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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
le narrateur de « A la vitesse de la lumière » -qui pourrait être l'auteur Javier Cercas lui-même-, jeune homme espagnol, rêve avec son ami Marcos Luna de devenir des artistes à succès. Si Marcos souhaite être peintre, le narrateur a pour ambition de devenir écrivain. Il accepte la proposition d'aller travailler dans une université américaine à Urbana, pour y donner des cours d'espagnol. C'est pour lui la possibilité de recueillir de la matière à son écriture et de nourrir l'écrivain en devenir.
A l'université, il fait la rencontre de Rodney Falk, vétéran de la guerre du Vietnam. Ce collègue est un homme taciturne, solitaire, considéré comme étrange par les autres de l'université.
En prenant l'habitude de se retrouver chaque semaine dans un bar pour que le jeune homme apprenne le catalan à Rodney, de converser sur les thèmes de l'écriture et la littérature, ils deviennent peu à peu amis. Le vétéran se révèle être un esprit fin et cultivé, amoureux de la littérature, des grands écrivains, notamment d'Hemingway. Rodney va ainsi lui expliquer que le succès peut littéralement tuer un écrivain. Devenir un grand écrivain, c'est -selon lui- créer du sens à la réalité, accepter de regarder la réalité en face. Avec le succès, l'écrivain a l'obligation de ne jamais cesser d'écrire, de toujours voir cette réalité, de chercher son sens, sous peine de dépression ou de suicide.
Rapidement, le narrateur comprend que la guerre du Vietnam a détruit Rodney, même si ce dernier évite, de prime abord, d'en parler. De par sa vie solitaire, s'excluant quasiment de toute vie sociale, mais aussi par quelques remarques sur l'homme qu'il est, le jeune espagnol réalise que son ami est rongé par la culpabilité, par les actes infâmes des soldats que la guerre oblige à faire, poursuivi par ses ombres. La guerre finit par rendre un homme inhumain et barbare et changer la nature même de son être et de son âme.
De retour d'un voyage de quelques semaines avec des amis, il va apprendre que Rodney a disparu. Peut-être notamment parce que, pour l'écrivain qu'il est, il est curieux de cet homme profond et ravagé par son passé, il va tenter de le retrouver, de mieux le connaître.
Mais, Il va finalement rentrer en Espagne sans le retrouver. Il va rencontrer sa future femme, avoir un enfant et tenter d'écrire jusqu'à ce qu'un de ses romans rencontre le succès…
J'en ai presque déjà trop dit. Comme l'exercice est souvent difficile, par notre envie d'argumenter sur le plaisir qu'on a connu à lire une oeuvre, à donner l'envie à l'autre, de raconter l'histoire et d'en dire un peu trop !
A ce propos, ce qui a été le cas pour ce roman, j'en profite pour regretter (et le terme est faible) que certaines quatrièmes de couverture ou critiques littéraires, soit nous fassent miroiter monts et merveilles qu'on cherchera en vain dans le roman, soit nous en racontent beaucoup trop, quand ce n'est pas jusqu'à l'épilogue, et ainsi, contrarient tout effet de surprise, d'intrigue et donc l'émotion.
Le roman de Javier Cercas par son écriture intelligente et fine, la psychologie, la profondeur de ses personnages m'a captivée dès les premières pages. Rodney est un de ses personnages, complexe, qui nous touche, forcément.
C'est un roman lumineux parce que cela parle de l'amitié, de son pouvoir, mais aussi de littérature, de ce qui fait tenir les hommes. Mais, c'est aussi bien entendu un roman sombre par ses autres thèmes : la guerre et la culpabilité. La culpabilité comme celle des Tragédies, celle qui s'insinue en soi et dévore peu à peu l'âme. Une culpabilité qui va, bien sûr, bien au-delà de la guerre. Ce sentiment qui peut naître pour tout à chacun, selon nos actes vis-à-vis des autres, notre conscience.
Et si cette histoire m'a tenue en haleine jusqu'à la fin, c'est bouleversée que j'ai fermé ce roman.
Et il va sans dire que je vais poursuivre ma découverte de cet écrivain.
Un grand merci à Merik pour m'avoir fait découvrir Javier Cercas !
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Voilà un livre dans lequel je suis entré tranquillement, qui m'a progressivement happé par son intensité en crescendo et dont j'ai terminé la lecture à bout de souffle.

