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Lise Caillat (Traducteur)
EAN : 9791032907405
224 pages
L'Observatoire (06/01/2021)
3.5/5   51 notes
Résumé :
Giovanni Ventimiglia est pêcheur. Il vend son poisson au marché de DF, une petite ville italienne accrochée à la côte comme beaucoup d'autres, avec un curé qui sermonne et qui va au bordel, une chaîne d'actualité locale qui enflamme le coeur des ménagères avec son présentateur grisonnant et son afflux de touristes estival. Mais un matin de mars, en accostant au port, Giovanni découvre un cadavre, celui d'un jeune homme venu d'ailleurs.
Après lui, les découv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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À l'autre bout de la mer dégage une forte odeur de putréfaction et de mort. A l'excès. Non seulement parce qu'il met en scène un petit port d'Italie frappé par des vagues démesurées de cadavres de migrants. Mais aussi parce qu'il illustre, jusqu'à l'absurde certes, le discours de ceux qui en tirent profit.
Présentée ainsi, l'histoire pourrait prêter au dégoût, et l'auteur ne s'interdit rien en ce sens. Mais Giulio Cavalli donne une touche surréaliste à ses extrapolations, si bien que l'on progresse dans la lecture avec l'impression d'avoir sous les yeux une vision totalement hallucinée de la réalité.

Mais est-ce une vision hallucinée ou le réel qui dérape ? La question se pose. Dans cette littérature qui puise dans les maux du présent, l'auteur y insère des perceptions et des éléments de langage devenus communs aujourd'hui. Malgré les allures spéculatives qui donnent un aspect grotesque, Giulio Cavalli a décidé de reprendre dans cette fiction les ressorts et les codes du discours populiste. On y retrouve ainsi la construction d'un ennemi commun ou l'amplification d'une menace (ici les corps sans vie des migrants sont présentés comme «une lame de chair», «une hydre avec ses têtes», un fléau qui vient «souiller la ville»), un gouvernement central dans l'impossibilité de proposer des solutions efficaces et immédiates (Rome recommande de manière ubuesque de ne pas déplacer les cadavres), et un agitateur qui fait siennes les doléances de la population et revendique une cohésion pour s'affranchir de l'autorité étatique (personne n'est mieux placé que le maire pour recenser et exploiter la crainte de ses administrés).
C'est une tragédie véritablement italienne avec un drame suscitant de la colère outrageuse et des réactions politiques qui ont certainement des ramifications profondes dans le passé fasciste du pays. Mais elle a le mérite de nous montrer le glissement qui se produit lorsque les émotions et l'effet de groupe diluent les consciences, repoussant la frontière entre l'acceptable et l'inacceptable.
Roman féroce et dérangeant.
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Par un beau matin de mars dans la petite ville côtière de DF, dans le sud de l'Italie, un pêcheur découvre un cadavre dans le port. Celui d'un jeune homme à la peau basanée, manifestement venu de l'autre côté de la mer, et que rien ne permet d'identifier. C'est l'émoi dans la population, qui retombe cependant assez vite : après tout, quelle importance, ce type on ne le connaît pas, il n'est pas d'ici.
Mais quelques jours plus tard, on découvre un deuxième cadavre, puis un autre et encore un autre, puis ce sont des vagues de centaines et de milliers de corps qui se succèdent et déferlent sur DF. La petite ville disparaît littéralement sous les cadavres. Panique des habitants, branle-bas de combat des autorités locales qui tentent d'arrêter comme elles peuvent ces vagues de mort(s), appel à l'aide au gouvernement central de Rome, emballement médiatique planétaire, DF est sous les feux de la rampe. L'angoisse est d'autant plus pesante que personne n'arrive à expliquer d'où viennent ces corps, ni pourquoi ils se ressemblent au point qu'ils semblent être des clones les uns des autres. Et que personne ne sait quand cela va s'arrêter.
Voilà pour la première partie de cet étrange roman, intitulée « Les morts ». Dans la deuxième (« Les vivants »), on lira comment DF, fatiguée d'attendre une quelconque aide rapide et efficace de Rome, prend son destin en main et cherche, tant qu'à faire, à tirer profit de ces milliers de cadavres qui ne cessent d'affluer et menacent son existence. A partir de là, on s'enfonce dans le glauque, le gore même, et l'immoral, quant à l'utilisation de cette nouvelle « ressource ». Sauf que les choses sont bien plus complexes que cela. Certes le traitement réservé aux cadavres est totalement choquant, nauséeux, abject, mais pour les habitants de DF, c'est une question de survie : les vivants doivent-ils se laisser ensevelir par des morts ? Face à cette véritable plaie biblique, qu'est-ce qui est juste, légitime, indigne, criminel ?

