Inconscience ou réel défi ?
Raconter la suite des Misérables c'est un peu comme se tirer une balle dans la tempe en se noyant après avoir pris des barbituriques et passé la corde autour du cou.
D'ailleurs on sent tout de suite l'application quasi scolaire de l'auteur pour coller au style Hugolien, agrémenté d'aphorismes bien sentis et de clins d'oeil sur la situation politique des années 1830.
Mais cela reste une copie et on le ressent très bien à la lecture : Cérésa est le Canada Dry du grand Victor, on cherche l'original sous la copie. du reste, ces aventures matrimoniales de la fille adoptive de Jean Valjean lorgnent davantage vers
Ponson du Terrail et son Rocambole. Et encore : les épisodes 3 et 4 où il est davantage question d'intrigues amoureuses que de satire et critique sociale. Cérésa pousse même l'ironie à inclure
Eugène Sue, l'auteur des Mystères de Paris – pendant des Misérables – dans la galerie de dandys qui n'ont d'autre temps à tuer qu'à profiter des largesses que leur offrent leur vie dorée sur fond de révolte politique et sociale dont ils ignorent bravement les implications. Vie de potache, bagatelles et, bien sûr, les inévitables duels pour « laver l'affront de l'honneur bafoué ».
Cérésa joue avec la galerie de personnages imaginés 150 ans plus tôt en faisant réapparaitre Thénardier et même le suicidé Javert. Très fort. Peut-être aurait-il été mieux inspiré de se concentrer sur une vraie et belle histoire de ces années 30 (1830), puissante et lyrique… à la manière des feuilletonistes d'alors, y compris ceux qui possédaient moins de talent que l'homme de Besançon.
On en est là, presque à la moitié du livre (attention : si vous devenez accro, il va falloir ingurgiter un second volume (Marius) pour aller au bout de l'histoire) quand tout bascule : Cérésa nous ouvre les portes du bagne de Toulon où Hugo n'avait fait que récupérer Jean Valjean. Là, quelques dizaines de pages valent vraiment la peine d'avoir ouvert cette copie. C'est toujours aussi bien écrit mais cela respire l'originalité et l'exactitude comme un vrai documentaire. Bravo !
Malheureusement, revenus à Paris, on retombe dans cette caricature des feuilletonistes faite d'intrigues et de complots sans queue ni tête.
Non, il y a des monuments déjà assez ardus à restaurer, alors penser à les reconstruire, quelle belle affaire !