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Assez bizarrement, ce livre m'a fait penser à Verre cassé de Alain Mabanckou. Enfin, pas si étonnant que cela, me direz-vous, puisque dans les deux cas, les auteurs nous narrent, à travers des discussions de bar, le profil social et politique de leur époque. Sauf que si un des deux a inspiré l'autre, c'est forcément Camilo José Cela, la muse, car son livre a été édité bien avant, en 1953.

Les anecdotes qu'il nous offre se situent une bonne dizaine d'années plus tôt. Franco a pris le pouvoir -il ne faut pas oublier que Cela a été franquiste avant de tourner casaque et le livre se situe dans un subtil entre-deux- et l'armée allemande commence à connaître des revers au grand dam des Madrilènes protagonistes de ce livre. Ceci dit, la plupart, qu'ils soient aristocrates ou filles immigrées de la campagne, mangent le diable par la queue.

Camilo José Cela rend compte en tout cas de manière édifiante de la ségrégation de classes dans cette Espagne de l'après-guerre civile.

Un livre à lire à coup sûr comme étant un classique de la littérature espagnole du 20e siècle, plus que pour le coup de coeur qu'il procurerait.
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Un livre étrange qui n'est pas à proprement parler un véritable roman. Mais qui est un ramassis de scènes qui se déroulent à Madrid en 1942. On y croise près de deux cents personnages qui ont tous plus ou moins un lien entre eux, d'où le titre "La ruche". L'atmosphère de ce livre est assez sordide car l'auteur nous plonge dans l'univers des maisons de passe, des mères maquerelles, de la prostitution. On y croise la misère, des marginaux, des oisifs, des parasites... et beaucoup gravitent autour du café de la richissime et antipathique dona Rosa.
Un texte coloré, amusant parfois, souvent grinçant et caustique. Un livre un peu confus du fait du nombre important de personnages qu'il renferme. Mais sa lecture n'est pas monotone. Une découverte intéressante.
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Le roman La ruche, du prix Nobel Camilo José Cela, me laisse une drôle d'impression et je ne peux pas dire qu'elle soit positive. Je n'ai pas accroché mais alors là, pas du tout. Trop de personnages, beaucoup trop. Et autant de situations différentes… Et pourtant, même si le roman choral n'est pas le type que j'affectionne particulièrement, je n'en suis pas à mon premier. Dans ce cas-ci, il me manquait une intrigue principale qui porte le roman sur ses épaules, qui rassemble tous ces personnages, qui donne un sens à l'ensemble. On peut toujours considérer La Ruche comme une critique sociale du Madrid des années 40, où on peut voir la misère des petites gens et l'oisiveté des plus fortunés, s'entrecroiser sans jamais vraiment se toucher. Bien sur, tous se retrouvent au café de doña Rosa, et puis le meurtre de doña Margot les affecte tous à leur façon. Plus j'écris, plus je crois que mon jugement est sévère mais il est difficile de se défaire d'une impression… et du sentiment de confusion qui a suivi. Peut-être que, si l'auteur s'était attardé plus longuement sur les premiers personnages présentés avant de sauter au suivant, j'aurais pu m'attacher à quelques uns et, conséquemment, m'intéresser à leurs aventures. Pourtant, ils étaient colorés, certains ont fini par sembler fascinants. Et que dire du style de l'auteur ! Un bon mélange d'humour (parfois décapant), de violence, alterné avec des descriptions réalistes (presque documentaires). Mais, lorsque je l'ai découvert, il était trop tard. À partir de là, j'avais commencé à compter les pages et les minutes que je mettais à terminer ce bouquin. Bref, un roman avec beaucoup de qualités mais qui reste, pour moi, une petite déception.
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"J'aimerais développer l'idée que l'homme sain n'a pas d'idées. Pour faire l'histoire, il faut ne pas avoir d'idées, comme pour faire fortune il est nécessaire de ne pas avoir de scrupules".