Avec ce roman qui date d'une douzaine d'années, l'auteur, l'écrivain catalan Javier Cercas, s'efforce de disséquer les méandres de la culpabilité et du remords dans la conscience. Il entrecroise les parcours de deux personnages, qui cherchent chacun leur double dans l'autre. L'un est un vétéran américain du Vietnam, un ancien membre d'un escadron d'élite accusé de crimes de guerre, qui se débat dans la quête d'une impossible expiation. L'autre – narrateur de l'ouvrage – est un jeune écrivain qui, malgré les mises en garde, perd ses repères moraux dès son premier succès de librairie et doit en assumer de lourdes conséquences. Les drames arrivent en un éclair et transforment les destinées à la vitesse de la lumière. On ne les voit pas arriver, mais certaines pages sont brutales.

Le début est pourtant doucement anesthésiant – une sensation agréable, au demeurant ! –, comme lorsqu'on se trouve confortablement installé dans un univers familier, ou pour être plus précis, lorsqu'on a l'impression d'avoir déjà lu quelque part les pages du livre qu'on a entre les mains. Dans A la vitesse de la lumière, plusieurs traits m'ont conforté dans ce ressenti.

L'écriture de l'auteur, superbement traduite de l'espagnol, est faite de longues phrases qui se déploient et se redéploient en modulations harmonieuses ; de très longues phrases dont la composition unit, dans une syntaxe irréprochable, la narration des faits et le ressenti qu'ils inspirent au narrateur. Ça ressemble à du Proust et j'aime beaucoup. (Je relis souvent, au hasard, deux ou trois phrases de Marcel Proust ; une façon d'échapper à l'agitation du quotidien, comme lire de la poésie ou écouter de la musique.)

Comme A la recherche du temps perdu, A la vitesse de la lumière – un air de parenté dans les titres que je découvre en les écrivant côte à côte ! – pourrait passer pour une autobiographie. le narrateur, auquel on ne connaît ni nom ni prénom, ressemble en tous points à l'auteur, mais ce n'est pas tout à fait lui !... Une anecdote : après la publication du roman, Javier Cercas, qui enseigne à Barcelone, a dû préciser à ses étudiants qu'il n'avait pas été victime personnellement du drame subi par son personnage de narrateur dans le livre, un ouvrage de fiction.

La première partie du livre m'a rappelé des schémas de romans anglo-saxons contemporains. Un jeune plumitif au début de son chemin d'écrivain a opportunément trouvé un poste de professeur assistant dans une université américaine. Il s'y lit d'amitié avec un collègue plus âgé du nom de Rodney Falk, un intellectuel féru de littérature, dont le comportement étrange le pousse à chercher à en savoir plus sur son passé. Cette recherche se concrétise par la mise à nu progressive du personnage de Rodney, l'ancien militaire qui ne s'est jamais remis des contradictions auxquelles il a dû faire face, là-bas, au Vietnam et chez lui, après son retour. L'histoire est racontée par son père, dont la narration est enchâssée dans la narration principale, une construction romanesque courante dans la littérature du dix-huitième et du dix-neuvième siècles.

Toutes ces parentés littéraires pourraient traduire un manque d'originalité de l'ouvrage. Peu importe. Soulignant que certaines idées deviennent des clichés juste parce qu'elles sont vraies, Rodney avait prévenu son ami narrateur que, quand on cherche à « dire des choses originales pour faire l'intéressant, on finit par ne dire que des conneries ».

Dans la descente aux enfers des deux hommes, aucune rédemption par l'amour ne semble possible. Reste la mort… Et la littérature. Cette ultime voie passe par un retour aux sources qui boucle l'histoire. En trouvant ainsi comment terminer son livre, le narrateur trouve aussi son salut.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Que dire de ce roman si ce n'est qu'il m'a bouleversé. Cercas nous emmène à travers l'histoire d'un écrivain reconnu (Cercas lui-même ?) et son ami américain vers des questionnements existentiels. Avec une grande maitrise et une grande virtuosité, le roman résonne en nous bien après la fin de sa lecture. Une belle découverte.
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Rien à dire de négatif (même en cherchant) : l'écriture est belle et souvent profonde, l'histoire est bien menée et forte. Quel écrivain ! Il m'a souvent fait penser à Sorj Chalendon. le narrateur espagnol part deux ans aux USA (tout comme l'auteur !?) et deviendra l'ami de son collègue, qui a fait la guerre du Vietnam. Puis, il y aura un chassé-croisé où l'on attend, comme lui, des nouvelles et des réponses. C'est aussi des réflexions sur l'écrivain et ses doutes. Sur l'amitié, sur la vie de couple, sur la culpabilité. J'ai adoré la fin toute simple en évidence et en même temps… Un grand roman inoubliable ! Merci à Bookycooky
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Jamais je ne pensais avoir entre mains un livre qui parle entre autres de la guerre de Vietnam,de la transformation qui s'est opérée chez certains soldats alors qu'ils combattaient et se prenaient pour Dieu en ayant cette possibilité de donner la mort, et surtout sur le sens et le pouvoir de littérature. Pourtant ce roman prenant et riche en émotions traite de ces thèmes par une écriture ô combien remarquable et par l'histoire de deux hommes.

