Dans ces manuscrits retrouvés, le sulfureux écrivain cueille Ferdinand, son double littéraire, sur le champ de bataille, alors qu'il vient de recevoir une balle dans le bras et une autre juste à côté de son oreille gauche. Son bataillon vient d'être décimé et claudiquant, un bruit immense dans sa tête du fait de sa blessure, « la
guerre lui était entrée dans la tête » dit-il, il va rejoindre l'hôpital militaire de Peurdu-sur-la-lys, où il sera soigné avant de rejoindre l'Angleterre. On retrouve bien ici tout le talent de Céline, son écriture déconstruite, son argot de la rue, sa haine de la
guerre, de l'armée, de la bourgeoisie, de ses parents...Les premières pages qui décrivent son errance, blessé, donnent aux scènes de
guerre un réalisme totalement glaçant...Il sait mettre en image ce qu'il décrit, les défilés incessants des différentes armées sur la rue principale de Peurdu-sur-la-lys ont une puissance d'évocation folle. Il met du bruit et de la fureur dans son écriture. le langage est cru, les scènes de sexe, pas softes du tout, tiennent une place très importante dans le livre et il n'y a pas une trace antisémitisme dans le texte. C'est d'ailleurs là le problème de l'édition de ces manuscrits retrouvés. Dans l'avant propos, il est bien précisé que Céline a été décoré pour faits de
guerre en 14, qu'il a frôlé la mort plusieurs fois en 39 – 45. On mentionne ses prix littéraires, et on évoque qu'il a été en exil en Allemagne et au Danemark sans en préciser les raisons, sans révéler son antisémitisme notoire. Pour ma génération qui a la connaissance de ces faits, ça « peut passer », limite. Mais pour les jeunes générations qui n'ont pas ce bagage culturel, Céline va passer pour un héros de
guerre couronné par ses pairs en littérature. Et là, c'est grave...