A la lecture du résumé, je n'ai pu m'empêcher de penser à deux autres récits. Dans une BD de
Etienne Davodeau, Lulu femme nue une mère de famille quitte sa vie familiale sans préméditation pour se retrouver elle-même. Dans La crise de
Coline Serreau, une scène anthologique et hilarante du cinéma montre
Maria Pacôme expliquant à sa famille qu'après leur avoir consacré sa vie, elle va maintenant vivre pour elle-même.
J'ouvre alors la BD et y retrouve une soeur de combat des deux que je viens de citer. La magie opère dès les premières cases avec le dessin délicat et tonique de Aimée de Jongh
Josy a soixante ans aujourd'hui. Devant sa famille réunie, elle s'apprête à souffler les bougies de son gâteau d'anniversaire lorsque soudain, une évidence la saisit. Elle se lève et s'en va dans le vieux van familial, délaissant une vie qui ne lui convient plus depuis longtemps.
C'est à peine un road-movie car elle va très vite garer son (emblématique) VW sur une aire de camping-car près d'une vieille
caravane. C'est plutôt un voyage presque immobile, intérieur qui va la changer durablement : des rencontres avec de nouvelles personnes, de longues conversations. Mais aussi la confrontation culpabilisante avec ses enfants indignés par son choix. Peu à peu, elle se réapproprie sa propre vie et ses pensées.
Avec le récit de cette émancipation, le scénario sensible d'
Ingrid Chabbert s'empare de l'image de la vieillesse dans la société occidentale du 21è siècle. L'allongement de l'espérance de vie et l'amélioration globale de la qualité de vie participent à une déconstruction de la représentation traditionnelle de la vieillesse. Aujourd'hui, les sexagénaires ne sont plus en fin de parcours mais des “seniors actifs” dans une nouvelle étape de leur vie, avec des projets, une sexualité, un pouvoir économique et décisionnaire. Pour toutes ces raisons, le divorce des seniors a explosé depuis une quinzaine d'années, et le plus souvent à l'initiative des femmes.
Les deux auteures s'attachent donc au point de vue féminin, voire féministe de ce phénomène, en mettant en scène un Club des Vilaines Libérées regroupant des femmes qui font le choix subversif de leur épanouissement personnel en bousculant les attentes sacrificielles de leur entourage.
Une BD réjouissante pleine d'espoir et d‘émotions positives. On aimerait tant un second volume pour suivre Josy et aussi Camélia, la vivifiante occupante de la vieille
caravane !!