« A l'autre bout de la mer » est une fable déroutante et dérangeante sur une double déshumanisation : celle de ces cadavres anonymes et indifférenciés, agglomérés en une masse informe, dont on peut supposer qu'ils sont des migrants provenant des autres bords de la Méditerranée, et celle des habitants de DF qui perdent tout sens moral, poussés d'abord par un instinct de conservation puis par l'appât du gain et le besoin de sécurité.
Dans ce roman dystopique très noir, macabre (âmes sensibles...), baroque, l'auteur interroge la politique migratoire italo-européenne, et la récupération et la manipulation de la peur par les politiciens populistes tendance extrême-droite fascisante, en poussant très loin les curseurs de la provocation et de l'horreur. Il m'a semblé aussi qu'il voulait faire résonner l'écho de l'actuelle crise sanitaire dans les contraintes liberticides imposées aux habitants de DF. Quoi qu'il en soit, la démonstration est faite, avec fracas, que le repli sur soi est mortifère.

En partenariat avec les Editions 10/18 via Netgalley.
#Alautreboutdelamer #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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C'est la superbe couverture et le titre qui m'ont attirée. Mais dès qu'on entre au-delà de cette vague, on pénètre dans l'horreur. Lecture éprouvante avec ces morts par milliers qui échouent sur une plage italienne. Les notables vont en profiter pour s'enrichir de manière qui donne le haut-le-coeur au lecteur. Pourquoi ai-je continué alors ? Parce qu'en deux parties. La première sur les morts, la deuxième sur les vivants que je pensais moins trash et j'étais curieuse de savoir comment ils étaient arrivés là et pourquoi. Question sans réponse. La mise en avant de l'homme avide de pouvoir, d'argent et raciste est à son comble. Espérons que ceci ne ressemble pas au futur, quoique au présent et passé...
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C'EST LA MER 🌊 QUI PREND L'HOMME//

...ou plutôt les hommes, par centaines, par milliers dans "A l'autre bout de la mer", une dystopie signée Giulio Cavalli et très brillamment traduite de l'italien par Lise Caillot.

Face à cette vague de morts (au sens littéral) aux mêmes caractéristiques physiques, les habitants d'un village côtier, touché ressentent de la peur, de la colère mais ni indignation ni compassion.

Face à cette catastrophe, ils se replient sur eux-mêmes, ferment leurs frontières, édictent leurs propres lois, industrialisent et optimisent le nettoyage des corps.

L'atmosphère de plus en plus glaciale est renforcée par des phrases longues, très longues qui font comme une lame de fond qui nous coupe les jambes.