Voilà le principe que pose l'auteur en préface de la troisième édition, et qui se décline en effet dans cette ruche : un roman sans idées, peuplé d'hommes et de femmes sans idées, se contentant de s'agiter les uns les autres, sans scrupules souvent, sans orientation, sans guère d'espoir, comme des pièces d'un puzzle mouvant qui en délivre au final quand même une, de grande idée : le tableau d'une société mise à mal, déboussolée, racornie par des années de guerre et d'oppression, une société ayant perdu le sens et le désir et se raccrochant à quelques lambeaux de vie sans joie : qui à un cigare au fond d'un café, qui au bras d'un homme, qui à la piécette mendiée.
L'accès ne m'aura pas été immédiat à ce livre étrange constitué de centaines d'instantanés de vie dans le Madrid de 1942, tous très immersifs mais ne permettant pas de dégager spontanément de lignes de force, d'autant que l'auteur, factuel, cynique, souvent cruel et parfois tendre, ne guide pas la pensée. Et pourtant au fil des pages une sensation surgit et se déploie, celle d'un gâchis, d'une misère dénuée de sens, du spectacle d'une communauté engluée dans un bras mort de l'histoire et que l'on peine à imaginer repartir de l'avant.
En ce sens, cet étonnant roman est un témoignage magistral de la réalité des années franquistes, loin des livres d'histoire.
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Le roman est plaisant au début car il nous propose une valse tourbillonnante au milieu de dizaines de personnages pas très remarquables mais dépeints avec humour. Mais, ça finit par être lassant et finalement trop long.
Et puis, surtout, c'est daté. En effet, écrit en 1958, il parle de l'âme espagnole faite de respect de la famille et de la Religion mais aussi de ce qu'on pourrait appeler du "je m'en foutisme", ancêtre de la movida.
Or, la mondialisation qui arase tout et surtout les êtres et les façons de vivre et la covid19 - qui finalement n'aura même pas tué ou à peine plus que ce qui s'agrège en une journée dans le monde (246 000 individus, décompte fait des décès) - qui fait ressortir au delà d'éventuelles différences de rythme de vie ou de "culture" les tares de l'être humain dans toute sa splendeur: haineux, délateur, peureux, suspicieux, individualiste, avare et jaloux, font que ce roman n'a plus aucun avenir. Il n'a pas, non plus, les qualités suffisantes pour valoir mémoire. (Simple opinion, bien évidemment)
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Autour d'environ trois cent personnages et d'une action diffractée, sur un ton journalistique et documentaire souvent très cru, cette oeuvre de Cela, proche d'un point de vue formel de Manhattan Transfer de Dos Passos, est une série d'apparitions de personnages pris sur le vif, sorte de portraits de la vie urbaine madrilène sur lesquels l'auteur va projeter ses obsessions. Quasi impressionniste, le récit est sans progression ni intrigue,mais la prose reste intense.

L'immense ruche aliénante qu'est Madrid semble diluer toute forme d'identité individuelle ou collective. Concentré, l'espace de ce roman est volontairement étriqué, n'allant jamais plus loin qu'un quartier, quelques rues et un café.
Dans une réalité dominée par l'indigence matérielle et morale, celle de l'après guerre civile régie par la rigidité franquiste, Cela mêle avec férocité toutes les couches sociales, uniformisant leurs choix, leurs expériences et leur destinée pour mieux désigner les tabous et démasquer la société espagnole. le tout est un livre d'une admirable férocité, précurseur du roman social.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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La Ruche, parce que le roman tourne autour de la figure de Dona Rosa, mais ça aurait pu s'appeler La fourmilière tant la ribambelle de personnages est foisonnante!
Je suis sortie de cette lecture étourdie et étonnée par la société que l'on voit défiler dans l'immeuble, le café et la rue. 1942 à Madrid, c'est un monde de faux-semblants, des destins contrariés, des engagements dangereux..
Un roman rythmé et profond, sur fond de peuple divisé et de violences. Une sorte de grouillement de vie sous une chape de silence, du burlesque et de la folie.
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La Colmena
Traduction : Henri L. P. Astor
Préface : José María Castellet

