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Citations sur Le Jour d'avant (287)

"Je n'ai pas relu les 42 noms. Je les connaissais depuis ma jeunesse, appris par coeur comme les lettres de l'alphabet. Celui de Jojo n'était pas dans la pierre, rejeté par les Houillères et par la mémoire. Mort trop tard pour être des martyrs. Mort trop loin pour être célébré. Mort entre deux draps pas entre deux veines. Mort en malade de la ville, pas en victime du fond."
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Tout le monde savait, aux pas heurtés d’un homme, qu’il avait passé sa vie à la taille. On l’identifiait à sa respiration de poisson échoué sur la grève, à ses tremblements, ses gestes lents, son dos saccagé, ses yeux désolés, à ses oreilles mortes. P 21
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"Venge-nous de la mine", avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui avais promis. À sa mort, mes poings menaçant le ciel. Je n'ai jamais cessé de lui promettre. J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, mort en paysan. Venger ma mère, morte en esseulée. J'allais tous nous venger de la mine. Nous laver des Houillères, des crapules qui n'avaient jamais payé leurs crimes. J'allais rendre leur dignité aux sacrifiés de la fosse 3bis. Faire honneur aux martyrs de Courrières, aux assassinés de Blanzy, aux calcinés de Forbach, aux lacérés de Merlebach, aux déchiquetés d'Avion, aux gazés de Saint-Florent, aux brûlés de Roche-la-Molière. Aux huit de La Mûre, qu'une galerie du puits du Villeret avait ensevelis. J'allais rendre vérité aux grévistes de 1948, aux familles expulsées des corons, aux blessés, aux silicosés, à tous les hommes morts du charbon sans blessures apparentes. Rendre justice aux veuves humiliées, condamées à rembourser les habits de travail que leurs maris avaient abîmés en mourant.

Page 130, Grasset, 2017.
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Plus loin, posée contre le socle du chevalement de la fosse 3 bis, une plaque de marbre noir : "Aux 42 VICTIMES DE LA CATASTROPHE MINIERE DU 27 DECEMBRE 1974". Et leurs noms gravés sur deux stèles, protégés par une chaîne de monuments aux morts.

Je n'ai pas relu les 42 noms. Je les connaissais depuis ma jeunesse, appris par cœur comme les lettres de l'alphabet. Celui de Jojo n'était pas dans la pierre, rejeté par les Houillères et par la mémoire. Mort trop tard pour être des martyrs. Mort trop loin pour être célébré. Mort entre deux draps pas entre deux veines. Mort en malade de la ville, pas en victime de fond. C'était dégueulasse. Ma mère, mon père, sa femme, tous nous avions hurlé à la saloperie mais l'Histoire s'est refermée sur notre douleur. Alors j'ai gravé le nom de mon frère dans ma tête, dans mon ventre et dans mon cœur, entre deux autres camarades tombés.

J'ai posé le plant de blé sur le gravier. Pour Joseph Flavent, trente ans, tombé à Saint-Amé.


Page 106 - (Jojo est dcd à l'hôpital)
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Je lui ai tellement parlé des terrils, de la brique, de la mine, de mon frère. (...) J'ai encore tellement d'enfance en moi. tellement de peurs enfouies, tellement de chagrin. Tellement de choses à lui avouer. Je dis que ma force vient de ce sol. (...) Je veux lui offrir mon ciel d'enfance, ma pluie, mes pavés mouillés. (...) je veux qu'elle remonte les ruelles d'un coron.
Qu'elle referme mes blessures du bout des lèvres. (p. 320)
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Je n'avais pas envie de parler. Pas envie de jouer. Mon frère était mort il y avait quarante ans, en ouvrier.Et cette terre n'était plus la sienne. Plus la mienne non plus. Notre bassin n'avait plus rien de minier. Je ne reconnaissais ni les hommes ni leurs rêves. Je n'aimais pas les questions rances qui les souillaient. A mon retour, je m'étais enivré des couleurs, la lumière du ciel, l'odeur de terre mouillée, la beauté des terrils, la majesté du chevalement. (...) Je pensais retrouver des éclats d'enfance et j'en ramassais des lambeaux. (p. 117)
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Le silence. Ce plus rien qui annonce les immenses douleurs.
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Elle prenait sa place dans mon cœur de charbon.
p 52
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Je savais que Cécile ne comprendrait pas. Elle a secoué la tête, une main sur ces lèvres. Je lui ai raconté la salle de bains, le savon frottant le dos du voisin, l’héroïsme de ces hommes qui avaient lutté contre la terre, l’air, l’eau et le feu, quatre éléments mortels à la fois. Ma volonté de célébrer cette solidarité. Et de leur rendre les honneurs. P 46
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Steve McQueen était le héros américain de mon enfance. Je l'avais vu dans 'Les sept Mercenaires', 'La grande Evasion', 'Bullitt'. J'imitais son sourire dans la glace, sa façon de froncer les sourcils. Au collège, lorsque quelqu'un me provoquait, je fermais les lèvres, comme lui. Je lui empruntais un peu de sa moue. Mon frère jurait que Steve McQueen et moi avions la même ombre sur le visage. Et que mon silence ressemblait au sien.
(p. 10)
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