son époque.
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Ce livre en dehors du fait qu'il est très bien écrit est hyper instructif. En le lisant, il me semble important de remettre ce livre dans son temps et ne pas faire d'anachronisme, ce qui serait une grosse erreur. L'auteur décrit bien la situation historique, ce qui permet de mieux appréhender les échanges qui sont étonnants.
Vraiment ce livre est une belle découverte ! je conseille évidemment
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Lorsque j'ai découvert ce livre chez Emmaüs j'étais ravi de pouvoir lire un roman historique sur un aspect de l'histoire que je ne connaissais pas: la controverse qui opposa le dominicain Bartolomé de las Casas au théologien Juan Ginés de Sepúlveda.

Dans le livre, un débat est organisé entre les deux hommes d'église dans le but de définir le droit ou non des Européens à coloniser les Amériques.

Deux thèses s'affrontent, celle de la "raison" de Sepúlveda: coloniser les Amériques pour arrêter les sacrifices humains et évangéliser les Indiens. Cela dans le but de justifier la conquête espagnole.

De l'autre, celle de las Casas qui suit les préceptes de Saint-Thomas d'Aquin: toutes les sociétés sont d'égale dignité et que l'évangélisation ne doit pas se faire par la force.

L'auteur est un écrivain et il a affirmé que l'oeuvre est romancée.
On peut penser que certains passages seront jugés comme inacceptables par des Historiens pur jus, mais cela vaut le mérite de le lire pour la partie philosophique.

Quand bien même Las Casas et Sepúlveda n'auraient correspondu que part lettres épistolaires, l'essentiel est bien la controverse en tant que telle.
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