ISBN : 9782070707720

Le nombre de personnages que l'on voit ou dont on entend parler dans "La Ruche" a toujours fait sinon polémique, certains ergotant avec plus ou moins de mauvaise foi sur leur nombre précis, en tous cas plongé le lecteur digne de ce nom dans une phase de béatitude admirative ... ou agacée. Mais attention ! "La Ruche" est bien un roman, axé sur cinq chapitres et un épilogue, lesquels se présentent un peu comme des alvéoles. Dans chacune d'elles, un groupe de personnages (principaux, secondaires ou simples utilités) dont beaucoup se croisent et s'entrecroisent avec les occupants des cinq autres alvéoles, la première marquant le début du livre dans le café que tient doña Rosa, veuve, obèse, barbichue, grande gueule, plutôt stricte en affaires mais dans le fond assez sympathique. Chien qui aboie ne mord pas, dit-on et, dans le cas de doña Rosa, c'est vrai que, si elle s'étrangle d'aboiements du début jusqu'à la fin de la journée, au point que toute sa clientèle se trouve toute perdue lorsque, d'aventure, la terrible femme ne se risque qu'à quelques mots amers et à quelques ricanements de l'ouverture jusqu'à la fermeture de son établissement, elle mord rarement. Parfois, elle fait suivre un client qui n'a pas payé ou s'est montré malpoli (enfin, selon elle) par l'un de ses serveurs afin qu'il règle l'affaire mais en général, ledit serveur, tout en racontant la façon épouvantable dont il a roué de coups le malotru et l'a pratiquement laissé fin prêt pour les Urgences, s'est contenté de suivre un peu le réprouvé en question en échangeant au besoin avec lui une cigarette ...

"La Ruche", c'est comme la Vie et, forcément, comme dans l'existence, on y trouve de tout . Des thèmes comme l'homosexualité par exemple (avec la mère de l'un des membres du couple gay que l'on retrouve étranglée dans son lit, une serviette éponge autour du cou), les relations sexuelles souvent adultères ou illicites au regard de la Loi mais clairement explicites à ceux du lecteur, et plus encore les mutations qui bouleversent la société madrilène de l'époque (l'action se situe en 1942) au lendemain de la Guerre civile, alors que les Allemands tiennent toujours dans les steppes russo-asiatiques, allaient donc interdire de parution ce roman-clef de son auteur dans son pays natal jusqu'en 1963. Et c'est "en exil", en 1951, que "La Ruche" fut éditée pour la première fois, à Buenos Aires, en Argentine, avec un succès immédiat.

Ignoré par la plupart des lecteurs français qui ne lisent que les best-sellers ou les nouveautés, même si celles-ci ne valent pas grand chose, José Camilo Cela, qui s'était déjà fait remarquer avec "La Famille de Pascual Duarte" quelques années plus tôt, est l'un de ces auteurs qui, bien qu'ayant accepté de vivre sous Franco, entendait écrire comme il le désirait et faire renaître une littérature espagnole qui, depuis la Génération de 1898 (grosso modo), avec des auteurs comme, par exemple, Pío Baroja, faisait désormais, et malgré l'éclat sans conteste de sa jeunesse passée, plus du "sur-place" qu'autre chose. le plus étonnant, et ce qui prouve sans doute le mieux la valeur de cet écrivain, c'est qu'il y est parvenu et que des auteurs contemporains, de langue ibérique ou pas, le saluent comme un maître.