Si quelques voix résistent, le roman nous renvoie à notre déshumanisation face à des êtres humains qu'on ne voit plus que comme des chiffres et comme un problème à résoudre.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Giulio Cavalli est un journaliste italienne, qui vit depuis 15 ans sous protection policière du fait de son engagement contre la mafia. Pourtant, ce n'est pas le sujet qu'il a choisi pour son premier roman. Il a préféré s'intéresser à un autre mal italien, celui de l'accueil des migrants clandestins. Car, même si l'on ne saura pas d'où viennent ces cadavres, il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre DF (étrange ce nom de ville, je ne sais pas à quoi il fait référence, moi j'ai pensé à Mexico, mais ça ne peut pas être cela), la petite ville côtière où se déroule ce roman, et des villes bien réelles telles que celle de Lampedusa.
Car à DF, un jour, commencent à arriver des cadavres, en nombre de plus en plus importants. Les cadavres sont tous identiques, sans que la raison n'en soit jamais donnée, et les habitants doivent bien faire face. Giulio Cavalli ne lésine pas sur les descriptions et ne nous passe rien (la première partie m'a d'ailleurs parue un peu longue. Quelques descriptions un peu gores servent le propos, trop, cela devient lassant). J'ai parfois eu l'impression de me retrouver face à certaines scènes après le tsunami de 2007 au Sri Lanka et ce réalisme est assez déroutant.
Pendant toute cette première partie (sobrement et sombrement appelée « Les morts »), il est difficile de savoir où est le moral et l'immorale. On se demande ce que l'on aurait fait à leur place. Parce qu'après tout, ces cadavres menacent de les engloutir, ils sont un risque physique et sanitaire. Et puis, ce sont des cadavres, pas des êtres vivants, le respect qui leur est dû n'est pas du même acabit.

Hélas, toute cette ambivalence très dérangeante disparaît dans la second partie, qui devient un délire politico-économique complet. Pas absurde, pas impossible non plus hélas, mais en poussant le comportement de certains à des excès qui n'étaient pas nécessaires, on sait à partir de ce moment-là où est le bien et où est le mal. le roman perd tout son côté dérangeant et intéressant pour devenir une sorte de farce qui fait peur parce qu'on se dit qu'elle est assez plausible malgré ses excès. Cette deuxième partie (intitulée « Les vivants ») m'a donc beaucoup moins intéressée. Trop didactique et moralisatrice à mon goût.
La courte troisième partie clôt ce roman presque par l'absurde mais ne rachète pas à mes yeux la direction trop simpliste qu'a pris l'auteur. C'était donc un roman et un sujet qui avaient beaucoup de potentiels, qui auraient pu devenir beaucoup de choses intéressantes, de la fable burlesque mais qui fait froid dans le dos à un conte à la morale difficile à cerner et aux interprétations multiples. Mais j'ai l'impression que l'auteur n'est pas allé au bout de ce que lui permettait son idée et en refermant ce roman, je me dis que c'est une belle opportunité qui aurait pu donner un bien meilleur roman.

Merci aux éditions 10|18 de m'avoir permis de lire ce livre, via netgalley.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Le premier cadavre, on le trouva fiché entre les rochers, les plus bas, au début du ponton. Il portait une chemise à gros carreaux rouges et bleus tout effilochée avec juste les deux derniers boutons attachés, et un survêtement court, de footballeur, peut-être d’une équipe importante, rendu transparent et immatériel par la chaleur, le sel, le soleil. Pas de chaussures.
Giò rentrait de la pêche. Il était cinq heures et quarante-deux minutes. Il avait regardé sa montre pour récapituler les tâches liées à l’accostage, au débarquage du poisson, à la glace insuffisante et se dire qu’aujourd’hui encore il arriverait trop tard au marché, ratant les acheteurs matinaux qui en général ont les poches les plus pleines. Ainsi, il se rappelait exactement l’heure, les minutes et presque la position de la trotteuse : cinq heures quarante-deux. Et une bonne douzaine de jurons contre la vieillesse qui nous ralentit en tout, même dans la pêche.
Quand il vit ce dos flotter tel un requin privé d’aileron, les cheveux bouclés, il regarda autour de lui, naturellement, comme s’il était l’assassin, sans penser un instant qu’il pouvait être le sauveur. Personne. Il n’y avait personne, autour. « Et pourquoi n’avez-vous pas essayé de le réanimer, de vérifier s’il était encore vivant ? » lui demanda-t-on au commissariat. Il réfléchit une minute les yeux agrippés à la moisissure qui se formait au plafond, puis il fixa le commissaire au visage plus dur que l’acajou et lui expliqua que dans la mer il n’y a que les morts qui flottent. Les poissons morts, les algues mortes, les objets mort-nés comme les sacs en plastique qui se prennent dans les hélices et bon Dieu que ça l’énerve quand le moteur commence à bafouiller, les pêcheurs égarés puis morts, les mouettes foudroyées, les moustiques noyés : si tu flottes, ou tu es mort ou tu es un objet, dans la mer. Le commissaire avait fini par l’admettre.