Le narrateur, un étudiant espagnol, a pour ambition de devenir écrivain. Par le plus grand des hasards, on lui propose un poste à l'université d'Urbana. Ainsi, il pourra enseigner sa langue et écrire. Et c'est dans le cadre de son travail qu'il rencontre Rodney Falk. Cet ancien combattant du Vietnam enseigne lui aussi l'espagnol. Peu bavard, Rodney Falk est solitaire, pourtant lui et le narrateur vont devenir amis. Mais Rodney disparaît sans prévenir son ami et sans avoir donné de raison à la faculté. Retourné en Espagne, le narrateur découvre la gloire liée à la publication de ses livres. Marié et père d'un enfant, il s'abandonne à une vie de vices . Il faudra un drame personnel pour qu'il cherche à voir de retour son ancien ami.

Alors qu'il était pacifiste, Rodney Falk s'est engagé. Il a côtoyé l'abominable, il s'est vu devenir un homme qui tue sans éprouver de remords. Pire, il y a pris du plaisir. Revenu au pays, il n'a plus trouvé la paix ( "En apparence, Rodney était certes revenu du Vietnam, mais c'était en réalité comme s'il s'y trouvait encore, ou comme s'il avait ramené le Vietnam chez lui"). le narrateur lui a perdu sa famille, sa dignité à cause de l'ivresse du succès ( "j'aurais au moins dû prévoir que personne n'est vacciné contre le succès et que c'est qu'au moment de l'affronter qu'on comprend que c'est non seulement un malentendu et la joyeuse insolence d'un jour, mais que ce malentendu et cette insolence sont humiliants; j'aurais aussi dû prévoir qu'il était impossible de survivre avec dignité au succès, parce qu'il détruit tel un ivrogne la demeure de l'âme et qu'il est si beau qu'on découvre, même si on se leurre avec des protestations d'orgueil et de démonstrations hygiéniques de cynisme, qu'en réalité on n'avait pas fait autre chose que de le chercher, de même qu'on découvre quand on l'a entre les mains et qu'il est trop tard pour le refuser, qu'il ne sert qu' à nous détruire et à détruire tout ce qui nous entoure. J'aurais dû le prévoir, mais je ne l'ai pas prévu. En conséquence , j'ai perdu tout respect pour la réalité; j'ai aussi perdu mon respect pour la littérature, la seule chose qui juqu'alors avait donné un sens ou une illusion à la réalité."). Deux vies qui ont plus d'un point de jonction, deux hommes qui saignent moralement.
En quête de rédemption, l'écriture qu'il a délaissée donnera au narrateur cette obligation morale d'écrire ce qui n'a pas été dit, ce qui ne se raconte pas.

La construction même du livre à la façon d'un puzzle, où la trame serpente entre passé et présent est magnétique tout comme l'écriture de Javier Cercas. Et la littérature, la vie, la mort, et comment ou pourquoi naît l'écriture et son pouvoir à façonner ou à rendre au plus juste la réalité, la culpabilité jaillissent de ce roman et se plantent en plein coeur.
Un livre tout simplement inoubliable…J'ai eu à de nombreuses reprises des poissons d'eau dans les yeux, le souffle coupé et j'ai relu des passages ou des pages entières tant ce livre m'a plus que remuée !

Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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N°1658- Juillet 2022

A la vitesse de la lumièreJavier Cercas – Actes sud.
Traduit de l'espagnol par Elizabeth Beyer et Aleksandar Grujičič.