Dans "La Ruche" (moins toutefois que dans "La Famille de Pascual Duarte"), le récit demeure assez linéaire et l'auteur ne cherche visiblement pas à imposer un style particulièrement déconstruit ou novateur. Il prend ses personnages, leur donne vie et les fait nous raconter l'histoire d'une Espagne déboussolée, qui se cherche encore (et se cherchera encore longtemps). Dans le viseur de l'écrivain, les gens de la petite bourgeoisie et des classes moyennes inférieures, pauvres, voire très pauvres. Cela, qui en a vu d'autres à cette époque, n'hésite pas à nous évoquer le trafic d'enfants qui se fait par exemple dans la capitale. Si le petit gitano de six ans qui danse jusqu'à 2 heures du matin par les rues pour pouvoir consommer son seul "repas" de la journée dans une gargote d'habitués avant de s'étendre sur le trottoir, sous un pont, avec d'autres membres de sa "famille" gitane et de repartir, dès sept heures le lendemain, pour retourner chanter, danser - et gagner sa pauvre petite existence - sait se méfier des messieurs trop gentils, il n'en est pas de même pour tous. Et puis, la Guerre est passée par là. Beaucoup d'orphelins sont restés sur le pavé ou à la charge d'un parent souvent pauvre qui finit par les vendre à un réseau, voire à un notable, telle la petite fille, Cristina, que sa tante vend tout simplement à un riche médecin pédophile dont on peut penser qu'il dirige lui-même une filière dont il entend faire profiter à bon prix ses "amis."

Dans cette Espagne où Franco, certes, l'a emporté mais dans cet univers qui vit toujours de tickets de rationnement et où la stabilité demeure encore menacée par la Seconde guerre mondiale, demain est loin d'être sûr. On ne sait plus trop qui est qui, le travail est rare, l'argent encore plus et, si l'on vend les enfants, les femmes (et les hommes) n'hésitent pas à se prostituer. Il y a bien quelques privilégiés mais ils sont rares. Ainsi, nous croiserons peu de représentants de la classe ouvrière et encore moins de notables vraiment riches. Ceux que nous a dénichés l'auteur sont, eux aussi, sur la corde raide. Ils le savent et se doivent tout de même de travailler même si leur situation financière est moins inquiétante que celle, par exemple, de Melle Elvira, une cliente de doña Rosa qui, grâce au ciel, a su gagner la sympathie de la patronne de café. Songez que, très, trop souvent, le "dîner" de Melle Elvira, qu'elle prend en lisant quelques pages des "Mystères de Paris" d'Eugène Sue, ne se compose que de quelques châtaignes chaudes ou tièdes, seul aliment consistant qu'elle ait pu s'acheter auprès d'une marchande des rues. Tout ça dans une chambre si peu chauffée que la malheureuse entasse tous ses vêtements sur le lit pour pouvoir dormir un peu ...

Oh ! rassurez-vous, Camilo José Cela est à dix-mille lieues du pathos ou du mélo . Lui, il raconte. Aussi simplement que possible. Avec des touches d'ironie qui aident à faire passer l'affaire, soit en soulignant le désespoir de l'époque, soit en le tournant en ridicule. Avec réalisme aussi, mais un réalisme qui ne frôle jamais les périlleux abîmes de l'excès. de temps à autre, il donne la parole à l'un de ses personnages principaux en nous invitant, pour un temps, dans ses pensées les plus intimes. Mais c'est assez rare sauf, peut-être, en ce qui concerne Manuel Marco, notre "fil rouge" qui se glisse d'alvéole en alvéole, poète et anarchiste, bien entendu mais qui se garde en principe de faire de la politique. Enfin, c'est ce qu'il affirme . Pourtant, un soir, dans la nuit madrilène, il subit un contrôle d'identité et, sans que Cela se montre vraiment précis sur la question, à partir de là, il devient comme un homme traqué qui fait les manchettes des journaux.

Mais pourquoi ? Pour le meurtre de doña Margot, la mère du quinquagénaire homosexuel - avec laquelle il ne semble pourtant n'avoir jamais entretenu de rapports ? Ou parce que le policier de la veille, prêt à faire du zèle ou tout à fait de bonne foi, le soupçonne d'amitiés "rouges" ?

