Qui dit
Métamorphoses, pense
Ovide.... Et à juste titre :
"Je veux dire l'histoire et
les métamorphoses
Des formes et des corps. Dieux, c'est votre oeuvre aussi :
Inspirez mon poème et guidez-en le fil
De l'aurore du monde au matin d'aujourd'hui !"
(
Les métamorphoses - Livre I - V1-4)
Étymologiquement le mot vient de metá (« après ») et morphé (« forme »)
La métamorphose est, pour les Grecs et les Latins, un principe explicatif du monde tel qu'il est. Les récits de
métamorphoses ont souvent une fonction étiologique : ils expliquent l'origine de certains cultes, mythes, personnages légendaires, phénomènes étranges. Et font jouer fabula contre historia.
Nous conservons jusqu'à nos jours des traces de ces
métamorphoses dans notre langue, notre culture, nos réalités quotidiennes. Elles sont au fondement de l'histoire du monde, du récit que l'on se fait de notre humanité, mais aussi de notre rapport à l'espace, au temps, à notre environnement, aux autres, aux différentes espèces.
Et autant de questionnements Cet animal qui me regarde, n'a-t-il pas été un homme dans une autre vie ?
Moi-même ne suis-je pas menacé de perdre un jour ma forme actuelle pour devenir autre et ce sans attendre la métamorphose ultime qu'est la mort ?
Au sortir de l'Antiquité, la métamorphose demeure le principe fondateur du christianisme : Dieu qui se fait homme.
Mais
les métamorphoses ne sont pas que "l'oeuvre" d'
Ovide et revêtent des bien des formes, sans mauvais jeu de mots...
Elles servent bien entendu à expliquer le monde,
à vouloir le changer au point de se changer soi-même,
Elles sont l'expression de la confrontation des Hommes et des Dieux, et de fait utilisée pour venger ou punir, et parfois pour récompenser ("La métamorphose agit comme une mort, la mort d'un premier état, donnant naissance à un autre état. Elle ouvre la possibilité d'une autre identité, et permet d'accéder à une autre vie. Même si elles sont souvent, pour l'homme, négatives,
les métamorphoses sont aussi synonymes de seconde chance, quand les dieux soulagent les mortels de leur condition, et les libèrent d'une vie devenue un fardeau"),
Elles génèrent des monstres ou à l'opposé des prodiges,
Elles sont instruments de ruse,
Elles offrent le pouvoir de déguisement, de changer de sexe ou de genre,
Elle permettent le passage de l'inanimé à l'animé, à moins que ce ne soit l'inverse,
Elles ont une fonction étiologique : "elles expliquent l'apparition de certaines plantes et arbres (narcisse, jacinthe, anémone, cyprès, laurier, orchidée…), de certains astres (Orion, Persée, la Grande Ourse…), et tant d'autres éléments naturels. Les soeurs d'Hélios, transformées en peuplier, pleurent des larmes d'ambre, inventant ainsi cette matière précieuse. Tel est l'héritage des
métamorphoses antiques : notre langue, notre quotidien, nos mythes en gardent le souvenir.",
Elles préfigurent le posthumanisme :
"Qu'en est-il aujourd'hui des
métamorphoses ? Quand les hommes outrepassent l'ordre de la nature, que se produit-il ? Comment l'hybris humaine est-elle punie ?
Les métamorphoses aboutissent à ce que l'on nomme posthumanisme : une forme de négation des frontières entre naturalité et artificialité, entre humanité, animalité et robotique, quand l'homme veut se faire plus qu'humain, dépasser les limites corporelles, augmenter artificiellement ses facultés naturelles. Les greffes de puces électroniques ou d'organes non humains, la manipulation génétique, le développement des technologies liées à la robotique témoignent de cette volonté de transgression. Dangereuse hybris ? Plutôt désir de se dépasser, qui traverse l'humanité, des temps anciens à aujourd'hui, et d'aujourd'hui à demain."
Et bien des auteurs y ont contribués, certes moins connus pour certains qu'
Ovide : Hygin, Apolodore,
Diodore de Sicile et d'autres pour lesquels on ne les attend pas forcément sur ce sujet tels
Herodote,
Platon ou Pline l'ancien et même Lucrèce, pour qui :
"
Les métamorphoses ne sont pas de la magie. Tout se transforme, mais selon la nature de chaque espèce."
En tout cas c'est toujours un plaisir que de plonger dans cette collection qui réunit autour d'un thème, des textes plus ou moins courts mais tellement vivants, et celui-ci ne déroge pas à sa mission première.