Un jeune espagnol qui ressemble fort à Cercas lui-même, qui veut devenir écrivain, comprend que pour cela il lui faut voyager, rencontrer des gens, faire des expériences. Alors pourquoi pas les États-Unis ? Sauf que ce fut Urbana, ville universitaire certes, mais triste et perdue au fond de l'Illinois, pas vraiment de quoi nourrir son rêve américain ! Il y croise par hasard Rodney, un vétéran du Vietnam au comportement bizarre . Pas très original non plus ! Mais cette rencontre a vraiment lieu quelques années plus tard, surtout par l'intermédiaire des lettres que Rodney envoyait à son père pendant les hostilités et qu'il confit au narrateur. Elles parlent de la violence et de l'absurdité de cette guerre et à son retour il se sent étranger dans son propre pays, a du mal à assumer sa qualité d'ancien combattant malgré ses médailles à cause des massacres perpétrés au Vietnam notamment sur des femmes et des enfants innocents. Il est bouleversé et culpabilisé et ne puise la raison d'une vie décousue que dans l'alcool, la drogue et une forme de marginalité inexpliquée. Notre apprenti écrivain condamne certes cette attitude meurtrière, y voit l'opportunité d'un roman à écrire, mais hésite longtemps notamment à cause du mutisme de Rodney qui se refuse à collaborer. Plus tard, quand ce dernier reprend une vie normale et rangée, le projet d'écriture revient et avec lui, la parole de Rodney qui accepte, malgré ses réticences, d'évoquer ses souvenirs comme pour les exorciser et s'en libérer, parce que c'était la guerre, les ordres, la logique des choses, la terreur qu'il fallait entretenir chez l'ennemi, mais ce qu'il n'ose dire c'est qu'il a ressenti une certaine jouissance à tuer parce que l'impunité était la règle et qu'il ressentait une impression de puissance dont aujourd'hui il a honte. D'ailleurs officiellement il ne s'est rien passé et le procès qui a évoqué le massacre se traduit par un classement vite oublié.
De son côté l'écrivain décrit son parcours, règle quelques comptes et la galère du début laisse place petit à petit à la notoriété, au succès, à l'argent facile et aux conquêtes féminines. Cette célébrité, ce parcours brillant et cette consécration font qu'il néglige sa famille au profit de sa carrière et lui donne la certitude que tout lui est permis et, toutes choses égales par ailleurs, il ressent cette même impression de toute puissance qui était celle de Rodney au Vietnam. En une sorte de fulgurance (à la vitesse de la lumière) il en prend conscience et se sent responsable de la mort accidentelle de sa femme et de son fils. Pour lui comme pour son ami, son impression de toute puissance, Rodney avec son arme, lui avec sa plume, leur donnent l'impression d'être des Dieux. Rodney était obsédé par ceux à qui il avait donné la mort face à la fragilité de la vie, la narrateur se sent coupable de la disparition des siens parce qu'il les a négligés. En tout cas les deux ressentent un terrible sentiment de solitude face au poids de leur passé qui les rend haïssables et méprisables à leurs propres yeux, qui leur ôte le goût de vivre, qu'ils combattent avec alcool et drogue. Ce qui les a uni, bien des années après, ce sont les larmes, celles du deuil pour Cercas et du remords et de la révolte pour Rodney. L'écrivain se découvre lui-même comme un véritable zombi, un fantôme en état d'hibernation, au bord du gouffre de la mort et évoque cette « porte de pierre » qu'il ne pourra jamais franchir, un assassin qui espère sans trop y croire dans le rôle rédempteur de l'écriture. Il écrira pourtant son livre, mêlant son destin à celui de son ami, pour maintenir en vie les morts, témoigner de leur passage sur terre mais aussi, à titre plus personnel, pour se faire pardonner ses trahisons, pour se sortir du piège dans lequel il s'était lui-même enfermé et faire échec à sa propre mort.