Il y a des ellipses dans "La Ruche", ellipses probablement souhaitées par son auteur. Deux ou trois personnages apparaissent, qui donnent l'impression de devoir par la suite tenir leur partie, mais qu'on ne reverra plus dès la moitié du livre sans savoir dans quels gouffres elles ont disparu. On les croirait surtout destinées à renforcer ce climat ambigu, glauque, dangereux (pour tous, sauf pour les "huiles", et encore y avait-il des rivalités au sein même des gouvernants) que Cela nous dépeint sans avoir vraiment l'air d'y toucher. On croirait qu'il était là par hasard, qu'il a vu par hasard et qu'il a pris des notes parce qu'un écrivain, c'est plus fort que lui, tout lui fait bois.

Aux admirateurs, aux simples connaisseurs de la littérature espagnole et hispanique et de toute la culture qu'elle recouvre, "La Ruche" est un livre que je recommanderai avec enthousiasme de déguster dans les règles. Après tout, ce "Petit Tour du Monde Par Les Livres" est fait pour ça : découvrir des auteurs pour nous inconnus mais qui ont laissé leur empreinte, qu'on l'apprécie ou pas, dans l'univers littéraire de leur pays. Or José Camilo Cela est sans conteste l'un des chefs de file de cette littérature hispanophone qui va se régénérer après la Guerre civile, grâce et malgré le Franquisme, régime ô combien ambigu, nous le découvrons de plus en plus aujourd'hui, avec le recul dont le Temps et L Histoire patinent toute chose.

Ergo, si vous aimez l'Espagne, sa langue et le monde qu'elle a engendré hors du Vieux Continent, jetez un coup d'oeil à José Camilo Cela : il en vaut, croyez-moi, largement la peine. :o)
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N° 239 – Avril 2002

Quelques mots sur Camilo-José CELA.

Ce que je veux retenir de cet écrivain espagnol, ce n'est pas sa vie, au demeurant assez peu connue qui s'est déroulée en grande partie sous la dictature franquiste qu'il a, par ailleurs, servie, ce n'est pas son Prix Nobel de littérature non plus, pas sa mort survenue récemment mais peut-être son style découvert à travers deux ouvrages « La famille de Pascal Duarte » mais surtout « La ruche ».

C'est une opinion personnelle et sans doute assez peu partagée, mais il me semble que son style est bien peu espagnol, ou, à tout le moins reflète bien l'époque dans laquelle a vécu CELA. Il me paraît être parfaitement le reflet de cette dictature fasciste qui fut pendant longtemps le quotidien de l'Espagne.

On ne peut, certes pas se limiter à la lecture de deux ouvrages, ma si «  La famille de Pascal Duarte » qui relate la vie d'un condamné à mort et évoque avec force la fatalité et le destin qui pèse sur l'homme, « La Ruche » est sans doute son livre le plus important, j'entends par-là le plus révélateur de ce qui fait la spécificité de cet écrivain. Ici, il procède par petites touches, comme un tableau pointilliste ou comme une mosaïque qui finalement fait une grande fresque. Chaque paragraphe est un élément du décor qui, pris isolément est, en quelque sorte sans importance, mais qui, réuni aux autres devient l'élément indivisible d'un tout qui fait le roman. le style, volontairement plat et sans relief ajoute à cette ambiance.

