La sortie sur Netflix du film éponyme inspiré de L'Ecole du Bien et du Mal a été l'occasion de découvrir cette série de roman écrite par
Soman Chainani, qui relate le conte de Sophie et Agatha. Les deux jeunes filles vivent dans un petit village qui subit tous les quatre ans une rafle de deux enfants. Personne ne revoit jamais les deux bambins, si ce n'est comme personnages principaux des livres de conte qui arrivent à la boutique du libraire du coin, sans que les villageois ne sachent d'où leur parviennent ces étranges livres. Sophie, bien au courant de cette pratique, rêve d'être kidnappée par le « Grand Maître » et de devenir la princesse qu'elle sait être, portée par la promesse de sa défunte mère qu'un grand destin l'attend. Comme un négatif de la jeune fille, bien portante aux belles boucles longues qui adore se pomponner et être en rose, Agatha elle est maigrichote, pâle comme un linge, avec des cheveux gras… Bref, l'archétype de la sorcière. Et pourtant, lorsqu'elles se retrouvent dans l'Ecole du Bien et du Mal, établissement qui leur apprend à devenir des personnages de conte, c'est Sophie qui se retrouve à l'Ecole du Mal, alors qu'Agatha atterrit au milieu des fleurs et des fées. Si Sophie souhaite prouver à tout prix qu'elle est dans la mauvaise école et être intégrée au rang des princesse, Agatha, elle, cherche avant tout à rentrer avec Sophie à la maison.
Au cours de leurs aventures, nous en découvrons plus sur l'univers des contes dans lequel elles ont été projetées : que cela soit à travers l'histoire de ce monde, où le Bien gagne depuis 200 ans, à travers les fils et filles de personnages célèbres que les deux jeunes filles rencontrent ou encore à travers les lieux mentionnés ou visités.
Dans ces romans, l'objectif des enfants est de créer leur propre histoire, et de vivre leur propre vie. Contrairement à Ever After High où la fille de Blanche-Neige a sa vie toute tracée devant elle, puisqu'elle va reprendre le rôle de sa mère dans son conte pour perpétuer ce dernier, à l'Ecole du Bien et du Mal, chacun forme son propre chemin. Bien sûr, les contes traditionnels sont connus, mais leurs héritiers, qu'ils soient Gentils ou Méchants ont pour but d'avoir un meilleur conte que celui de leurs parents. Ainsi, Heather veut surpasser sa mère, la sorcière de Hansel et Gretel, qui s'est bêtement fait avoir par des gamins désespérés ; Tedros, le fils d'Arthur et de Guenièvre, n'est pas non plus en reste : il veut, lui, trouver une princesse réellement Bonne, qui ne quittera pas mari et enfant avec le premier chevalier venu. Cet aspect est, à mon sens, très intéressant puisqu'il permet de renouveler le genre de l'école de conte tout en réinterprétant les contes plus traditionnels, ce qui offre un vent de fraîcheur à la fois sur le genre et sur les classiques.
Par ailleurs, le lecteur est pris à partie directement dans le système du monde : à travers les personnages d'Agatha et de Sophie, appelées avec dédain par leurs camarades « Lectrices », qui découvrent l'univers des contes avec lesquels elles ont grandi, nous le découvrons en ayant les mêmes références, ou au contraire le manque de références, qu'elles. J'ai beaucoup aimé la construction et les explications que nous avons eu de tout l'univers du roman, qui est moins manichéen qu'il n'y paraît au fur et à mesure que l'on avance dans les livres. de même, on sent que l'auteur est spécialiste de la question : sans que cela ne soit abordé de manière trop lourde ou trop scolaire, des réflexions sur la structure même d'un conte, avec ses types de personnages définis et ses moments clefs tout comme ses dénouements traditionnels sont proposées.
Si les personnages d'Agatha et Sophie me semblent bien amenés, humains à la fois par leurs forces et leurs faiblesses, même si elles peuvent en devenir un peu insupportables par moment. En revanche, les personnages masculins sont bien trop peu construits : il faut presque attendre le deuxième tome pour que Tedros sorte du cliché du prince BG et qu'il ait une histoire. Il est assez uniforme, et son personnage commence à être réellement intéressant entre la fin du second tome et le troisième, où,
au contact d'Agatha et de sa vie avec elle, il prend un peu de relief. le fils du capitaine crochet n'a pas réellement d'autre personnalité que d'être amoureux de Sophie, quant à un personnage qui apparaît dans le troisième tome, malgré une histoire complexe et intéressante… il en reste plat ; c'est, en fait, un personnage féminin qui est approfondie à travers lui.
de même, force est de constater que le livre est, malgré une écriture assez récente, assez… sexiste. Les princesses veulent toutes se pomponner, sont toutes superficielles, n'ont pas réellement d'ambition autre que d'être une bonne épouse. Même lorsque, et c'était pourtant intéressant, un évènement amène les étudiantes du Bien et du Mal à co-habiter, et que les Méchantes se permettent de laisser libre court à leurs envies vestimentaires ou de maquillage, et qu'au contraire les princesses abandonnent ce qu'elles s'imposaient jusque-là, on en reste toujours à leur apparence. Par ailleurs, les remarques sur le physique de Dot, si elles essayaient de se faire passer pour de simples blagues, cumulées à l'exclusion du trio de sorcière à laquelle jeune fille fait fasse, soit parce qu'elle n'est pas assez bonne à l'école, soit parce qu'elle mange trop, soit parce que les deux autres lui préfèrent Agathe, soit parce qu'elle ne mange pas, tombent carrément dans le harcèlement, qui n'est jamais vraiment adressé au final, ce qui me semble dommageable.
Le sexisme va aussi dans l'autre sens : les garçons ne sont que des être répugnants, qui ne se lavent pas et se comportent comme des cochons s'il leur est donné la moindre liberté. Certes ce sont des adolescents, mais considérer que tous les garçons de l'école – sauf un, qui est bien l'exception d'ailleurs – se comporte de la sorte, c'est réducteur.
Malgré tout, cela a été une lecture que j'ai beaucoup appréciée ! Les réécritures des contes, et du genre même, sont intéressantes, les personnages féminins ne sont pas unilatéraux, et les intrigues des différents tomes sont, je trouve, bien tournées. On passe un moment très agréable en compagnie de ce premier cycle, assez en tout cas pour dévorer les trois livres en moins de deux semaines ! Si le tome 3 se finit de manière un peu abrupte, j'espère que le cycle suivant saura combler les quelques insatisfactions qu'il me reste.