(INCIPIT)
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"D'accord, merci Peppe, ils étaient contents de pouvoir s'éclipser, on s'en occupe demain, ce n'est pas possible vraiment, quelle affaire, on'a jamais vu une chose pareille, et pardonnez moi l'expression mais quel foutu merdier, vraiment quel foutu bordel cette histoire, quand il faut il faut, c'est un peu grossier mais tu as bien cerné le probleme, oublie aussi Peppe, on règle ça ensemble demain, Lino, aide ton père à se distraire parce que cette histoire va le rendre malade. Saut à tous. Salut."
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J’en ai gagné des prix avec mes restaurants. J’en ai eu des satisfactions. La première fois que j’ai ramené mon cul dans une cuisine à DF, la frisella – du pain sec et de la tomate – était considéré comme un plat gastronomique, des fèves on buvait même le bouillon et il suffisait que le poisson soit mort pour être mis sur la table. Une ville de primitifs, vraiment. J’aime ma ville, que ce soit clair, je suis resté ici alors que mes camarades de classe fanfaronnaient en m’envoyant des cartes postales de Rome, de Milan, de Palerme, l’un d’eux a même fini à Londres. Bande d’idiots. Depuis six mois maintenant ils frappent à la porte, les salauds, pour profiter de DF. Trop facile. Ruffini a très bien fait de bloquer les entrées : nettoyer ses chiottes pour y faire chier les autres c’est se manquer de respect et, si à présent la ville est devenue pour beaucoup un mirage, c’est à nous d’en profiter. Bordel. Autrement dix citoyens sur dix n’auraient pas voté oui au référendum du mois dernier pour refuser les demandes de domicile et de résidence.
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La cuisine c'est comme la vie : ce qui est universellement détestable avec le temps devient acceptable et finit par être désirable. () je lui ai raconté l'histoire des anguilles, sauf que les gens du coin qui avaient grandi là, nous les avons retirées du menu pour éviter de devoir chaque fois implorer les clients de les goûter et un beau matin j'ai eu l'idée d'appeler ce plat spécialité locale, nous l'avons écrit comme ça, en italique, sur le menu plastifié parce que je déteste les traces de gras, alors ces imbéciles de clients allaient serrer la main du cuisinier et me félicitaient. C'étaient les crétins dégoûtés des années précédentes.
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Ottavio Prazio, je le connais bien. Ces dernières années il nous est arrivé de déjeuner ensemble au port, Prazio est un nostalgique, quelqu’un qui célèbre le fascisme plus pour le folklore que par conviction, un brave type, il a une grande gueule mais il ne tordrait pas la patte d’une mouche, gentil avec tout le monde, il offre toujours à boire, distribue des caresses aux gamins, rejette les poissons à la mer, il a payé la communion de ses petits-enfants, on l’appelle le duce mais c’est un surnom comme le pêcheur, le grand-père ou le gros.
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Vidéo de Giulio Cavalli
27 juin 2023 #LaSveglia Un ministro della Repubblica che in un’intervista delegittima in un colpo solo la stampa e la magistratura per difendere una sua collega è un capolavoro di berlusconismo nell’anno primo dopo Berlusconi. Il ministro alla Guerra Guido Crosetto lo fa evocando “dossier confezionati” da “pezzi di istituzioni” per “far male al governo”. Anzi, fa di più, avvisando quelli che lui chiama “sciacalli” (ovvero i giornalisti) del rischio di dossieraggio. Crosetto non sa che i giornalisti lavorano con le notizie e dimentica di essere nella delicata posizione di essere l’unico ad avere accesso ai “dossier”. Poche ore prima il vice presidente del Senato Maurizio Gasparri se l’era presa con il giornalista Marco Damilano (parlando di “suoi spartiti da nullità”) e la giornalista Lucia Annunziata accusata di “faziosità, approssimazione e maleducazione”. Tra le altre cose Gasparri è un giornalista.
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