Nous le savons, l'action de « la ruche » se passe à Madrid en 1942. Elle respecte la classique unité de temps et de lieu. Quant à celle d'action, c'est un peu une impression d'inaction que ressent le lecteur parce que c'est là une somme d'histoires sans importance, mettant en scène des gens sans importance, en apparence du moins. C'est pourtant le quotidien ordinaire qui est ici décrit avec ses bassesses, ses rencontres, ses anecdotes, ses amours et ses fortunes qui se font et se défont, le temps qui passe… C'est au spectacle de la simple condition humaine dans tout ce qu'elle a de plus simple que nous convie l'écrivain à travers la peinture d'une multitude de personnages(L'éditeur remarque qu'ils sont en réalité au nombre de 348, certains sont réels, d'autres imaginaires). C'est pourtant dans le café de Dona Rosa que commence l'ouvrage, cet établissement si prisé des Espagnols qu'il symbolise la cité. Dans la ville grouillent des êtres vivants qui naissent vivent et meurent. Les personnages sont en réalité de « pauvres types » qui regardent passer le temps en sirotant une consommation chez Dona Rosa.

Le temps est en effet le deuxième élément de cette écriture. Il est à la fois fatalité, régularité inexorable et révélateur de la monotonie de l'existence humaine. Que sommes-nous au regard de l'éternité, qu'est notre vie sinon un misérable souffle ? Il passe pour chacun, sinon de la même manière, à tout le moins avec finalement le même rythme, le jour, la nuit et cela recommence, pour tout le monde pareil…

Il peut cependant être dégagé trois idées. C'est tout d'abord un roman collectif, comme l'indique d'ailleurs le titre lui-même, comme si la vie était réduite à sa seule dimension biologique, sans idéal, une sorte d'existence primitive !

La vie est donc inerte, fermée, absurde, étouffante, c'est là la deuxième idée.

La troisième idée est sans doute le sexe. Cela peut paraître étonnant dans cette période, dans ce pays où ce tabou est roi, ou la religion commande tout et le pouvoir politique asservit le peuple, ses aspirations, sa culture. le sexe ici est à peine évoqué, à travers un mariage arrangé, la prostitué qui se vend pour manger, la jeune fille qui doit rester vierge pour son mari qui sera nécessairement le seul homme officiel de sa vie, mais aussi, à mots couverts l'adultère, le mensonge.

« Ils mentent, ceux qui veulent déguiser la vie à l'aide du masque grimaçant de la littérature » écrit Camilo-José CELA dans une note lors de la première édition tout en laissant au lecteur le soin d'apposer sur son livre l'étiquette qu'il jugera bon.

Dans une deuxième note publiée quatre ans après, il précise que « La Ruche » est un cri dans le désert, ce cri n'est pas tellement strident ni trop déchirant ».

Camilo-José CELA n'est pas l'égal en littérature d'un Garcia-Lorca, d'un Unamuno, d'un Antonio Marchado, ou d'un José Ortega y Gasset. La guerre civile et l'exil avaient anéanti les grands intellectuels de ce pays. C'était bien un désert culturel qui y régnait et le mérite de Camilo-José CELA est de s'être fait l'écho de cet « existentialisme noire » qui avait cours, alors en Espagne. Pour ma part, je choisis d'y voir une peinture sinon pessimiste à tout le moins réaliste de la vie à cette époque.

Il n'est cependant pas inutile de rappeler que, photographie de la société de ce temps, ce livre n'a pu être édité en Espagne, à tout le moins au début. La première édition fut argentine, la deuxième mexicaine. C'était peut-être là le signe d'une société qui ne voulait pas voir ses réalités en face !

©Hervé GAUTIER
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Ecrit en 1950 par le futur Nobel espagnol Camilo José Cela, ce roman porte bien son nom car il "bourdonne" d'une multitude de personnages,
160 nous dit la préface. C'est le grand intérêt de ce roman, une prouesse d'écriture. On suit les interactions de ces différents personnages sur quelques jours par de courts dialogues les uns avec les autres.

On est à Madrid, en 1942, dans un quartier populaire. Les saynètes ont lieu principalement dans le café de Dona Rosa mais aussi aux domiciles, dans des commerces, et chez les prostituées. Les personnages ne sont pas très reluisants, ils font pitié ou nous rebutent. Leurs préoccupations sont très terre à terre : manger, coucher, obtenir de l'argent.

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