Comme toujours j'ai apprécié cette lecture non seulement parce que le texte est bien écrit et évidemment bien traduit, parce que, dès lors que j'ai ouvert un des romans de Cercas, il m'est difficile de le lâcher, mon attention étant maintenue en éveil jusqu'à la fin. Non seulement il parle, malgré quelques longueurs, de l'écriture, du métier d'écrivain avec ses grandeurs, ses servitudes et ses illusions, de l'impossibilité d'exprimer le message qu'il entend faire passer, à cause de la hantise de la page blanche mais aussi de la perpétuelle envie de remettre à plus tard ce devoir d'expression. Il pose de problème de la notoriété, du succès littéraire, de la vertigineuse euphorie du succès qui vous font passer pour un intellectuel, c'est à dire un être à part qui, après des années de galère, mène une vie différente d'avant, même si celle-ci le précipite dans la marginalité et le désespoir. Il analyse avec force détails son parcours, ses succès, ses échecs dans la publication de ses oeuvres, ses périodes d'abattement de doute, d'humilité parfois forcée,
Il s'agit d'une sorte de mise en abyme, un roman qui s'écrit à l'intérieur même d'un autre roman où se mêle autobiographie avec une foule de détails personnels sur ses livres et sa vie et une fiction inspirée d'autres expériences. L'auteur évoque une guerre qu'il n'a évidemment pas faite mais il choisit, comme souvent, d'en dénoncer les violences et les atrocités mais se retrouve aussi face à lui-même. le lecteur ne tarde pas à s'apercevoir qu'il s'agit moins d'un roman au sens traditionnel du terme que d'une réflexion de Cercas sur lui-même, sur son métier d'écrivain, ses romans. C'est vrai que chaque auteur puise dans sa vie et dans ses expériences la matière de son oeuvre, c'est ce qui en fait la valeur et l'originalité même s'il tombe dans un solipsisme parfois dérageant. Ici je ferai difficilement la part des choses entre le roman, c'est à dire l'imagination et la réalité qui relient la guerre du Vietnam et ses atrocités à la mort d'un enfant et d'une épouse.
J'ai lu ce livre comme une longue réflexion sur le sens de la vie humaine, où destiné et liberté se conjuguent et s'affrontent, se rejoignent parfois sans qu'on sache très bien laquelle prend le pas sur l'autre, la vanité des choses humaines, leur aspect transitoire, la faculté de trahir les siens et l'hypocrisie de vivre ainsi, éternelles interrogations et compromissions de l'homme.
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A mon avis, Javier Cercas est un écrivain très doué. Son livre "Les soldats de Salamine" (paru en 2001) m'avait déjà stupéfié par son intensité exceptionnelle. le présent roman nous parle aussi de la guerre, mais il parait un peu différent; il évoque un passé beaucoup moins reculé que la guerre civile espagnole.
Au début, le narrateur, de nationalité espagnole, a trouvé un poste dans une université américaine. Il se lie à un homme solitaire et secret, Rodney Falk, ancien combattant de la guerre du Viêtnam. Mais celui-ci disparait sans préavis et le narrateur retourne dans son pays. Il y publie son premier livre. le succès qu'il obtient tourne aussitôt la tête au narrateur, qui abandonne complètement sa vie rangée. Mais sa folie a une fin; il décide alors de retrouver son ami Rodney...
Ce qui est très remarquable, dans ce livre, c'est la mise en parallèle des deux dérives fatales: celle de l'ancien soldat perverti par les horreurs de la guerre; celle du narrateur perverti par les pièges maléfiques de la vie civile. Comme d'habitude, Cercas explore le tréfonds de l'âme humaine, sans complaisance mais sans jugement moral de valeur. C'est pour moi un excellent roman.
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Le narrateur, visiblement un double de l'auteur, est un jeune étudiant espagnol peu travailleur mais persuadé qu'il va un jour devenir un écrivain célèbre. Un de ses profs lui propose de partir comme assistant d'espagnol dans une université américaine. Là-bas il se lie avec Rodney, un assistant quadragénaire taciturne et original. Mais Rodney ne revient pas après les vacances de Noël. Parti à sa recherche, le narrateur rencontre son père qui lui raconte alors que Rodney vit avec le poids de son passé, et son passé s'appelle la guerre du Vietnam. le narrateur repart avec toute la correspondance de Rodney pendant cette guerre et la conviction qu'il doit raconter cette histoire. Mais il retourne en Espagne et sa vie quotidienne et superficielle reprend son cours, jusqu'à ce que...

Je l'ai lu d'une traite et j'ai admiré le style narratif de l'auteur. Pour définir ce style, je dirais que ça m'a fait penser à Paul Auster. On trouve chez Cercas cette même croyance des personnages en leur destin ("si je n'avais pas suivi ces cours, je n'aurais pas rencontré Rodney et ma vie n'aurait pas été la même..."), la même introspection et le même souffle lyrique que chez Paul Auster.

La guerre est visiblement un sujet majeur chez Cercas puisque son premier roman parlait de la guerre d'Espagne. Ici je trouve intéressant qu'un Espagnol ait fait des recherches sur les séquelles du Vietnam sur les anciens combattants qui sont revenus au pays en ayant vécu l'enfer mais en étant méprisés par leurs concitoyens pour leur participation à une guerre inutile.

Bref, ce roman est vraiment très réussi. Il mêle très habilement réalité, création littéraire et réhabilitation par l'écriture et il crée des personnages qui resteront dans notre mémoire.
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A Urbana, dans le Middlewest, le narrateur, jeune écrivain qui n'est jamais qu'un double de Cercas, s'est lié avec Robney, un vétéran de la guerre du Vietnam  hanté par son passé (je fais court, c'est beaucoup plus compliqué et subtil que ça). Pendant des années, le jeune écrivain va souhaiter écrire cette histoire, la différant perpétuellement. Il lui manque quelque chose. Puis peu à peu les pièces du puzzle se combinent. L'écrivain  un temps aveuglé par le succès de son dernier livre (Les Soldats de Salamine à l'évidence) découvre peu à peu les pièces manquantes du puzzle, pour qu'enfin il arrive à mener à bien cette histoire de souffrance et de culpabilité. La propre culpabilité de l'auteur en est un élément primordial, qui lui fera effleurer une meilleure compréhension de son ami.

C'est donc la même histoire, transposée, que Les soldats de Salamine. le parallèle entre les 2 est impressionnant, des coups de téléphone répétés pour retrouver la piste des témoignages manquants jusqu'aux trains  en partance qui interrompent les confidences. On croit, longtemps, lire le même livre.

Mais ici Cercas va beaucoup plus loin, car le narrateur et son « héros » sont des contemporains, des amis, des doubles. L'écrivain aussi est pris dans la culpabilité.
« Trouver des coupables, c'est très facile ; ce qui est difficile, c'est d'accepter qu'il n y en ait pas. »

Et cela donne une dimension émotionnelle qui manquait aux Soldats de Salamine avec de très belles scènes d'intimité. Les diverses rencontres entre les personnages, tous souffrants à leur manière, sont d'une tendresse mélancolique et souvent désespérée. Cercas joue avec un grand talent sur les silences, les regards, les gestes, les non-dits. A la vitesse de la lumière, qui parle de guerre et d'abominations, de la violence et de l'abjection de l'homme, réalise le tour de force d'être aussi un roman d'une grande tendresse. L'amitié y a une expression forte et pudique. La vie est bien différente de ce que la jeunesse en attendait,  mais, quoique complexe et impitoyable, elle n'interdit pas une certaine réconciliation, avec le monde, avec soi-même.

L'écrivain est le seul qui puisse sauver la mémoire de Robney, il le sait, écartelé entre son amitié et l'horreur des actes que son ami a commis. Il sait que cette écriture sera pour lui une délivrance qui lui permettra, peut-être, un départ vers le meilleur. Pardonner à Robney, c'est se pardonner à soi-même. Et tous, Robney, son père, sa femme comptent sur lui pour défendre la mémoire du soldat, même s'ils savent que : « je mentirai sur tout, mais uniquement pour mieux dire la vérité ».


On ne peut qu'être fasciné de  voir s'entremêler le roman et de l'autobiographie, non par une espèce de curiosité morbide, mais parce que c'est le sens-même de l'écriture que Cercas interroge ici : l'écriture donne sens à la vie et la vie donne sens à l'écriture. Qu'est ce que la vérité, qu'est ce que la fiction, qu'est ce que l'art si ce n'est un moyen de survie ?

Ce roman, qui ressemble d'abord à un remake de Les soldats de Salamine, ouvre peu à peu d'autres pistes, il est encore plus achevé, il fouille au plus près l'intimité de l'écrivain, ses interrogations, ses errances et sa possible rédemption.
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La décision du narrateur de partir à Urbana, une université américaine va être un tournant dans sa vie. Il rencontre là-bas Rodney Falk, un vétéran du Viet-Nâm avec il noue une amitié particulière. Mais un jour Rodney disparaît. Il apprend par son père qu'il a un passé un peu sombre…

Ce roman est une spirale : j'ai été prise dans le flot de passé et présent, entre guerre réelle et guerre mentale. On suit en parallèle deux histoires, deux personnages qui vivent des moments très durs. le narrateur est un écrivain et connait un premier succès avec un livre sur la guerre civile espagnole (clin d'oeil aux soldats de Salamine ?). le lien est très fort entre ces deux hommes même si, souvent, ils se ratent, se jugent puis se comprennent. Ces deux histoires noires en miroir donne un roman troublant et amenant à la réflexion sur l'écriture dans un style sublime. Cercas retranscrit bien leur culpabilité, leurs regards respectifs sur la vie de l'autre et ainsi, la possibilité de s'en affranchir.
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